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"État des lieux de la problématique des sans-abri à Bruxelles et propositions"

12-03-2001 Alter Échos n° 93

Le 9 mars, les ministres Tomas et Vanhengel, chargés des secteurs bilingues de l’aide sociale en Région bruxelloise1, ont rendu public le contenu d’un rapport de recherche sur laproblématique des sans-abri commandé en janvier 2000 à l’Institut de sociologie de l’ULB2. Sa commande résulte notamment des très vives tensions apparues dans lesecteur dans les mois qui ont suivi la création par la Cocof du Samu social.
Cette recherche vise l’optimalisation de la politique à l’égard des sans-abri. La Cocom a décidé à l’époque d’un moratoire sur les agréments et laréglementation pendant sa réalisation. Elle doit dans les prochaines semaines faire l’objet de consultations avec les organisations concernées, processus qui déboucherasur un projet politique de réorganisation du secteur.
Le rapport s’est penché sur la demande à partir d’entretiens approfondis avec un échantillon de personnes sans abri. Il a aussi bien entendu abordé, et en regard desstatistiques administratives, et par le moyen des entretiens qualitatifs, l’offre de services émanant des différents niveaux de pouvoir présents dans la région : Cocof,Communauté flamande, et Cocom principalement. Quelques analyses plus globales du phénomène du sans-abrisme et de sa dynamique sont aussi proposées, pour conclure sur 25propositions qui décrivent les principaux choix pour des scénarios d’amélioration et de réorganisation de l’offre.
La complexité institutionnelle de la problématique rend illusoire l’ambition de résumer la partie descriptive du rapport. Mais certaines lignes de force en sontsynthétisées dans la partie analytique où les chercheurs reviennent sur les grandes « interrogations du secteur ».
Ils y mettent ainsi en garde contre une grille de lecture courante qui consiste à classer les services entre d’une part, urgence de première ligne ou secteur ouvert (asiles de nuit,Samu social) et d’autre part secteur fermé, composé de services plus anciens, et proposant un hébergement de plus longue durée à visée de réinsertionsociale (maisons d’accueil, logement accompagné, etc.). En fait, remarque-t-on, toutes les structures sont confrontées aux urgences ou aux situations de crise; certains services dusecteur ouvert sont soit relativement sélectifs à l’entrée, soit très institutionnalisés. Différentes déclinaisons de l’urgence apparaissent alorsà travers des modes de collaboration entre services et à travers la diversité des profils des sans-abri.
Une tentative de jeter une lumière nouvelle sur les remous provoqués autour du Samu social est aussi proposée. La grande majorité des services ont étécréés sur la base d’une « légitimité professionnelle » : une expérience de terrain, construite collectivement, coulée sous forme de projet d’action,instituée en service reconnu par les pouvoirs publics, avec une faible médiatisation. Le Samu social est quant à lui décrit comme porteur d’une légitimitépolitico-médiatique : importation de formes d’action et d’expertise professionnelle, projet porté par une volonté politique marquée et par des responsables non issus dusecteur bruxellois, recours systématique aux médias pour se positionner au centre de l’offre de services.
Différentes formes de travail sont aussi décrites : avec ou sans demande de la part de l’usager sans abri par rapport à une prise en charge; avec ou sans élaboration deprojet de réinsertion. Les chercheurs montrent qu’il n’y a pas de hiérarchie à créer entre ces différentes approches.
D’autres questions sont aussi posées sur les approches sécuritaires du sans-abrisme et la médiatisation des problématiques.
Les propositions, sans entrer dans les aspects trop techniques, ébauchent un scénario de redistribution et de clarification de certaines fonctions et de meilleure couverture de laproblématique.
La Cocom devrait selon les chercheurs renforcer la partie spécifique de son offre (travail de rue, accompagnement ambulatoire et habitat accompagné) plutôt que de promouvoir denouveaux services telles les maisons d’accueil, plutôt développées par les autres Commissions communautaires. Elle devrait de toute façon se doter d’une ordonnance fixantles missions des différents services qui relèvent de sa compétence.
A moins d’en faire un second Samu social, le service d’hébergement d’urgence Ariane pourrait développer un hébergement de moyenne durée (une semaine) et augmenter sacapacité d’accueil grâce à des conventions avec des hôtels, ce qui constitue une offre adaptée à des publics comme les jeunes ou les femmes avec enfants, quitrouvent trop peu de places dans l’offre actuelle.
Une gestion indépendante et structurée de l’information, commune aux trois Commissions communautaires, à l’attention des sans-abri, des professionnels et du grand public estproposée pour éviter la création de macrostructures de coordination mal vues par les sans-abri eux-mêmes et très difficiles à envisager dans un environnementinstitutionnel aussi éclaté, ainsi que pour promouvoir la collaboration plutôt que la concurrence en matière d’urgence sociale. Des outils d’échange dedonnées communs s’avèrent aussi utiles, ainsi qu’une coordination et un échelonnement des heures d’ouverture des différents services en soirée.
Les chercheurs évoquent aussi des modalités de réarticulation des secteurs sans-abri avec la santé, la santé mentale, le logement social, les CPAS. Une refonte deslieux de concertation, la création d’un observatoire et l’écoute structurée des sans-abri seraient aussi à mettre à l’ordre du jour.
1 Ministres membres du Collège réuni de la Commission communautaire commune (Cocom) chargés de l’Aide aux personnes. Cabinets (à contacter pour obtenir le rapport), resp.: bd du Régent 21-23 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 506 33 11, fax : 02 513 50 80; av. des Arts 9 (8-10e étage) à 1210 Bruxelles, tél. : 02 209 28 11, fax : 02209 28 12.
2 Rapport commandé au Groupe d’études sur l’ethnicité, le racisme, les migrations et l’exclusion (Institut de sociologie, ULB, ave Jeanne 44 à 1050 Bruxelles, tél.: 02 650 33 72, fax : 02 650 35 21, e-mail : area@ulb.ac.be) réalisé par Andrea Rea et Patricia Schmitz et le concours, pour la récolte de données, de l’asile de nuitPierre d’Angle et du CDCS.

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