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La loi sur la garantie locative est un échec

En mars 2007, le fédéral réformait la réglementation en matière de garantie locative. Objectif : permettre aux revenus faibles de se constituer une garantielocative. Un an plus tard, les associations de terrain présentent une évaluation négative.

14-11-2008 Alter Échos n° 262

En mars 2007, le fédéral réformait la réglementation en matière de garantie locative. Objectif : permettre aux revenus faibles de se constituer une garantielocative. Un an plus tard, les associations de terrain présentent une évaluation négative.

Ce 28 octobre, plusieurs organisations soutenant les locataires (Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat, Vlaams overleg bewonersbelangen, Solidarités nouvelles,Réseau belge de lutte contre la pauvreté) ont présenté une évaluation concernant la nouvelle loi relative à la garantie locative. Ayant suivi le processusd’enquête, le Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale1 a organisé une conférence de presse pour leur permettred’en diffuser les résultats.
La loi offre aux locataires trois possibilités de constituer leur garantie locative :
• une garantie de deux mois versée en une fois ;
• une garantie de trois mois payable par le locataire en plusieurs mensualités auprès d’un organisme bancaire, lequel verse en une fois la garantie aupropriétaire ;
• une garantie de trois mois versée par une banque directement au propriétaire à la suite d’une convention passée entre un CPAS et une banque.

Une loi bancale

Menée auprès de différents services sociaux et syndicats de locataires, l’enquête concerne 300 candidats locataires : 37 en Wallonie, 145 à Bruxelles et 117 enFlandre. Les résultats sont sans appel.
• Dans 40 % des cas, les bailleurs ont demandé des informations complémentaires à leurs candidats locataires. A la suite de cela, 61 % de ceux-ci ont essuyé unrefus, essentiellement lié à leurs revenus ou à leur origine ;
• 35 % des personnes n’ont pas pu choisir comment constituer leur garantie locative ;
• les trois systèmes légaux pour constituer une garantie sont utilisés dans moins de la moitié des cas : 68 personnes (38,5 %) ont une garantie de deux moissur un compte bloqué ; 1 personne (0,5 %) a obtenu une garantie bancaire directe – après l’avoir demandé 25 fois ; 15 personnes (8,5 %) ont eu une garantiebancaire via le CPAS. En revanche, 41 personnes (23 %, mais 29 % à Bruxelles) ont dû payer cash et 16 (9 %, mais 17 % en Flandre) ont dû constituer leurgarantie sous la forme d’une assurance-vie.
Il n’y a pas que les propriétaires qui contournent la loi, les banques aussi. En novembre 2007, elles ont introduit un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle qui l’ajugé non fondé, le 1er septembre 2008…

Modifier, mais quand ?

Devant ces constats, les organisations soutenant les locataires préconisent des modifications à court terme de la loi (interdire le recours à un produit d’assurance-vie pourconstituer une garantie…) et une modification en profondeur de la loi, entre autres, avec la création d’un Fonds central de garantie locative. Pour que celle-ci aboutisse, les auteurs del’enquête demandent à être concertés, ainsi que les organisations représentant les propriétaires, avec le soutien du Service de lutte contre lapauvreté.
Présent à la conférence de presse, Jean-Marc Delizée (PS), secrétaire d’État fédéral à la Lutte contre la pauvreté, aassuré que cette concertation aurait lieu pour améliorer la loi ainsi que pour avoir un débat plus large sur le logement.
Du côté du terrain, certains estiment qu’il est trop tard. L’un d’eux explique que « le secteur bancaire n’est pas le seul coupable, la loi ne fonctionne tout simplement pas, alorsqu’il y a urgence. » Une travailleuse sociale rappelle aussi que « le terrain n’a pas été entendu par rapport à cette loi, il est donc difficile de croire qu’onsera consulté ».

Quant au Syndicat national des propriétaires (SNP), on notera qu’il a également souligné l’inefficacité de la loi dans sa revue Le Cri du mois d’octobre. Ilencourage aussi les bailleurs « à se montrer plus sélectifs dans le choix de leurs locataires » et à recourir aux bons d’assurance. Le SNP plaide pour unretour à une garantie en espèces sur un compte bloqué de trois mois maximum et pour la possibilité, laissée au locataire, d’étaler dans le temps le versementde la somme.

De manière générale, on peut se demander si l’on réformera cette loi, vu qu’il est prévu de régionaliser la loi sur le bail dans le cadre desnégociations institutionnelles.

1. Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale :
– adresse : c/o Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, rue Royale, 138 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 212 31 73
– courriel : luttepauvrete@cntr.be
– site : www.luttepauvrete.be
2. SNP :
-adresse : rue du Lombard, 76 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 512 62 87
– site : www.snp-aes.be

Baudouin Massart

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