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Regard critique · Justice sociale

Culture

Statut d’artiste : en septembre, ça va chauffer ?

Au printemps, on parlait d’une refonte du statut d’artiste. Aujourd’hui, le dossier avance gentiment, sur fond de petites rivalités entre PS et Écolo. Avant une accélération à partir de septembre ?

© Flickrcc Andrew Sutherland

Il y a quatre mois, en pleine crise du Covid-19, les artistes se prennent à rêver. Organisée le 12 mai 2020, une conférence interministérielle mettant en présence les trois ministres de la Culture communautaires – Jan Jambon (N-VA), Bénédicte Linard (Écolo) et Isabelle Weykmans (PFF) – vient de prévoir un déconfinement progressif de la culture. Surtout, un communiqué de presse publié dans la foulée de l’événement planifie aussi l’organisation d’une prochaine conférence consacrée notamment à la «construction d’un véritable statut d’artiste». «Il existe aujourd’hui une opportunité pour travailler à un vrai statut d’artiste plus social et plus accessible», affirme à cette époque Nicolas Parent, le porte-parole de Bénédicte Linard. Une aubaine… Voilà des années que le secteur de la culture réclame une refonte du statut. On se dit alors que «grâce» au Covid, les artistes sont sur le point de faire valoir leurs revendications. Des voix s’élèvent aussi pour rappeler qu’il conviendra peut-être d’intégrer au nouveau statut d’autres travailleurs qui, comme les artistes, travaillent également à coups de CDD courts dans des domaines comme le copywriting, le journalisme, le graphisme… Aujourd’hui, Alter Échos fait le point.

«Pathétique»

«Artistes et technicien·ne·s: Ne les abandonnons pas pendant la formation gouvernementale.» C’est par ces mots sans équivoque que commence une carte blanche rédigée par quelques élus Écolo et publiée le 18 août 2020 sur le site du Vif/L’Express. Parmi eux, Matteo Segers, député au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ou encore Julie Chanson, élue verte à la Chambre. Pourquoi l’avoir écrite? «Tout simplement parce que la note du duo de préformateurs constitué par Paul Magnette et Bart De Wever ne contenait rien sur la culture, rien sur le statut d’artiste, répond Matteo Segers. Nous avons pu nous en rendre compte lorsque nous avons été conviés à la table des négociations.» Après les grands effets d’annonce du mois de mai, le secteur culturel aurait-il donc à nouveau été oublié durant l’été? Du côté du cabinet de Paul Magnette (PS), on ne fait aucun commentaire, négociations fédérales obligent. Mais ce qui paraît clair, c’est que la sortie d’Écolo en a énervé certains du côté du PS. Lorsqu’on évoque le sujet avec elle, Ludivine Dedonder (PS) cache difficilement son agacement. Très active à la Chambre sur les questions de culture, l’élue socialiste juge la carte blanche «pathétique». «La note Magnette/De Wever est une prénote de réunion, on ne peut pas parler de note définitive. Il faut arrêter de rire. Écolo possède un levier communautaire avec le portefeuille Culture de Bénédicte Linard. Qu’il l’active. Moi, je me charge du fédéral», lâche-t-elle.

«La note du duo de préformateurs constitué par Paul Magnette et Bart De Wever ne contenait rien sur la culture, rien sur le statut d’artiste.» Matteo Segers, élu Écolo au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles 

Cela tombe bien: le 9 juillet, la Chambre a voté un projet de loi PS/Écolo dont les auteur(e)s sont entre autres Ludivine Dedonder et… Julie Chanson. Son objectif? Prévoir notamment un accès largement assoupli au chômage pour les artistes jusqu’au 31 décembre 2020. Une mesure qui ressemble à un ballon d’essai pour un assouplissement du statut d’artiste, qui est rappelons-le un chômage protégé, exempt de dégressivité des allocations mais difficilement accessible à l’heure actuelle. «Notre objectif est d’effectuer une refonte du statut en le sortant du giron de l’Onem, en créant une branche spéciale de la sécurité sociale, explique Ludivine Dedonder. Je me suis engagée à déposer des textes en ce sens à la rentrée. Mais si cela s’éternise, une petite phrase glissée dans la loi votée le 9 juillet peut nous permettre de prolonger ses effets.» Du côté d’Écolo, on affirme aussi avoir pensé à ce cas de figure. «Nous avons un autre texte, qui va encore plus loin – il prévoit la création d’un Fonds pour les artistes, NDLR – qui est déjà passé devant le Conseil d’État et que nous pourrions donc ressortir rapidement en cas d’enlisement des discussions sur le statut d’artiste», précise Matteo Segers.

On le voit, le PS et Écolo semblent s’être engagés dans une course à la protection des artistes, malgré leur collaboration. Car, du côté de verts, on affirme s’attendre à ce que le sujet revienne sur la table dans le cadre des discussions relatives à la constitution d’un gouvernement fédéral. Et on n’a pas non plus abandonné la piste d’une deuxième conférence interministérielle dédiée au statut d’artiste. Nicolas Parent fait d’ailleurs remarquer par écrit qu’une conférence interministérielle «Culture» organisée le 14 juillet «s’est accordée sur la mise en place d’un groupe de travail technique sur le sujet. Ce groupe de travail, une fois sa composition arrêtée, commencera ses travaux à la mi-septembre. En créant un groupe interministériel de travail technique, la CIM culture souhaite examiner […] quelles mesures structurelles sont nécessaires pour l’avenir, notamment à travers la question du statut de l’artiste».

«Notre objectif est d’effectuer une refonte du statut, en créant une branche spéciale de la sécurité sociale.» Ludivine Dedonder, élue PS à la Chambre 

Et les autres alors?

Reste une question, déjà présente en mai dernier. La refonte du statut d’artiste permettra-t-elle d’englober d’autres intermittents que les artistes et les techniciens? Pour Martin Willems, responsable national de la CSC-United freelancers, un projet lancé en 2019 par le syndicat chrétien et dont le but est de «défendre les intérêts des travailleurs autonomes», il n’y a pas d’autre choix. «Il ne s’agit pas de faire une règle réservée aux artistes et techniciens, ce serait discriminatoire. Malheureusement, je n’ai pas l’impression que les personnes travaillant sur la question y pensent. La loi votée le 9 juillet n’englobe pas les ‘autres’ intermittents. Il va falloir que nous allions parler aux élus…» Interrogée sur ce point, Ludivine Dedonder affirme «ne pas avoir de souci à ouvrir ce statut si on crée une branche scindée de la sécurité sociale». Mais comme beaucoup d’autres sur cette question, on sent l’élue louvoyer légèrement. Car, elle l’affirme, «dans le dispositif que nous envisageons, il ne faut pas que les dépenses soient plus élevées que ce que coûte le statut aujourd’hui». Or, si on «ouvre» le statut, celui-ci risque de coûter bien plus cher…

Prolongation du chômage temporaire

Il avait fallu attendre, mais, au printemps, on apprenait que les artistes et techniciens qui auraient dû travailler en contrats courts pour «des festivals et autres événements» annulés suite au Covid-19 allaient être couverts par le chômage temporaire et ce jusqu’au 31 août 2020. Aujourd’hui, l’Onem annonce que cette mesure est prolongée jusqu’au 31 décembre 2020.

En savoir plus

«Artistes: des oubliés qui en cachent d’autres»Alter Échos n°484, mai 2020, Julien Winkel.

«Les artistes dans le flou»Alter Échos n°374, Janvier 2014, Julien Winkel.

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste (emploi et formation)

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