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Regard critique · Justice sociale

Catherine François : « On n’est pas dans un monde de Bisounours ! »

Parfois provocatrice et radicale, Catherine François a une parole libre sur un sujet qui redevient tabou : la liberté sexuelle. Rencontre autour de son livre [i]Sexe,prostitution et contes de fées[i].

10-07-2011 Alter Échos n° 319

Parfois provocatrice et radicale, Catherine François a une parole libre sur un sujet qui redevient tabou : la liberté sexuelle. Rencontre autour de son livre Sexe,prostitution et contes de fées1.

Dix ans après un premier livre sur le sujet Paroles de prostituées, Catherine François, assistante sociale et sexologue a eu envie de revenir sur le sujet.« Mon constat est que les conditions se sont dégradées tant au niveau des conditions de travail que dans le regard de la société », explique-t-elle.En cause pour elle ? Le retour du conservatisme en matière de liberté sexuelle et une gauche finalement très imprégnée de morale chrétienne.« Aujourd’hui, dire « j’aime le sexe » est mal vu. Il y a une forte concentration sur les valeurs familiales. On a l’impression d’entendre qu’il faut conserverla force de travail à la production et garder le sexe pour la reproduction. Regardez ce qu’on a dit d’Yves Leterme qui envoyait des SMS un peu coquins alors qu’ilétait en Afghanistan. C’est n’importe quoi ! », estime-t-elle.

Catherine François, qui est élue locale à Saint-Gilles et militante du PS, n’est pas tendre pour la gauche sur le sujet. « Dans les milieux de gauche surtouten France, on me dit que l’industrie pornographique et la prostitution sont des mécanismes capitalistes. Sans doute ! Mais pourquoi devrait-on interdire la production des « sex toys »plutôt que celle des PC ? », questionne-t-elle.

Des conditions qui se dégradent

Quant aux conditions de travail, elle estime qu’elles ne sont pas pires que celles des supérettes de quartier. « Ma caissière fait une heure sup gratos tous lesjours. Les travailleurs salariés sont de plus en plus précarisés. Ou prenez les femmes de ménage qui travaillent dans les institutions européennes. Elles ont deshoraires super décalés et leur revenu mensuel tourne autour de 900 euros par mois », dénonce-t-elle.
Sur la traite des êtres humains liée à la prostitution, elle met en avant les chiffres de la police qui laissent apparaître une faible proportion des femmes forcéesà se prostituer. « Il n’y a pas plus de traite des êtres humains que dans le foot ! En Belgique, si une femme dénonce un réseau, elle reçoitdes papiers. Moins la prostitution sera criminalisée, moins elle sera liée au milieu du crime. La clandestinité engendre aussi des conditions de travaildégradées », souligne-t-elle.
Confirmation à Charleroi où les filles sont chassées du triangle pour se retrouver sous un pont autoroutier à la lisière de la ville.

Criminaliser le client, à l’ordre du jour ?

Au niveau politique, le CDH propose la pénalisation du client comme en Suède. C’est en discussion en France aussi. « Avec l’aval du PSfrançais », enrage-t-elle. En Belgique, le PS a mis à son programme la protection sociale des travailleurs sexuels. « Ce fut une de mes raisons pour êtreprésente sur la liste en 2010. » Avec un joli score à la clé.

Et le féminisme ? Pour Catherine François, il y a deux types de féminisme. Le premier est différentialiste. Il est incarné par les « chiennes degarde » ou la gauche chrétienne. « Le « caca nerveux » d’Emily Hoyos recevant un texto grivois d’un collègue au parlement est significatif. C’estune attitude castratrice au possible. Je ne vois pas l’utilité de présenter ce type comme une bête féroce lubrique », lâche-t-elle,excédée par la pudibonderie de la présidente du parlement wallon. Le second type de féminisme, dont elle se revendique, est universaliste. Il est incarné par despersonnalités comme Elisabeth Badinter et Virginie Despentes.

Alors, la prostitution, un conte de fées ? « Au contraire, les contes de fées mettent en scène une image de la femme tout à fait irréelle. Ilsprésentent une société qui n’existe pas au contraire du porno. Avoir vu un film porno n’a jamais empêché une femme des’émanciper. »

Quant aux relations de pouvoir avec le sexe, Catherine François a un avis assez tranché sur la question. « Le milieu du travail est dur et violent. Mais la loi sur leharcèlement sexuel est totalement hors de propos. La loi sur le harcèlement moral suffisait largement. Le harcèlement sexuel n’est pas un viol. On n’est pas unesociété de Bisounours. Quand on a un problème avec un chef et que celui-ci persiste, il vaut mieux se tirer », conclut-elle.

1. Catherine François, avec la contribution de Marie, Sexe, prostitution et contes de fées, Editions Luc Pire, Liège, 2011, 158 p.

Jacques Remacle

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