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Justice

La mégaprison de Haren engendre un mégadébat

Dans le cadre des « Midis de l’ASM », l’Association syndicale des magistrats organisait jeudi 26 février un débat sur la mégaprison de Haren, en partenariat avec IEB. Différents acteurs du monde citoyen, politique et judiciaire étaient conviés aux festivités.

Action de plantation de pommes de terre du 17 avril 2014, Haren. © PIERRE VANNESTE - COLLECTIF KRANSYI

Dans le cadre des « Midis de l’ASM », l’Association syndicale des magistrats organisait jeudi 26 février un débat sur la mégaprison de Haren, en partenariat avec IEB. Différents acteurs du monde citoyen, politique et judiciaire étaient conviés aux festivités.

La mégaprison de Haren fait débat depuis son annonce en 2008. Ses détracteurs dénoncent le gigantisme du projet, son coût, son éloignement du Palais de Justice (11km) ou encore la place qu’occupera la prison dans la commune saturée de Haren où la STIB et l’OTAN ont déjà entre autres élu domicile.

«Nous ne voulons pas de cette prison pour diverses raisons», déclarait Hervé Louveau, président de l’ASM. La décision de construction aurait été prise sans concertation, selon M. Louveau qui accuse un déficit démocratique. De plus, «tous les scientifiques s’accordent à dire qu’il ne faut pas augmenter la taille des prisons. Celle d’Haren sera l’une des plus grandes d’Europe», dénonçait-il.  La prison serait également trop éloignée du Palais du Justice et sa construction devrait mobiliser les budgets durant vingt-trois ans, freinant la réalisation d’autres projets.

Laurent Sempot et Catherine Zicot sont responsables du dossier Haren au sein du SPF Justice. Défendant la loi de principe selon laquelle «le détenu doit sortir le moins abimé de sa peine», Mme Zicot expliquait que «limiter la liberté du détenu n’est pas égal à limiter son confort de vie». Vu l’état actuel des prisons de St Gilles et Forest, une prison plus moderne et plus humaine serait nécessaire. Le projet mettrait en avant la normalisation du détenu, chaque cellule étant dotée d’une douche et d’un téléphone. Selon les représentants du SPF Justice, la prison ressemblera à un «village pénitentiaire». Elle devrait comporter à son maximum 1200 individus, répartis dans différentes entités contenant chacune 300 places, elles-mêmes divisées en de plus de petites sections d’une trentaine de places. «Notre mission est de donner notre expertise d’un point de vue pénitentiaire, expliquait M. Sempot face à certaines critiques. On ne nous demande pas notre avis, nous sommes tenu à une fonction.»

Stéphane Boonen, bâtonnier de l’Ordre français du barreau de Bruxelles, estime que la situation actuelle est intenable et reconnaît au projet une véritable envie d’améliorer les choses. «Mais est-ce pourtant la meilleure solution ?», demandait-il. À ses yeux, l’éloignement de Haren mettrait en échec les droits essentiels et fondamentaux des détenus. Située à 11km du Palais de Justice, rejoindre la prison prendrait 1h30 depuis le centre de Bruxelles. Cela compromettrait les visites de la famille et la visite régulière de l’avocat chargé de tenir le détenu au courant de l’avancée de son dossier. Les services favorisant la réinsertion du détenu seraient également fragilisés. La seule manière de maintenir les droits des détenus serait pour M. Boonen de penser «à la reconstruction des prisons de Forest et St Gilles en tenant compte de toutes les études réalisées sur les conditions pénitentiaires».

Autre problème : un tribunal serait prévu dans la prison. Selon Isabelle Pauthier, directrice de l’Atelier de recherche et d’action urbaine, le lieu de jugement ne peut se situer dans la prison.  «Le Palais de Justice a une force symbolique, affirmait-elle. Il représente la séparation des pouvoirs.» Mme Pauthier avait également rappelé que la moitié de la superficie de Haren était occupée par différentes infrastructures. La prison devrait s’étaler sur dix-neuf hectares, saturant davantage la commune.

Margo D'Heygere (st.)

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