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Regard critique · Justice sociale

Panpan Culture

L’habitat dans tous ses états

À l’initiative du Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat (RBDH), HABITER. (titre provisoire) est une exposition immersive photo et sonore sur la problématique de l’accès à un logement décent et abordable à Bruxelles. Elle parcourt la capitale depuis huit mois maintenant et a été accueillie dans plus de 20 lieux différents. Elle continuera sa route en 2024 à Forest ou Evere, notamment.

(c) RBDH - Chloé Thôme

Qu’ils s’appellent Jules, Sofie, Mohammed ou Jean-Michel, il y a autant de façons d’habiter la ville que d’habitants. Souvent, il s’agit plus de la subir, d’y survivre, de s’y adapter que d’y habiter…

Car habiter, c’est plus que se loger, c’est s’approprier un espace à soi, censé offrir sécurité, tranquillité, censé permettre de prendre sa place dans la société. Or, souvent, cet habitat est temporaire, précaire. D’où ce titre provisoire… Entre l’insalubrité, le sans-abrisme, la colocation, l’expulsion ou les squats, cette exposition itinérante est une invitation à rencontrer ces habitants de la capitale et mieux comprendre le logement à Bruxelles. Mêlant audio et image, à travers le travail de Chloé Thôme, Anne Bauwelinckx et Carole Dumont, la volonté du RBDH est de nous plonger dans une relation «plus personnelle» avec le droit au logement, en traduisant de façon plus humaine les chiffres, statistiques ou autres données cartographiées de l’état du logement à Bruxelles.

Il ne s’agit donc pas d’évoquer les 5.313 personnes sans abri – un chiffre trois fois plus élevé qu’il y a dix ans, mais d’aller à la rencontre de Jean-Michel qui dresse un constat lucide, car sans appel, de l’insuffisance de l’action politique en matière de sans-abrisme à Bruxelles. Il témoigne surtout de l’épreuve que constitue la vie en rue.

«La rue est une vie difficile, très difficile. Quand vous êtes dans la rue, vous n’avez pas d’amis. Vous avez des connaissances. Mais de vrais amis, vous n’en avez pas. J’ai un moral, c’est dingue. Et le moral, c’est 60 % d’une guérison. Je pars du principe que j’ai encore ma tête, mes deux bras et mes deux mains. Je n’ai plus de pieds mais j’ai quatre roues. Je me bats contre moi-même en quelque sorte.»

Il ne s’agit donc pas d’évoquer les 11% de logements loués à plusieurs – alors qu’ils n’étaient que 5 % il y a dix ans, mais d’aller à la rencontre de Sofie qui a choisi la colocation, et pas uniquement pour des raisons financières.

«La plus grande difficulté en colocation, c’est qu’il faut faire plus d’effort pour parler des problèmes, pour communiquer. Il faut être plus ouvert au style de vie de chacun. Il y a les raisons financières mais c’est aussi une façon de vivre. Pour nous, c’était super de partager cette expérience de devenir parents et de la grossesse avec des autres personnes, surtout pendant le confinement.»

Il ne s’agit donc pas de parler des gens du voyage, mais d’aller à la rencontre de Jules qui vit dans une caravane à la sortie de Bruxelles comme 120 autres familles qui résident ou souhaiteraient résider en habitat mobile dans la capitale. Jules, c’est aussi une mémoire vivante des combats menés et des espoirs perdus au sein de sa communauté.



«On est Belges, on est nés en Belgique. D’accord on est des Tziganes, mais on est comme des autres personnes, on demande une protection de notre pays. Depuis tant d’années, on n’a nulle part où stationner, on nous bouge d’une commune à l’autre, parfois on dépanne nos caravanes la nuit. On aurait voulu avoir un terrain fixe, pas un terrain de passage, comme il en existe beaucoup en Belgique.»

Il ne s’agit donc pas d’évoquer les près de 4.000 ménages condamnés à l’expulsion à Bruxelles chaque année, mais d’entendre le drame humain de Mohammed qui occupait avec sa famille un logement social insalubre, dangereux pour la santé, à tel point qu’il a été interdit à la location. Mohammed et sa famille ont fini par s’installer dans un autre logement social, mais là aussi, il a dû faire face à une nouvelle menace d’expulsion. Peut-être parce que l’homme et sa famille ont osé porter plainte contre son bailleur public? Pour Mohammed, dont les revenus sont limités, perdre ce logement, c’est pourtant foncer droit vers l’endettement.

«Un être humain ne peut pas expulser un autre être humain, ce n’est pas possible. Le Petit Poucet qui est en face de vous se défend contre un système. J’ai toujours payé mes loyers, je n’ai fait de mal à personne. On vivait dans un appartement épouvantable. J’ai simplement fait appel à l’inspection régionale, voilà la faute que j’ai faite. Et j’ai entraîné dans mon histoire ma femme et mes enfants, ce que je regrette aujourd’hui. Mais je dois choisir quoi? Vivre dans l’indignité, payer mon loyer et me taire. Voilà ce que l’on me propose.»

Se projeter dans la réalité souvent inconnue de l’autre, tout en éveillant les consciences, voilà ce que propose cette exposition immersive sur le droit au logement à Bruxelles, un droit fondamental pourtant encore trop souvent bafoué.

 

Pour plus d’informations: http://rbdh-bbrow.be/habiter-titre-provisoire/

Du 15 au 21 janvier au BRASS à Forest.

Du 26 janvier au 02 février au CC L’Entrela’ à Evere.

Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste (social, justice)

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