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Regard critique · Justice sociale

Vu de Flandre

Crèches flamandes à Bruxelles : un siècle d'attente ?

Les moyens mobilisés par la Communauté flamande pour augmenter l’offre d’accueil à l’enfance à Bruxelles ne sont pas du tout à la hauteur des ambitions affichées.

30-03-2012 Alter Échos n° 335

Les moyens mobilisés par la Communauté flamande pour augmenter l’offre d’accueil à l’enfance à Bruxelles ne sont pas du tout à la hauteur des ambitions affichées.

La pénurie de crèches flamandes dans la capitale ne date pas d’hier. La demande est pratiquement deux fois plus élevée que l’offre et les files d’attente s’allongent d’autant chaque année. Le gouvernement flamand a officiellement décidé de prendre le taureau par les cornes et d’enclencher un mouvement de rattrapage, mais, selon le SP.A (dans la majorité en Flandre, mais dans l’opposition à Bruxelles), on est loin du compte.

Cette année, Jo Vandeurzen, le ministre flamand de l’Aide sociale (CD&V), a réservé 7 millions d’euros pour l’élargissement de l’offre aussi bien agréée que non agréée, mais seulement 5 % de cette somme iront à des structures situées en région bruxelloise, alors que lors des opérations précédentes du genre, la part réservée à la région-capitale était de 10 %.

Pour la députée bruxelloise Elke Roex (SP.A), cette somme permettra de créer trente-cinq places, soit une crèche et demie, et cette estimation est confirmée par Kind en Gezin, l’équivalent flamand de l’ONE. Or les ambitions affichées par la Flandre étaient d’arriver en 2016 à offrir une place à un enfant sur deux de moins de trois ans. Et pour arriver à ce résultat, ce sont pas moins de quatre mille nouvelles places qui seraient nécessaires. Conclusion assassine de la députée : « A ce rythme-là, il faudra plus d’un siècle pour atteindre l’objectif poursuivi ». Pour elle, c’est largement plus de mille places qu’il faudrait créer, rien que cette année.
Brigitte Grouwels, ministre bruxelloise de la Famille et appartenant au même parti que Jo Vandeurzen, reconnaît le problème. « Il est vrai que malgré les efforts déjà accomplis, il reste un problème de pénurie de places d’accueil à Bruxelles. Contrairement à ce qui se passe dans le reste de la Flandre (sic), le nombre de naissances ne cesse d’augmenter à Bruxelles et cela pose des défis particuliers. » Mais elle ajoute que l’effort de la Communauté flamande en la matière dépasse déjà la proportion de néerlandophones dans la capitale.
 
Et puis, paradoxe, lorsqu’en novembre dernier, la Région bruxelloise a décidé d’investir elle-même dans le secteur, le gouvernement flamand a déposé un recours devant la Cour constitutionnelle pour l’en empêcher et l’équipe de Kris Peeters a obtenu gain de cause depuis. Pour l’heure, le climat serait plutôt à l’apaisement et une concertation entre Jo Vandeurzen et le ministre-président bruxellois Charles Picqué (PS) est prévue prochainement. Enfin, le gouvernement flamand va également débloquer 15 millions pour rendre les crèches privées plus abordables pour les familles, mais cette initiative, si elle va dans le bon sens, ne créera aucune place supplémentaire.

Créer une crèche ?

Face à cette situation, certains finissent par prendre l’initiative. C’est le cas de Stefanie Gerolfs, 31 ans, qui a fondé avec quelques amis la crèche Minimabo il y a six ans dans une maison de la rue de Flandre, dans le centre de Bruxelles. Minimabo offre aujourd’hui trente-cinq places plus cinq places pour de l’accueil temporaire (six mois maximum pour des parents en grandes difficultés). Chris Keppens, le directeur, confesse devoir « quasiment décevoir des gens tous les jours ».

Minimabo s’est associée avec une dizaine d’autres crèches néerlandophones bruxelloises pour créer un centre d’accueil commun (Centrum voor Kinderopvang ou CKO) et mettre les candidats à une place d’accueil sur une liste commune. A l’heure actuelle, la liste en question regroupe 284 enfants en attente d’une solution. « Nous sommes les seuls à avoir une vue réelle sur la pénurie », affirme Chris Keppens. « La pénurie est structurelle, mais pas abstraite. Cela signifie beaucoup de femmes à qui l’on retire des opportunités. Faute de place pour leur enfant, elles ne pourront pas aller travailler ni suivre une formation. » Il souligne aussi qu’aucune exception ne peut être faite. « L’inspection est encore venue ici la semaine dernière. Toutes les règles doivent être strictement respectées. Tant de mètres carrés par enfant, etc. Un enfant ne peut être accueilli que si un autre s’en va, c’est aussi simple que cela. » Quant à trouver une gardienne néerlandophone à Bruxelles, c’est, selon lui, pratiquement impossible.

D’après De Morgen et De Standaard

Pierre Gilissen

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