«Les services des CPAS sont ouverts à toute personne dans le besoin, et ce, même si elle est indépendante», voilà une des affirmations à l’entame du «Guide des indépendants et le CPAS», édité en 2020 par le SPP Intégration sociale. En réponse à la question «Qui peut s’adresser au CPAS?», on peut lire: «L’accès au CPAS n’est donc pas refusé d’emblée aux indépendants. Leur revenu pouvant varier d’un mois à l’autre, certains d’entre eux sont susceptibles de faire face à des dettes élevées. Mieux vaut donc solliciter l’aide du CPAS à temps afin d’éviter que la situation ne s’aggrave.» Au-delà de cette formulation, qui n’est pas forcément des plus accueillantes, ce guide passe en revue les aides qui peuvent être offertes à ces professionnels, à savoir le revenu d’intégration sociale ou un complément, en fonction des revenus de l’indépendant, une aide sociale équivalente, mais aussi une aide pour la gestion des dettes personnelles, une carte médicale si l’accès aux soins de santé n’est pas garanti, notamment parce que les cotisations sociales n’ont pas été réglées en temps et en heure. Le CPAS peut également aider au paiement des factures d’électricité, d’eau ou de gaz, des dettes de loyer[1]…
Pour autant, il n’est pas évident que les indépendants trouvent le chemin des CPAS et, quand ils le trouvent, il ne va pas de soi que l’aide sera forcément suffisamment adaptée, vu le caractère complexe de la matière et le manque de maîtrise de cette problématique au sein de ces structures. Bien souvent aux abois, les indépendants recherchent une aide urgente. Bien souvent, la réaction des CPAS, lorsqu’ils se trouvent confrontés à ce profil professionnel, consiste à conseiller aux indépendants en difficulté d’arrêter leur activité et puis de revenir ensuite pour demander de l’aide. Un conseil qui tombe généralement dans l’oreille d’un «sourd», tant l’investissement psychologique des indépendants dans leur activité est intense et accapare leur espace mental, les empêchant de voir leur situation économique et financière de manière objective.
Une prise en charge complexe
Ce qui est assez clair, c’est que la prise en charge de ce type de situations demande une analyse approfondie et un investissement en temps important, car les situations sont généralement complexes. C’est pourquoi le service de médiation de dettes du CPAS de Bruxelles a créé une cellule spécifique pour le traitement de ces dossiers. Elle compte aujourd’hui deux assistantes sociales formées spécifiquement, lesquelles peuvent aussi compter sur l’appui d’un juriste.
Comme l’explique Jan Willems, coordinateur du service de médiation de dettes et de cette cellule, «la demande émanant d’indépendants s’est intensifiée avec le Covid et les crises subséquentes (énergie, Ukraine, inflation). Durant le Covid, des aides octroyées par les niveaux fédéral et régional ont été débloquées pour permettre aux CPAS de venir en aide aux publics en difficulté, comme les indépendants. Donc, en 2021, on a créé cette cellule. Il n’a pas été évident de la mettre sur pied, car nous avons connu beaucoup de mouvements au sein du personnel à cette période. Aujourd’hui, les choses sont plus stables, ce qui est important pour renforcer les compétences pour le traitement de ces dossiers dans le chef des assistantes sociales dédiées à cette prise en charge. Les aides ponctuelles aux CPAS ont été stoppées, mais le conseil de l’aide sociale du CPAS de Bruxelles a décidé de maintenir cette cellule sur fonds propres. Cela dit, les demandes augmentent et on ne sait plus forcément suivre. Donc il faut faire attendre les gens, ce qui n’est pas l’idéal».
Bien souvent aux abois, les indépendants recherchent une aide urgente. Bien souvent, la réaction des CPAS, lorsqu’ils se trouvent confrontés à ce profil professionnel, consiste à conseiller aux indépendants en difficulté d’arrêter leur activité et puis de revenir ensuite pour demander de l’aide.
Côté chiffres, 267 dossiers d’indépendants ont été traités en 2023 et 95 d’entre eux ont été clôturés au 31 décembre. Cette année, ce sont donc 172 dossiers qui sont actifs, dont 90 indépendants qui sont toujours en activité. En termes de progression, en 2022, 112 nouvelles demandes ont été introduites et, en 2023, ce sont 164 nouvelles demandes qui ont été introduites. Les dossiers arrivent essentiellement via les antennes sociales du CPAS, mais aussi via le bouche-à-oreille ou le BECI (Chambre de commerce & Union des Entreprises de Bruxelles), parfois aussi le tribunal de l’entreprise ou encore le SPF Finances.
