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Wallonie : obligation à tous les étages

Le gouvernement Wallon veut rendre obligatoire l’intégralité du parcours d’intégration pour les primo-arrivants. En rendant possible des sanctions qui pourraient priver les étrangers de leurs droits sociaux, il suscite l’inquiétude.

fdecomite -CC BY 2.0

Le gouvernement wallon veut rendre obligatoire l’intégralité du parcours d’intégration pour les primo-arrivants. En rendant possibles des sanctions qui pourraient priver les étrangers de leurs droits sociaux, il suscite l’inquiétude.

Au début du mois d’octobre, Maxime Prévost, le ministre de l’Action sociale wallon, a fait sensation en annonçant l’intention de son gouvernement de rendre le parcours d’intégration pour primo-arrivants obligatoire dans son intégralité.

Un nouvel épisode dans l’élaboration de ce parcours d’accueil appelé à devenir, selon le ministre, un «véritable parcours d’intégration».

Dans sa mouture actuelle, le parcours d’accueil pour primo-arrivants comprend quatre volets. Le premier propose un module d’accueil fait d’un bilan social, d’une information sur les droits et devoirs en Belgique ainsi que d’une orientation vers des services compétents. Seul ce volet était jusqu’à présent obligatoire.

Le deuxième volet propose au primo-arrivant de suivre des cours de français (120 heures). Le troisième, une formation à la citoyenneté (20 heures) alors que le dernier offre une orientation socioprofessionnelle, pour les personnes qui n’ont pas d’emploi ou ne sont pas déjà engagées dans une formation.

Dans le projet de décret, ce sont bien toutes ces dimensions qui deviendront obligatoires. Y compris le volet «orientation professionnelle», s’il est détecté une «nécessité de formation».

Des sanctions sociales

Ces changements devraient concerner de 7.000 à 8.000 primo-arrivants en 2016. Des moyens supplémentaires ont été débloqués pour permettre la mise en place concrète de ce parcours.

«Près de 10 millions d’euros ont été dégagés au budget 2016», dit-on au cabinet du ministre de l’Action sociale.

On ne connaît pas encore l’affectation exacte de ces fonds. Ils seront répartis majoritairement entre les opérateurs spécialisés en apprentissage des langues, en interprétariat social, en formation socioprofessionnelle, en formation à la citoyenneté, via des appels à projets. Les principaux maîtres d’ouvrage de ces parcours, les centres régionaux d’intégration (CRI), ne verront pas beaucoup leur mission évoluer. La première partie du parcours, qui les concerne directement, étant déjà obligatoire.

Outre les inquiétudes «classiques» du secteur – N’existe-t-il pas un risque que l’obligation se réalise en excluant d’autres publics? Le nombre d’heures de formations prévues en Wallonie n’est-il pas insuffisant? –, c’est surtout la question des sanctions qui fait des vagues.

« On ajoute une sanction sociale aux sanctions administratives. C’est très dangereux car cela porte atteinte aux droits élémentaires3, Sylvie De Terschueren, Ciré

Des sanctions administratives (des amendes) pouvaient déjà être infligées aux primo-arrivants se soustrayant à l’obligation de suivre la première partie du parcours. Ces possibilités d’infliger des amendes, dont le montant est compris entre 50 et 2.500 euros, seront maintenues et étendues à tous les volets du parcours d’accueil.

La grande nouveauté vient plutôt de cette phrase, que l’on peut lire dans le communiqué de presse de Maxime Prévost: «Les CPAS et les communes auxquels émargent les personnes seront avisés du suivi du parcours d’accueil et pourront prendre toute mesure utile dans le champ de leurs compétences en cas de non-respect du dispositif.» On parle ici de la suppression d’allocations ou d’aides du CPAS.

Une décision qui inquiète. Sylvie de Terschueren, du Ciré, regrette que «l’on ajoute une sanction sociale aux sanctions administratives. C’est très dangereux car cela porte atteinte aux droits élémentaires, au droit à bénéficier d’une aide sociale». À Charleroi, Thierry Tournoy, directeur du centre régional d’intégration (CRI), partage ces inquiétudes: «C’est inacceptable de conditionner l’accès aux droits. De plus, nous devons donner les listes des personnes qui ne suivent pas le parcours, cela pose problème dans notre démarche sociale et crée de la confusion des rôles.»

Il est probable que les CRI de Wallonie réagissent conjointement ces prochaines semaines. Et que ce débat se poursuive jusqu’à l’adoption du nouveau décret.

Fil info www.alterechos.be : «Primo-arrivants bruxellois: un parcours d’accueil obligatoire pour les parents d’enfants scolarisés?», Rafal Naczyk, 5 septembre, 2014

 

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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