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Regard critique · Justice sociale

Santé

Une maraude de santé pour les sans-abri namurois

Depuis 2010, le relais social namurois a mis sur pied un projet « d’équipes mobiles de rue » inter-services pour aller à la rencontre des grandsprécarisés.

06-07-2012 Alter Échos n° 342

Depuis 2010, le relais social namurois a mis sur pied un projet « d’équipes mobiles de rue »1. Sa particularité ? Différents partenairessortent dans la rue, en binômes inter-services, à la rencontre des grands précarisés. Regards croisés sur cette pratique avec deux de ses protagonistes quitravaillent sous l’angle de la santé : le Relais santé2 et le projet Salamandre3 de l’asbl Phénix.

L’approche du Relais santé est généraliste. Il s’adresse aux personnes en grande précarité qui cumulent souvent difficultésfinancières, de logement et problèmes médicaux. Celle du projet Salamandre est plus spécifique puisqu’il cible les personnes vivant en rue et dépendantd’assuétudes de tous types. Pourtant toutes les semaines, les travailleurs des deux institutions sillonnent ensemble les rues de la capitale wallonne. Ils pratiquent aussi ce qu’onappelle le « zonage institutionnel », c’est-à-dire qu’ils se rendent dans les lieux d’accueil fréquentés par les personnes grandement précarisées, commele Resto du Coeur, la Saint-Vincent de Paul ou encore le lavoir social Li p’tite Buweye.

Un travail d' »accroch »e

Un objectif commun aux deux institutions : réaliser un travail d’« accroche » du public cible, désaffilié des circuits traditionnels de soins. S’assoir dansla rue avec les personnes qui y vivent, caresser leur chien, apporter du café et discuter un peu, autant de petites choses pour entrer en contact et créer une relation de confiance.« C’est après que le travail se différencie, une fois que la personne a « accroché » avec nous », explique Olivier Bogaert, éducateur de Salamandre.

« Nous essayons ensuite de remotiver les personnes en cas d’échec dans un parcours de soins et de leur redonner confiance dans les institutions, continuel’éducateur. Car souvent elles ont perdu cette confiance, elles ont l’impression d’être baladées, rembarrées. » L’objectif sous-jacent :travailler l’arrêt de la consommation via un trajet de soins en plusieurs étapes : résoudre les difficultés administratives, mettre en place une cure puis une postcure. Cetravail se réalise à la demande et sans restrictions dans le temps. « Si une personne est en postcure à Malmédy, nous allons l’aider à préparersa sortie. En général, ces personnes n’ont pas beaucoup de visites, peu de gens s’intéressent à elles. Elles ont besoin de soutien et de réconfort.»

Le travail du Relais santé est lui aussi conçu en deux temps. L’équipe se fait connaître sur le terrain, entre en relation. A force d’informer, de serencontrer, les personnes sans-abri, en confiance, finiront-elles peut-être par pousser la porte des permanences. Des permanences au cours desquelles les infirmières réalisent dessoins et essayent de passer le relais. Car l’objectif du Relais santé n’est pas d’être un service de plus, mais bien de raccrocher le public aux services de soinstraditionnels. « Ce travail « d’accroche » peut nécessiter beaucoup de temps, expliquent Marie et Amélie, infirmières. Mais le nombre d’accrochesréalisées et le fait que de nouveaux patients poussent chaque jour notre porte viennent soutenir notre motivation par rapport au sens de notre travail. »

Chemin faisant vers la Saint-Vincent

Ce soir, Marie et Amélie, infirmières au Relais santé, vont à la Saint-Vincent de Paul. Nos deux compères sont connues comme des loups blancs dans les ruesnamuroises. Elles se font apostropher à tous les coins de rue. En chemin, on rencontre M. qui demande s’il peut venir prendre une douche au Relais.