Parmi les dossiers pris en charge, plusieurs catégories de situations sont à distinguer: des indépendants dont l’activité est rentable, mais qui, en raison d’un budget peu structuré et de dettes qu’ils n’arrivent pas à négocier, sont en difficulté; des indépendants qui ne savent pas où ils en sont et dont il faut analyser si l’activité est tenable; ceux qui se sont lancés dans une activité d’indépendant sans trop savoir à quoi ils s’engageaient et, enfin, ceux qui souhaitent mettre fin à leur affaire, mais qui ne savent pas comment s’y prendre et qui doivent être accompagnés dans cette démarche.
Pour une équité entre les personnes aidées
Pour Jan Willems, «il est avant tout nécessaire d’effectuer une analyse budgétaire approfondie de l’activité de l’indépendant qui se présente, car se baser sur l’attestation comptable, s’il y en a une, ne veut pas dire grand-chose. Avec un bon comptable, les revenus seront peu élevés; avec un mauvais, les revenus seront élevés, mais cela ne veut rien dire sur la situation financière de cette personne. L’aide que le CPAS peut apporter dépend des revenus de la personne et il est important qu’il y ait une analyse budgétaire approfondie pour ne pas aider des personnes qui n’en auraient pas besoin».
Côté chiffres, 267 dossiers d’indépendants ont été traités en 2023 et 95 d’entre eux ont été clôturés au 31 décembre. Cette année, ce sont donc 172 dossiers qui sont actifs, dont 90 indépendants qui sont toujours en activité. En termes de progression, en 2022, 112 nouvelles demandes ont été introduites et, en 2023, ce sont 164 nouvelles demandes qui ont été introduites.
Il s’agit donc de décortiquer les revenus bruts et nets et donc également les dépenses, en faisant la différence entre le privé et le professionnel, avec l’aide de la personne qui doit adhérer à ce processus s’il veut être aidé. Selon une méthodologie unique et un investissement important en temps de travail, le but est de faire émerger le montant des revenus nets, permettant ainsi de déterminer l’aide sociale. «Cette aide est aussi évaluée dans le temps, il y a donc un calcul mensuel qui doit être effectué pour appréhender l’évolution de l’activité, car l’objectif est que la personne revienne à une autonomie financière. A contrario, nous aidons aussi la personne à mettre fin à son activité si c’est son souhait. Nous recourons à un expert-comptable extérieur qui peut évaluer si l’activité a une chance de (re)devenir rentable ou s’il est préférable de clôturer l’activité, mais c’est à l’indépendant de décider. S’il le souhaite, l’aide s’étend aussi à l’introduction d’une déclaration en faillite via le Registre central de la solvabilité (Regsol.be). Pour cela nous travaillons aussi en collaboration avec le BECI, et en particulier avec le Centre pour entreprises en difficulté (CEd).»
Quelle prise en charge des dettes?
L’idée est de permettre aux indépendants d’être aidés avec les moyens disponibles dans les CPAS. Cela peut prendre la forme d’une aide barémique (le revenu d’intégration sociale) complète ou partielle si, après analyse budgétaire et comptable, il appert que la personne ne dispose pas de revenus (suffisants). Une aide sociale équivalente est également envisageable. Autres possibilités: la prise en charge de dettes de loyer, d’énergie, une aide alimentaire ou encore une carte médicale.
En revanche, les dettes professionnelles ne sont pas prises en charge. Cela étant, Jan Willems ajoute: «Une attention toute particulière est aussi apportée aux cotisations sociales, car la prise en charge des soins de santé de la personne et plus largement la situation mutualiste de la personne dépend du paiement de celles-ci. C’est pourquoi nous prenons dans certains cas en charge le paiement des cotisations sociales. Nous introduisons aussi des demandes de dispense ou de réduction des cotisations si les personnes sont dans les conditions.»
Pour Jan Willems, il serait bon que ce type de dispositif puisse se généraliser en partageant les procédures et la méthodologie ainsi créées. La possibilité de mutualiser certains services comme un support juridique ou comptable entre CPAS pourrait également être profitable à tous.
[1] https://www.mi-is.be/fr/etudes-publications-statistiques/guide-des-independants-et-le-cpas.