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Le Parlement européen fustige l'enfermement des immigrés

Les centres de rétention pour demandeurs d’asile sont « intolérables », d’après un rapport d’initiative du Parlement européen. La Belgiqueépinglée.

13-03-2009 Alter Échos n° 269

Les centres de rétention pour demandeurs d’asile sont « intolérables », d’après un rapport d’initiative du Parlement européen1,adopté le 5 février dernier. Un rapport critique et sans détours, qui épingle à plusieurs reprises la Belgique2 en raison, notamment, de la «détention administrative » de mineurs d’âge.

Entre 2005 et 2008, les eurodéputés de la Commission « Libertés civiles » ont visité 26 centres de rétention pour immigrants illégaux etdemandeurs d’asile dans plus d’une dizaine d’États membres de l’Union européenne. Faisant suite à ces visites, le Parlement européen aadopté en plénière, le 5 février dernier, un rapport global sur la situation des centres de rétention en Europe.

Rédigé par la vice-présidente du Parlement européen, Martine Roure (Parti socialiste européen), ce rapport déplore de nombreuses insuffisances de la partdes États membres, en matière d’accueil des demandeurs d’asile. Il pointe en particulier que « dans certains centres, les conditions de rétention sont intolérablesdu point de vue de l’hygiène, de la promiscuité, des équipements disponibles » et que les personnes retenues « ne sont pas systématiquementinformées des raisons de leur rétention ». Le texte souligne également que certains États membres ont recours, de plus en plus souvent, à la rétentiondes demandeurs d’asile alors que personne, affirment les eurodéputés, « ne devrait être détenu au seul motif d’être à la recherche d’une protectioninternationale ».

La Belgique critiquée par la commission des Libertés civiles

Coordonnée par l’Italien Giusto Catania (Gauche unie européenne), la partie du rapport concernant la Belgique critique sévèrement la politique d’asile du Royaume. Lesconditions de rétention des étrangers en situation illégale dans les centres fermés en Belgique « ne respectent pas les droits de base normalement dévolus auxmigrants clandestins », indique ainsi le rapport de la délégation qui a visité, en octobre 2007, les centres 127 (Melsbroek, à côté de l’aéroportmilitaire), 127 bis (Steenokkerzeel, en bordure de piste de l’aéroport), et INAD (à l’intérieur de l’aéroport national). S’il rappelle que, contrairement aux centresvisités dans d’autres pays (Malte, Ceuta et Melilla, Lampedusa), ceux situés en Belgique étaient « propres » et « corrects » malgré leurexiguïté, le texte épingle les conditions de vie dans ces centres : le bruit, la promiscuité, la présence d’enfants au milieu des adultes, la faiblesse del’assistance médicale – en particulier pour les femmes enceintes –, la durée moyenne de détention estimée à 5 mois, mais qui peut être beaucoupplus longue, la présence de déboutés dans la zone de transit de l’aéroport, livrés à eux-mêmes… Autant de manquements allant au «mépris des droits fondamentaux des émigrés », s’indigne le rapporteur.

Plus loin, le rapport s’inquiète d’une très vieille controverse : celle de la détention des enfants, dénoncée depuis des années tant par lesjuristes que par les psychologues, les pédiatres et de nombreuses associations. Ainsi, le rapport condamne sévèrement la rétention des mineurs, contraire à laConvention internationale sur les droits de l’enfant, déplorant le défaut de structures adéquates pour l’accueil des enfants et leur manque d’accès àl’enseignement.

Dans son document, Giusto Catania met aussi en évidence l’absence de la documentation nécessaire, le fait que les ordres d’expulsion soient rédigés ennéerlandais uniquement et le mauvais accès aux interprètes. Il estime, par ailleurs, que « toute personne a le droit d’être informée dans une langue qu’ellecomprend », en citant l’exemple d’immigrés francophones d’Afrique du Nord qui ont reçu des documents en néerlandais.

Le rapport critique également le principe de détention systématique et l’ « atmosphère carcérale » qui s’en dégage,considérant, sans ambages, que « les centres de rétention ne peuvent pas être tolérés et doivent être en conséquence fermés ». Demême, il dénonce la présence anormale de citoyens communautaires dans les trois centres fermés, ainsi que l’accès restreint à l’assistance juridique, «celle-ci se limitant parfois à une liste de noms d’avocats ». En conclusion, le rapport fait part du peu de transparence de la part des autorités belges en matière dedétention d’étrangers et d’expulsions, notamment du refoulement d’étrangers non vers leur pays d’origine mais vers des pays de transit, dont la Libye.

Si l’adoption par le Parlement du « Rapport sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile et réfugiés » pose haut l’exigence du respect des droits fondamentaux dansl’Union européenne, le vote des eurodéputés invite la Commission à mettre en place un système de visite et de contrôle permanent des centres derétention, et les États membres à faire preuve d’une solidarité plus grande avec les pays qui sont le plus confrontés aux défis del’immigration.

Appartements pour familles en séjour illégal à Tubize

Des recommandations entendues par la ministre Annemie Turtelboom (VLD) ? Après avoir été diabolisée pour la position qu’elle défend dans lanégociation du paquet migration-asile, la ministre semble entamer une mue pré-printanière. Premier symptôme : le lancement, à la mi-décembre, de son projet« d’humanisation des centres fermés ». Doté d’un million d’euros, celui-ci prévoit des travaux d’infrastructure et des moyens destinésà « améliorer la vie des résidents », dans les cinq centres fermés du Royaume. Un projet aux contours encore nébuleux mais qui laisse entrevoir,à terme, la création d’un sixième centre fermé spécifique « aux publics difficiles ». Deuxième symptôme : la concrétisation,par petites touches, des mesures de 2008, visant à développer des structures d’accueil « ouvertes » pour les familles sans papiers et celles qui entrent dans la« procédure Dublin », en attente d’être renvoyées vers le pays européen jugé compétent pour traiter leur demande d’asile. Aprèstrois premières maisons ouvertes à Zulte, quatre appartements ont ainsi été aménagés, en février, dans les logements de l’ancienne gendarmeriede Tubize.

Mais si la volonté de la ministre est d’offrir une alternative à la détention de familles en centres fermés, « on évacue toujours l’idéeque les familles de sans-papiers arrêtées puissent bénéficier d’une mesure de régularisation de leur séjour en Belgique », déplore leCiré3.

1. Résolution du Parlement européen du 5 février 2009 sur la mise en œuvre dans l’Union européenne de la directive 2003/9/CE sur les conditions d’accueil desdemandeurs d’asile et réfugiés : visites de la commission Libe de 2005 à 2008. www.europarl.europa.eu/[…]

2. Rapport de la délégation de la commission Libe sur sa visite en Belgique (EN), rapporteur : M. Giusto Catania (GUE/NGL, IT), 11 octobre 2007. Pas de lien direct maistéléchargement en format « .doc » via www.europarl.europa.eu/activities/[…]

3. Ciré :
– adresse : rue du Vivier, 80/82 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 629 77 10
– courriel : cire@cire.irisnet.be
-site : www.cire.irisnet.be

Rafal Naczyk

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