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Smart meters en Allemagne : les écueils à éviter

La mise en place à l’échelle nationale de smarts meters est très contestée outre-Rhin. Coûts d’installation et d’entretien conséquents, gains faibles, impact sur l’environnement nul.

25-05-2012 Alter Échos n° 339

La mise en place à l’échelle nationale de compteurs intelligents est très contestée outre-Rhin. Coûts d’installation et d’entretien conséquents, gains faibles, impact sur l’environnement nul voire négatif, lisibilité pour le consommateur peu efficace : de nombreux éléments viennent remettre en cause le supposé bien-fondé d’un dispositif d’une telle envergure.

Le projet de recherche allemand Intelliekon a été mis au point en 2008. L’expérience, développée dans huit communes situées dans cinq Bundesländer différents, a été menée sur une durée supérieure à douze mois ; elle a débuté entre mai et juillet 2009 pour s’achever fin novembre 2010. Destinée à évaluer le rapport coûts/bénéfices relatif à la mise en place à l’échelle nationale de compteurs intelligents, les résultats obtenus laissent perplexe. Présentés comme un moyen fiable et innovant de réduire de manière significative la consommation d’énergie pour l’utilisateur, ces smart meters voient leur efficacité discutée et nuancée par de nombreuses études, émanant aussi bien d’instituts de recherche publique que d’entreprises privées.

Intelliekon : un projet coûteux pour des résultats discutables

La synthèse du projet Intelliekon livrée par l’institut de renommée mondiale Fraunhofer1 met en lumière divers aspects et conclusions ressortant de cette période de test. Les économies d’énergie générées par l’introduction des smart meters font pâle figure : les gains obtenus grâce au dispositif mis en place lors de cette longue phase d’essai ne dépassent pas les 30 euros annuels. Le Fraunhofer Institut doute sérieusement de l’efficacité à long terme de ce nouveau système de lecture de la consommation d’énergie. L’étude évoque le poids des habitudes quotidiennes du consommateur, qu’un simple outil technologique ne saurait réduire.

Le rapport publié par la société Yello Strom en partenariat avec le cabinet de conseil Frontier Economics2 nuance également les résultats qu’engendrerait le déploiement national des smart meters. Selon les experts de ces deux groupes, le remplacement des compteurs de l’intégralité des foyers allemands – responsables d’un tiers de la consommation d’énergie du pays – coûterait entre 3,8 et 5,7 milliards d’euros. Or les économies réalisées une fois ces compteurs installés ne sont pas intéressantes dans chaque cas de figure, bien au contraire. Les chiffres fournis sont édifiants : tout d’abord, le compteur intelligent à l’échelle nationale ne permettrait de faire des économies qu’à une petite partie des consommateurs, soit 15 %. Par ailleurs, plus un foyer consomme d’énergie, plus les gains produits par l’usage des smart meters sont importants. Et inversement. Le coût de mise en place et d’entretien du compteur serait cependant le même pour tous. Il y aurait donc quelques gagnants, pour beaucoup de perdants. Selon Yello Strom, seule l’utilisation des smart meters par des foyers sélectionnés au préalable pourrait amener des bénéfices nets. Et la synthèse de préciser que cet investissement « sélectif » permettrait à l’État d’économiser 4,5 milliards d’euros : il engendrerait au total des bénéfices de 71 millions d’euros par an, tandis qu’un dispositif national et obligatoire entraînerait un déficit de 218 millions d’euros par an. Une approche ciblée offrirait donc de meilleurs résultats. Enfin, le prétendu impact positif qu’aurait sur l’environnement l’utilisation à l’échelle européenne des smart meters est également contesté : le coût par kWh étant trop important.

Placer le citoyen au coeur du dispositif

L’unique moyen de rendre l’usage des compteurs intelligents efficace passerait par la révision de la place à allouer au consommateur au sein de ce processus. Evoquant le postulat des chercheurs Kempton et Layne paru en 1994, selon lequel la consommation d’énergie est l’affaire des institutions, mais également celle des citoyens, l’équipe du Fraunhofer Institut s’est attachée à observer précisément la manière dont devrait s’établir le lien entre [i]smart meter[/i] et usagers. La façon dont l’information relative à sa consommation d’énergie est présentée à l’usager devrait, selon les chercheurs, être adaptée au profil sociologique de l’usager, à sa propre grille de lecture. L’une des conclusions indique également que plus cette information est délivrée de manière ludique à l’aide de graphiques clairs, mieux elle est reçue et assimilée par le consommateur. Susciter la surprise et l’intérêt de l’utilisateur constituerait l’une des clés gagnantes dans cette volonté de transparence des chiffres et données.
Les réflexions formulées par les experts de Yello Strom et Frontier Economics abondent dans ce sens. Le groupe de recherche insiste en effet sur les conséquences particulièrement positives constatées lorsque l’utilisateur a choisi de son propre chef d’avoir recours au smart meter. Cette approche volontaire est celle qui permet de faire les économies les plus intéressantes. Yello Strom met l’accent sur l’importance du libre arbitre dans ce processus de mise en fonction des smart meters.

Cet avis est également partagé par Ulrich Ropertz de la Mieterbund (Association allemande de locataires). Selon lui, l’idée des smart meters sonne plutôt bien, mais force est de constater que ces compteurs ne sont pas si « smart » qu’ils paraissent de prime bord. Le porte-parole de la Mieterbund trouve l’idée d’une consommation encouragée en dehors des pics parfaitement inadaptée, rares seraient les usagers qui envisageraient de se lever en pleine nuit pour lancer une machine à laver ou regarder la télé. Mettre au point un tarif de nuit semble donc être une réponse erronée à une question pourtant nécessaire. Concernant la possibilité de connaître sa consommation en temps réel, U. Ropertz en souligne le bien-fondé. La transparence des informations constitue, selon lui, le seul point positif du dispositif. « Malheureusement, ces compteurs intelligents reviennent cher et ce surcoût serait à payer par les locataires », déplore-t-il. Quant à l’impact environnemental, le porte-parole affirme également qu’il serait assez mauvais, puisque ces smart meters nécessiteraient finalement davantage de ressources énergétiques. Seul le recours volontaire à l’usage des compteurs intelligents aurait selon lui du sens. Mais si seulement un million de foyers allemands s’équipent en smart meters alors que les 79 millions restant ne diminuent pas leur consommation d’énergie, à quel résultat final ce dispositif amènerait-il ?

Smart hacking for privacy

En décembre 2011, Berlin accueillait le 28e Chaos Communication Congress. A cette occasion, des hackers ont montré la possibilité de pirater les smart meters3. Ils ont découvert différents « bugs » de sécurité. Lors de la présentation publique, les hackers ont pointé deux aspects : d’une part, il serait par exemple possible d’identifier les programmes TV vus par les gens et, d’autre part, il serait possible d’altérer facilement les données transmises à un tiers et potentiellement de fausser le montant de consommation à facturer. La consommation pourrait paraître extrêmement élevée ou négative.

La présentation (1h) est visible sur YouTube :
http://www.youtube.com/watch?v=YYe4SwQn2GE

Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

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