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Regard critique · Justice sociale

Migrations

« L’habitat mobile n’est toujours pas reconnu »

Ahmed Ahkim est directeur du Centre de Médiation des Gens du Voyage et des Roms en Wallonie. En amont de la journée des Gens du Voyage, organisée ce 6 mai, il décortique les relations ambigües qu’entretiennent les médias avec ces populations.

30-04-2014

Dans son édition du 22 avril, le journal français « Le Progrès » proposait une double page sur les nationalités impliquées dans la délinquance et la criminalité dans le Rhône, assortie d’une infographie intitulée « Délinquance: à chacun sa spécialité ». Ainsi, parmi les « locaux », les « groupes des cités », les « toxicomanes » et les « Africaines », les « Roms » et les « gens du voyage » figuraient au palmarès des « principales nationalités impliquées ». De quoi renforcer l’amalgame. Ahmed Ahkim est directeur du Centre de Médiation des Gens du Voyage et des Roms en Wallonie, un organe désormais reconnu. Diplômé en Journalisme et Communication, il dresse un tableau qui laisse apparaître une réalité complexe. Et qui ne se dévoile qu’au contact du terrain.

Saleté, vol, violence, assistanat ou bohème… On connaît tous ces clichés. Pourquoi « les Tsiganes » souffrent-ils toujours de représentations séculaires ?
Ces représentations sont caricaturales. Elles sont soit extrêmement négatives, soit extrêmement positives. La simple évocation de la vie de bohème fait rêver. Mais il y a une disproportion par rapport à la réalité. Et les médias, s’ils ne sont pas racistes, n’échappent pas toujours à une forme de stigmatisation en reproduisant des clichés, des stéréotypes, des pensées fantasmées qu’il faut clarifier. L’explication vient du peu de contacts et de rencontres qu’entretient la presse avec les gens du voyage. L’habitat mobile est un mode de vie particulier, qui n’a toujours pas sa place dans les réglementations. Il est donc normal que le citoyen, journaliste ou pas, interprète ces faits à travers son propre réservoir de représentations. Or, seule l’expérience de terrain permet de corriger ces a priori.

Lorsqu’elle tente de déconstruire les préjugés, la presse n’a pas toujours accès aux « gens du voyage »…
Les gens du voyage ne séjournent que pendant une courte période dans les villes et villages de Wallonie. Par définition, leurs contacts avec les sédentaires sont donc réduits… Il y a un travail important de la part des journalistes pour aller au-delà des représentations. L’exposition, en marge du débat, a pris le parti volontaire de mettre en avant ce travail-là. Mais à défaut d’être objective, la couverture médiatique accordée aux gens du voyage n’a pas été très tendre avec eux. Les gens du voyage ont l’expérience du stigmate. Ces expériences négatives font qu’ils refusent parfois la rencontre avec les médias. Or, quand les journalistes prennent le temps de les rencontrer, nous constatons alors une couverture médiatique plus juste et plus nuancée.

Désormais, le CMGVRW est un organe reconnu. Quelles sont vos missions ?
Notre travail consiste à soutenir l’aménagement d’espaces adaptés aux familles du voyage, mais aussi à développer la formation et l’information sur les réalités socioculturelles des gens du voyage auprès des intervenants sociaux, éducatifs et administratifs. Nous voulons changer la manière dont les institutions appréhendent l’habitat mobile. Et faire le point sur l’organisation du séjour temporaire, l’hivernage, l’accès aux permis d’urbanisme, etc. Les « gens du voyage » ont vocation à s’intégrer, pour peu que le mode de vie mobile soit reconnu par les autorités. Mais en réalité, ils vivent dans des situations plus compliquées en Belgique qu’en France, où ils peuvent poser leurs caravanes de manière suffisamment réglementée.

Rafal Naczyk

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