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Regard critique · Justice sociale

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Les politiques sociales : les nouvelles précarités, réalités multiformes des ratés de l’intégration

Entre le travail décemment payé à durée indéterminée et la dépendance prolongée d’allocations sociales, il existe une large zone grise quela dernière livraison de la revue Les politiques sociales1 qualifie de « nouvelles précarités ». Elle tente un tour de la problématiqueà travers différentes questions.

01-08-2005 Alter Échos n° 136

Entre le travail décemment payé à durée indéterminée et la dépendance prolongée d’allocations sociales, il existe une large zone grise quela dernière livraison de la revue Les politiques sociales1 qualifie de « nouvelles précarités ». Elle tente un tour de la problématiqueà travers différentes questions.

« Working poor »

Nathalie Burnay, sociologue, chercheuse à l’UCL2, fait le point sur les travailleurs pauvres, réalité qu’on croyait l’apanage des seuls États-Unis jusqu’à il y aquelques années. Son constat est surtout celui qu’on ne sait pas grand-chose en Belgique. Quelque 8,8 % des travailleurs seraient pauvres en Belgique (contre p. ex. 5,5 % au Royaume-Uni– surprise !). Une enquête française sur les travailleurs pauvres a montré que :

> 27 % sont des indépendants,

> 21 % sont sous CDI à temps plein (principalement dans la construction et l’aide à domicile),

> 8 % sous CDI à temps partiel,

> 10 % sont occupés toute l’année en enchaînant différents statuts temporaires,

> et 27 % connaissent des périodes de chômage entre ces différents types de petits boulots.

Pour la Belgique, on ne peut qu’extrapoler…

La question de l’instabilité de l’emploi renvoie à celle de la perte de qualité du travail. C’est ce que Serge Paugam (EHESS, Paris) explorait dans son ouvrage Lesalarié de la précarité en 2000, qu’il résume ici en partie. Il y avait dégagé quatre figures de l’intégration, notamment l’intégrationdéqualifiante, qui cumule instabilité dans l’emploi et insatisfaction au travail, figure type de la précarité professionnelle. L’intérêt de la grilled’analyse proposée par Paugam, fil rouge de ce numéro de la revue, est de croiser « approche psychosociale des expériences vécues » et « approchestructurelle des conditions économiques et sociales du développement du capitalisme moderne ».

Intérim et pénuries de main-d’œuvre

Suit un article sur l’apparition, en Italie, depuis 1997, du travail intérimaire, et du boom qu’il a connu depuis. Si on détecte, en Italie comme chez nous, un glissement dans lesmotivations des entreprises (répondre à des besoins temporaires de personnel), les enquêtes de terrain montrent aussi que l’intérim n’est pas seulement une manière,pour les jeunes travailleurs d’assurer tant bien que mal leur survie à l’entrée sur le marché de l’emploi. C’est aussi une forme de liberté qui offre la possibilitéde différer le choix d’une identité professionnelle, permise par des modèles familiaux où la norme est de vivre chez ses parents jusqu’à 26-29 ans. Maisl’auteure, Giovanna Fullin, insiste, à l’égard de Robert Castel, sur le fait que la réappropriation de ce type de justifications par les acteurs économiques et politiquesconstitue une formidable machine à produire des inégalités : tout le monde n’est pas doté des ressources qui permettent d’endosser sans casse des modes de vie «modernes fluides ».

Ce rapport entre modèles d’intégration des jeunes et modèles familiaux est d’ailleurs très variable en Europe, de pays à pays, comme le montre un autre article(Cécile Van de Velde).

Bernard Conter (SES de la Région wallonne), quant à lui, revient sur la même réalité, mais avec la lunette des employeurs, de plus en plus enclins à parlerde « pénuries de main-d’œuvre ». Deux grandes idées traversent sa contribution. D’un point de vue méthodologique, les études annuelles menées dansnotre pays, tant par des partenaires sociaux que par des services publics de l’emploi (Upedi, Cefora, Forem, Observatoire bruxellois), ne sont pas à la hauteur de la complexité desphénomènes socioéconomiques à l’œuvre. Seconde idée-force : le succès de cette grille de lecture dans l’espace public occulte ce que lespénuries de main-d’œuvre doivent à la demande de travail (embauche surqualifiée, stratégies d’entreprise rigidifiées, etc.) pour en reporter de fait laresponsabilité sur le système de formation, et par ricochet sur les demandeurs d’emploi, mis en demeure de s’activer.

Europe sociale : pas une mince affaire

Tous les articles ont au moins en filigrane le fait que les situations socioéconomiques nationales et les politiques des États membres de l’UE, produits d’histoiresdifférentes, ont des caractéristiques et des priorités très différentes, alors que, depuis six ans, on tente de les faire converger au moyen de mécanismes decoordination des politiques relativement directifs et… orientés.

1. N°3-4, 2002, 12 euros. Marie-Anne Beauduin, Les politiques sociales, rue Marguerite Bervoets, 10 à 7000 Mons,
tél. : 02 356 93 18, fax : 02 361 47 96, e-mail : beauduin@infonie.be

2. Nathalie Burnay, place Montesquieu, 1 à 1348 Louvain-la-Neuve, tél. : 010 47 42 60,
e-mail : burnay@anso.ucl.ac.be

Thomas Lemaigre

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