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Les personnes d'origine étrangère oubliées du micro-trottoir

La représentation des personnes d’origine étrangère dans les médias évolue positivement, mais il reste beaucoup à faire. Le CRI de Charleroi lance ledébat.

06-06-2010 Alter Échos n° 296

La représentation que les médias donnent des personnes d’origine étrangère a évolué positivement. Mais beaucoup reste encore à faire. Le Centrerégional d’intégration de Charleroi (Cric) lance le débat.

Deux Bulgares arrêtés, trois Gitans condamnés pour vol… C’est à force de voir ce genre de titres racoleurs en faisant la revue de presse qu’Elsa Malfosse et sacollègue du service communication ont décidé de consacrer la rencontre thématique du Cric1 à « la représentation des personnes d’origineétrangère par les médias ».

Depuis plusieurs années, Fatine Daoudi suit la question pour le Centre pour l’égalité des chances. Auteure d’une étude en 2007 sur la représentation desminorités ethniques dans les médias belges, elle participe actuellement à la mise en place d’un baromètre sur la diversité à la télé par leConseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Sur certains aspects, la problématique a évolué positivement, juge-t-elle. « Si l’on se réfère à uneétude réalisée en ’94, on constate que les journalistes font moins souvent mention de l’origine étrangère d’une personne quand cette information n’a aucune raisond’être. » Comme ce fut trop souvent le cas dans les pages judiciaires.

En revanche, les médias persistent à ne s’intéresser aux personnes d’origine étrangère que s’il s’agit d’un sujet ayant trait àl’intégration, à la religion, au voile, etc. On leur demande rarement leur avis sur le pouvoir d’achat ou la crise communautaire. « Dans la pré-étude pour le CSA, onremarque qu’elles sont sous-représentées dans les émissions de variétés. De même pour les micros-trottoirs. »

Forum en question

Depuis 2009, les médias francophones et germanophones disposent d’un organe d’autorégulation indépendant. Malgré sa création récente, le Conseildéontologique des journalistes (CDJ)2 a déjà examiné quelques plaintes en la matière. « La plainte type porte sur la généralisationà une communauté faite à partir d’un cas individuel », note André Linard, secrétaire général.

Au-delà du traitement des plaintes, cette instance vise aussi à promouvoir la déontologie et à la faire évoluer en fonction des nouveaux contextes,marqués par la concurrence et la course au scoop facile. À cet égard, Internet et les forums constituent un nouveau cas d’école. « On trouve sur ces forums ouvertspar les médias de pures horreurs racistes. Pour prendre l’exemple récent des perquisitions à Anderlecht, on a pu lire qu’un internaute voulait se « débarrasser de tout celaà coup de napalm ». »

Comme tout ce qui touche à la Toile, le problème de la responsabilité est complexe. Pour ne pas aider, la jurisprudence belge se révèle assez floue. Lafrançaise est un poil plus claire. La modération peut se faire a priori. Dans ce cas, le site est considéré comme éditeur et responsable. Si la modération sefait a posteriori, le site, en revanche, est perçu comme hébergeur et voit sa responsabilité plus limitée, explique André Linard. « C’est un paradoxe, carplus un site veut faire un travail en amont pour éviter les problèmes, plus il voit sa responsabilité impliquée. »

Déontologie et sociologie

Président de la section presse et information à l’Ihecs, Marc Sinaeve estime pour sa part que le débat ne peut se résumer à une question de déontologie.« Les journalistes peuvent très bien travailler de façon éthique, dans le respect des règles de leur profession, rien ne changera tant qu’on ne s’interrogerapas de façon plus globale sur nos modes de pensée et sur la façon dont le système forge nos représentations », soutient-il.

Pour ce professeur, c’est donc par l’angle sociologique qu’il faut s’attaquer au problème. Dans un article publié récemment par le CBAI (Centre bruxellois d’actioninterculturelle)3, il décrit comment les médias contribuent à catégoriser le réel et définir des normes. Et comment, le regard médiatiquene s’intéresse ensuite qu’à l’évènement qui rompt avec cette même norme. « Le fait qu’Obama soit noir constitue unévènement, mais pas le fait que Bush soit blanc », cite-t-il comme exemple.

Sans pousser la réflexion davantage sur les mécanismes complexes qui forment nos représentations, on retiendra « qu’il faut prendre le temps de questionnercertains réflexes ». À méditer.

1. Cric :
– adresse : rue Hanoteau, 23 à 6060 Gilly
– tél. : 071 20 98 60
– site : www.cricharleroi.be
2. CDJ
– Résidence Palace, bloc C, rue de la Loi, 155 bte 103 à 1040 Bruxelles
– tél. : 02 280 25 14
– site : www.deontologiejournalistique.be
3. Agenda interculturel, septembre 2009, nº 275.

Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

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