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Regard critique · Justice sociale

Vu de Flandre

Le retour de la charité ?

La ministre Ingrid Lieten (SP.A) met sur pied un Fonds de lutte flamand contre la pauvreté infantile. Initiative utile ou constat d’échec des politiques publiques ?

La ministre Ingrid Lieten (SP.A) met sur pied un Fonds de lutte flamand contre la pauvreté infantile. Initiative utile ou constat d’échec des politiques publiques ?

Le crowdfunding, c’est un phénomène à la mode, que ce soit pour monter un film, aider un champion sportif ou lancer un magazine de reportages de qualité. Et c’est un peu le principe retenu par la ministre flamande en charge de la Lutte contre la pauvreté, Ingrid Lieten (SP.A) pour son « Vlaamse Kinderarmoedefonds » qui a été porté sur les fonds baptismaux le 15 octobre dernier. Tous – citoyens, organisations, entreprises, pouvoirs publics – sont invités à apporter leur écot pour lutter contre cette injustice que constitue la pauvreté infantile. « En Flandre, un enfant sur dix naît dans une famille défavorisée. Dès les trois premières années de sa vie, il va accumuler des retards qui feront qu’il aura moins de chances que les autres de trouver un emploi ou même accéder aux soins de santé. Nous gaspillons ainsi beaucoup de talents tout en ne donnant pas à cet enfant les chances auxquelles il a droit », a commenté la ministre.

Le Fonds est parrainé par toute une série d’experts, diverses associations, dont le Netwerk tegen armoede, l’Union des villes et communes flamandes (VVSG), la Fondation Roi Baudouin et l’assureur Ethias. Son président est le pédopsychiatre bien connu de l’Université de Louvain, Peter Adriaenssens. L’objectif déclaré du Fonds est de représenter une source structurelle de financement pour des projets innovants à long terme de lutte contre la pauvreté. Il remplirait ainsi une fonction de laboratoire. Un jury sera constitué pour choisir, dès 2014, un certain nombre de projets à soutenir. Pour l’instant, il y a déjà 385 000 euros, selon Gerrit Rauws, le directeur de la Fondation Roi Baudouin, mais les ambitions des fondateurs sont clairement bien plus élevées, même s’ils ne souhaitent pas donner davantage de précisions.

Question à cinq francs : n’est-ce pas plutôt la tâche des pouvoirs publics de mener ce genre de politique ? Pour Ingrid Lieten, l’un n’empêche pas l’autre : « Lors du dernier contrôle budgétaire, j’ai obtenu 4,5 millions supplémentaires pour pouvoir financer structurellement un certain nombre de projets. Et le plan d’action qui a été lancé par le gouvernement flamand va être poursuivi mais, à côté de cela, je trouve que la lutte contre la pauvreté infantile doit être une priorité pour l’ensemble de la société. »

Ingrid Lieten peut en tout cas compter sur le soutien de sa collègue libérale au Fédéral, Maggie de Block. « La lutte contre la pauvreté est une affaire quotidienne et tout appoint dans cette optique est le bienvenu. » Elle compare cette démarche avec sa propre approche du sans-abrisme, dans laquelle elle essaie de coordonner toutes les initiatives privées avec celles des pouvoirs publics. Pour la VVSG, ce nouveau Fonds pourrait aussi contribuer à éviter l’actuel émiettement des initiatives locales, celles-ci tendant alors à se regrouper pour solliciter ensemble une intervention du Fonds.

Mais tous ne sont pas d’accord avec cette vision des choses. Pour Jos Geysels, ancien mandataire Groen et président de l’association Decenniumdoelen 2017, « la pauvreté est un problème sociétal et politique de premier ordre qui est directement lié aux inégalités. Ce qu’il faut, c’est relever les minima sociaux, rendre la fiscalité plus juste, créer des logements sociaux, etc. Le crowdfunding, c’est bon pour les livres. On ne finance quand même pas non plus les allocations familiales avec du crowdfunding, non ? » Des études récentes montrent pourtant que les Flamands sont prêts à mettre la main au portefeuille pour la bonne cause. Ne faut-il pas utiliser intelligemment cette propension ? « C’est une bonne chose. Il faut stimuler la solidarité. Mais plutôt que de persuader les gens de donner de l’argent, il faut les convaincre qu’on ne peut plus continuer comme ça. » Pour Bea Cantillon, de l’Université d’Anvers, la solution est également structurelle : augmenter les minima sociaux, réduire dans la foulée la fiscalité sur les bas revenus pour éviter les pièges à l’emploi et inclure davantage de revenus du capital dans la base imposable.

Revue de presse réalisée d’après De Morgen et De Standaard

Pierre Gilissen

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