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Santé

L’aide médicale urgente bientôt réformée ?

Interpellé par l’ONG Médecins du Monde, le centre d’expertise en soins de santé KCE a procédé, en collaboration avec l’Université de Gand et l’UCL, à une évaluation de l’aide médicale urgente (AMU) en Belgique. L’AMU, dernier filet de sécurité en matière de soins de santé pour les personnes sans statut de séjour, demeure un droit non appliqué pour une grande part de ses bénéficiaires potentiels.

21-01-2016
Flickr cc / Steven Depolo

Interpellé par l’ONG Médecins du Monde, le centre d’expertise en soins de santé KCE a procédé, en collaboration avec l’Université de Gand et l’UCL, à une évaluation de l’aide médicale urgente (AMU) en Belgique. L’AMU, dernier filet de sécurité en matière de soins de santé pour les personnes sans statut de séjour, demeure un droit non appliqué pour une grande part de ses bénéficiaires potentiels: alors que 99% des personnes sans titre de séjour devraient avoir accès aux soins de santé via cette procédure, seuls 14% y accèdent effectivement, a expliqué Marie Dauvrin, chercheuse à l’UCL, lors du midi de la Strada ce mercredi 20 janvier.

En cause? Une définition de l’aide médicale urgente peu claire tant pour les personnes bénéficiaires que pour les professionnels. La notion d’urgence portant à confusion, de nombreux soins sont refusés. La chercheuse a aussi relevé de grandes lacunes dans l’information et la communication réalisées autour de l’AMU, ainsi que la complexité des procédures pour l’ensemble des acteurs concernés. Mais c’est aussi le pouvoir discrétionnaire exercé à tous les niveaux qui a de quoi inquiéter: «Toute personne à un maillon de la chaîne peut influencer à son niveau les résultats de la procédure, explique Marie Dauvrin. Si ce phénomène est difficile à évaluer, à mesurer, il est très très fort en Belgique.» Exemple? Certains assistants sociaux de CPAS (la demande d’AMU doit être introduite via un CPAS, NDLR) se permettent d’évaluer la pertinence des prescriptions médicales réalisée par les médecins. «Ces décisions arbitraires augmentent l’inégalité des soins», regrette la chercheuse de l’UCL.

Conséquence ce ces lacunes, ce sont tant la loi régissant l’aide sociale que celle consacrant le droit des patients qui sont violées. Pour changer la donne, mais aussi pour permettre une meilleure utilisation des ressources publiques, le KCE propose une réforme en neuf points articulés autour de deux lignes directrices: simplifier et harmoniser les procédures administratives; rationaliser l’accès aux soins de santé et le système d’information.

Parmi les propositions du centre d’expertise, épinglons la nécessité de:

  • donner à l’AMU un autre nom tel que «couverture santé pour personnes en séjour irrégulier» ou «couverture santé temporaire »;
  • rationaliser et simplifier l’enquête sociale;
  • standardiser la carte médicale et faciliter l’augmentation de sa validité;
  • harmoniser les soins de santé couverts en les calquant sur la couverture santé accordée aux demandeurs d’asile;
  • assurer le libre choix de son médecin généraliste;
  • faciliter le financement de la procédure en systématisant l’intervention du tiers payant, ainsi que le remboursement des prestataires de soins directement par la CAAMI (Caisse auxiliaire d’assurance maladie-invalidité) (sans devoir passer par un CPAS);
  • assurer un monitoring des pratiques de soins et des coûts.

«Il faut repenser en profondeur la procédure, et notamment le rôle des CPAS dans cette procédure, a assuré Marie Dauvrin. En outre, l’aide médicale ne doit plus être conçue au sens de l’acte médical, mais sous l’angle, plus large, du droit à la santé.»

Aller plus loin

«Droits sociaux, entre abus et oublis», Alter Échos n° 403, 4 juin 2015 (dossier).

«Accès aux soins: après le Livre vert, voici le blanc», Fil d’info d’Alter Échos, 30 septembre 2014, Marinette Mormont.

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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