D’un côté, un monde plus que jamais globalisé, mû par une mise en concurrence mondiale et confronté à des défis planétaires. De l’autre, des territoires, des régions, des États, des associations, des citoyens, qui misent sur un retour au local, pour des enjeux aussi variés que l’économie, l’alimentation, le climat, la démocratie ou la santé.
Deux visions qui coexistent et s’affrontent, mais qui s’alimentent aussi, se répondent. Car ce «conflit» entre global et local peut être «surmonté par le haut», estime Olivier De Schutter, rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté pour l’ONU, invitant par exemple «l’Union européenne (…) à opérer comme une entité qui protège des effets déstructurants de la mondialisation et qui favorise en son sein l’expérimentation locale» (lire «Il faut maintenant développer des outils qui favorisent l’expérimentation locale, et préservent des ‘niches’ d’innovation»).
C’est déjà l’idée qui sous-tend le programme européen Leader, qui finance depuis 30 ans les GAL (groupes d’action locale): sortes de petits «laboratoires du monde rural», menés par des partenaires privés (issus de la société civile) et publics (pouvoirs communaux), ils permettent à des projets innovants de voir le jour sur des territoires regroupant plusieurs communes rurales contiguës (lire «Ce local qui galvanise le rural»).
Beaucoup de ces projets touchent d’ailleurs à l’alimentation. Domaine par excellence où le local fait vendre, perçu comme un gage de qualité, d’accès à des produits respectueux des producteurs et de leur environnement. Tant et si bien que la grande distribution s’est elle aussi découvert des «vertus locales», quitte à faire de l’ombre aux coopératives. Reste encore à savoir de quel local on parle… (lire «Alimentation: la guerre du local»).
En matière de santé aussi, la territorialisation de l’offre de soins prend de l’ampleur. Notamment à Bruxelles, dans le cadre du «Plan social-santé intégré» de la Région. Mais cette nouvelle grille de lecture par «quartiers» permettra-t-elle de contribuer à une réduction des inégalités? Car, si l’approche territoriale vise à améliorer l’investissement public dans les quartiers où les besoins se font les plus grands, ne risque-t-on pas de faire peser sur le local des enjeux pour lesquels il ne détient pas les leviers d’action? Ou encore de détricoter une solidarité dans l’accès aux droits, beaucoup plus forte quand elle est construite à partir de niveaux de pouvoir plus élevés? (Lire «Inégalités de santé: faire le pari des territoires»)
Autant d’interrogations que les dynamiques de «relocalisation» drainent dans leur sillage. Des précautions nécessaires, pour penser le local dans un monde global.