Un peu plus loin, installés sur le pas d’une porte, Monsieur Y et Madame Z, sans-abri également. « Non, pas aujourd’hui. Je ne dis pas bonjour ! », aboied’emblée l’homme. Il faut dire qu’ils sont en pleine dispute conjugale. Ensemble depuis six mois, ils sont arrivés à Namur il y a deux mois. Jalousie, invectives, l’ambiance estélectrique. Un peu éthylique sans doute. Marie et Amélie, tout en douceur, finissent par ramener le couple à la raison. Embrassades et réconciliation: c’est unehappy end, pour ce soir en tout cas. Madame Z voudrait rencontrer un psychologue, Marie et Amélie l’invitent à passer au Relais santé jeudi : ce jour-là, un psychologued’un service de santé mentale sera présent.

Nous reprenons notre route. 20 h 30, arrivée au local de la Saint-Vincent. Ce soir, l’ambiance est calme, c’est le creux après le rush de l’hiver. Une femme ici, l’un ou l’autrejeunes, mais la grande majorité sont des hommes. Discussions de supporters de foot, quelques vannes qui volent à gauche à droite. Un jeune se livre à Amélie :« Ça ne peut plus continuer comme ça, je ne peux plus rester à la rue. Il faut que je trouve quelque chose. » Amélie et Marie ont un petit mot pour chacun.Avec humour et tact, elles écoutent et rappellent au passage l’adresse et les heures de permanence du Relais santé.

[/t]De plus en plus de doubles diagnostics[/t]

« Il y a aujourd’hui chez les habitants de la rue de plus en plus de doubles diagnostics », nous dit Olivier Bogaert. Des problèmes d’assuétudes quise doublent de problématiques de santé mentale. « On ne sait pas si c’est la maladie mentale qui amène à la rue ou inversement », s’interrogeMarie. Un peu des deux sans doute. Il en va de même pour l’addiction. Toujours est-il que dans les deux cas, pour ces personnes, la priorité n’est plus de se soigner.D’où la nécessité de travailler la demande. Il faut savoir considérer la personne dans sa globalité, détecter les problèmes, évaluerl’urgence d’une situation.

Entre les besoins et les demandes, entre les priorités des soignants et celles des personnes, il y a parfois un large fossé. « On essaye de s’adapter à leurspriorités en les mettant en confiance et en travaillant à partir de ce que la personne accepte de laisser prendre en charge », commente-t-elle. Parfois les problèmesmédicaux sont ce qui vient en dernier. « On essaye de voir quels sont les besoins fondamentaux des personnes, explique quant à lui Olivier Bogaert. Car souvent, elles sontdispersées, elles ont plusieurs projets à la fois. » Et si Salamandre les oriente dans l’ensemble de leurs besoins primaires, l’abstinence reste bien le coeur duprojet.

Un passage de relais plus facile

Le travail de rue mené en commun par le Relais santé et Salamandre permet de toucher un public plus large. « Car certains se dirigent plus volontiers vers nous,d’autres vers le Relais santé », résume Olivier Bogaert. Cela permet aussi un passage de relais plus facile. «&
nbsp;Nous avons tous des fonctionnementsdifférents, ajoute Marie. C’est assez riche. » Des réunions « Equipes mobiles de rue » organisées par le Relais social permettent auxdifférents partenaires de mettre en place des modes opératoires communs et de s’accorder sur des questions de déontologie, comme le secret professionnel par exemple.

Image : « Homeless », copyleft Leroy Allen Skalstad (http://commons.wikimedia.org)

1. Relais social urbain namurois, rue Saint-Nicolas, 4 à 5000 Namur – contact : Bruno Reman – tél. : 081 33 74 60 – courriel : bruno.reman@rsunamurois.be. Les partenaires du projet sont : le Relais santé, le projet Salamandre (asbl Phénix), les travailleurssociaux de proximité (ville de Namur), le Comptoir de l’Echange (asbl Namur Entraide Sida) et le projet Le Rocher (asbl Avec Toit).
2. Relais Santé :
– adresse : rue Saint-Nicolas, 4 à 5000 Namur
– tél. : 0489 320 986
– courriel : marie.mathy@rsunamurois.be
3. Projet Salamandre, asbl Phénix :
– adresse : avenue Bourgmestre Jean Materne, 165 à 5100 Jambes
– tél. : 081 22 56 91
– site : www.asblphenix.be/

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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