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Regard critique · Justice sociale

Logement

Linky provoque une fracture électrique

En France, Linky, le compteur électrique dit « communicant » est accusé de pratiquer la communication à sens unique. Du compteur, vers lefournisseur.

25-05-2012 Alter Échos n° 339

D’ici 2020, 35 millions de compteurs électriques dits « communicants » devraient être installés chez nos voisins français. Ce petit boîtierdoit permettre de réaliser de grandes économies d’énergie en informant le consommateur de sa consommation en temps réel. Encore faut-il que celui-ci ait accèsà ces informations…

En septembre 2011, le ministre français de l’Industrie de l’époque, Eric Besson, annonçait, après une phase d’expérimentation, que le compteur intelligentbaptisé « Linky » serait installé dans tout l’Hexagone. Une décision qui n’a pas manqué de faire des étincelles. Pour court-circuiterl’arrêté polémique, l’Union fédérale des consommateurs (UFC) Que choisir1 vient d’émettre un recours auprès du Conseil d’Etat pour« excès de pouvoir ». En parallèle, l’association lance une campagne où elle démontre que, malgré les promesses, le déploiement deLinky ne sera pas gratuit pour les consommateurs puisque son coût, estimé entre 120 et 300 euros l’unité, serait répercuté sur la facture, dans les frais dedistribution. Elle y soulève aussi la question de l’accès à l’information. « Contrairement à l’engagement pris dans la loi Grenelle, les compteurs communicantsne permettent pas aujourd’hui aux consommateurs de mieux connaître leur consommation d’énergie en temps réel et ainsi, de la maîtriser », accuse l’UFC.

Une information cadenassée

Si les compteurs actuels fournissent déjà une série d’informations sur la consommation totale, le tarif en heures creuses, la puissance instantanée, celles-ci ne sontpas toujours physiquement accessibles. Le compteur pouvant se situer à l’extérieur du domicile, dans un casier fermé. « Une petite vitre est prévue pour pouvoirlire ces données, mais il faut appuyer sur un bouton derrière la vitre pour afficher les derniers chiffres », explique Nicolas Mouchnino, chargé de missionénergie et environnement à l’UFC, pour démontrer l’absurdité de la situation. Avec Linky la situation ne sera guère différente. « ERDF [NDLR legestionnaire français du réseau] change l’installation, mais le casier reste fermé !»

ERDF teste actuellement un site web pour permettre aux consommateurs d’accéder à leurs données. « En France, seulement 70 % des ménages ont accèsà Internet. De plus, ce sont souvent les familles en zone rurale qui ne sont pas connectées. Et c’est justement en zone rurale que se trouvent le plus de casiersfermés », rétorque-t-on à l’UFC. Où l’on plaide plutôt pour un système d’affichage déporté, les données étantenvoyées sur un petit écran au domicile du consommateur via une communication sans fil.

L’association pointe aussi la privatisation des données à des fins mercantiles. A terme, les compteurs intelligents offriraient une série de services : contrôleà distance des appareils électriques, coaching énergétique personnalisé… Les fournisseurs d’énergie y voient déjà un business potentiel.« Le compteur risque de ne profiter qu’aux seuls ménages qui pourront financer ces services supplémentaires. Ce doit être un objet d’intérêtgénéral avant d’être un objet de marché », estime Bruno Léchevin, délégué général du Médiateur national del’énergie, dans son rapport 2011.

Allo, allo ?

L’introduction de Linky marquera la fin de la relève à pied des compteurs. Le Médiateur national de l’énergie craint que ce système ne soit perçu« comme une nouvelle étape de la déshumanisation du service public de la distribution d’énergie ». Nicolas Mouchninos, chargé de missionénergie et environnement à l’UFC Que choisir, abonde dans ce sens : « Avec la relève à pied, un dialogue s’instaurait parfois entre la personne et letechnicien, et des solutions pouvaient être trouvées quand il y avait un litige. Demain, il y aura juste un service clientèle par téléphone où lesopérateurs n’auront pas forcément le temps d’écouter les gens, ni la possibilité de prendre des décisions. »

1. UFC Que Choisir, 233, boulevard Voltaire à 75 011 Paris – tél. : 01 43 48 55 48 – site : www.quechoisir.org
2. Médiateur national de l’énergie, courrier : Libre réponse n° 59252 à 75 443 Paris Cedex 09 – tél. : 0800 121 212 –site : www.energie-mediateur.fr

Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

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