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Regard critique · Justice sociale

Déclaration fédérale 2007 : un paquet de mesures pour le logement

La déclaration 2007 du gouvernement fédéral comporte une série de mesures concernant le logement. Celles-ci s’inscrivent dans la lignée de la Conférenceinterministérielle sur le logement. Ces avancées sont loin de satisfaire tout le monde, pas plus du côté des locataires que du côté des propriétaires.Et puis, il semble qu’on attende beaucoup – trop? – des travaux des trois commissions paritaires locatives.

03-11-2006 Alter Échos n° 218

La déclaration 2007 du gouvernement fédéral comporte une série de mesures concernant le logement. Celles-ci s’inscrivent dans la lignée de la Conférenceinterministérielle sur le logement. Ces avancées sont loin de satisfaire tout le monde, pas plus du côté des locataires que du côté des propriétaires.Et puis, il semble qu’on attende beaucoup – trop? – des travaux des trois commissions paritaires locatives.

Les décisions

Le logement occupe une place non négligeable dans la déclaration du gouvernement fédéral1. Face à la pression sur le marché immobilier locatifet acquisitif, une série de mesures ont été prises en vue de favoriser l’accès au logement :
• l’instauration d’un nouveau régime de garantie locative. Cette dernière ne sera plus de trois mois mais de deux mois. De plus, elle pourra être versée en une fois oupar tranches mensuelles à la banque qui octroiera à cette fin une garantie bancaire. Le cas échéant, le CPAS se portera garant. Cet aspect doit encore fait l’objet d’uneconcertation avec le secteur bancaire ;
• l’affichage des prix des loyers deviendra obligatoire ;
• “le contrat de location et l’état des lieux deviennent obligatoires, ainsi que l’enregistrement électronique et sans frais du bail par le propriétaire” ;
• “les conditions établies au niveau régional en matière de sécurité, de salubrité et d’habitabilité seront inscrites dans la loi relativeà la location de logements de 1991” ;
• “le droit de réquisition du bourgmestre pour des raisons de sécurité sera accéléré” ;
• la réduction de la TVA de 12 à 6 % pour les logements sociaux ;
• l’application d’un tarif TVA réduit pour la rénovation de nouvelles constructions de remplacement dans les quartiers défavorisés des grandes villes ;
• l’introduction d’une réduction fiscale ou d’un tarif réduit sur le précompte immobilier en cas de rénovation de maisons de rapport modestes pour autant que le prixde location reste modéré après rénovation ;
• une réflexion sera lancée concernant la possibilité d’instaurer des centimes additionnels différenciés par quartier ;
• “les projets pilotes de commissions paritaires en cours à Bruxelles, Charleroi et Gand, qui visent à réaliser une grille indicative des loyers, serontprolongés et étendus à la demande des Régions. Dans les quartiers que la région aura spécifiés, la commission paritaire aura la compétence defixer des prix de référence et de recevoir les plaintes des locataires. Sur la base d’un accord de coopération, le gouvernement fédéral pourra conclure unaccord avec les régions concernées pour améliorer les instruments visant à contrer des hausses anormales des loyers (par exemple par le biais des allocations de locationaccordées par les régions et/ou par une adaptation de l’article 7, §1bis de la loi de 1991). Chaque année l’INS effectuera un rapport surl’évolution des loyers. Ce rapport sera mis à disposition des commissions paritaires.”

Les locataires mécontents…

Pour le RBDH-BBRoW (Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat)2, “il ne reste presque rien des promesses de la ministre de la Justice Onkelinx concernantl’introduction immédiate d’un blocage des loyers à Bruxelles et la mise en place d’un fonds fédéral de garantie locative.” L’association estime que“l’étalement dans le temps du paiement de la garantie locative (il est question d’un étalement de 36 mois) n’éveillera l’enthousiasme que de très peu depropriétaires. Si le bailleur refuse cet étalement, le locataire n’aura pas le choix. La possibilité pour les locataires de Bruxelles-ville, Gand et Charleroi (seulesvilles où siège une commission paritaire locative actuellement) de demander une révision de leur loyer est un coup dans l’eau, à mille lieues de rencontrer les effets d’unblocage immédiat des loyers. Un blocage des loyers mettrait un frein à la hausse des loyers durant quelques années et permettrait la mise en place d’un système de loyersobjectifs accompagnés d’incitants et de sanctions.” Par contre, le RBDH admet que “les incitants fiscaux constituent une avancée : des organismes tels que le Fonds dulogement demandent depuis des années la baisse des taux de TVA. Cette baisse des taux à 6% compensera les hausses des prix à la construction (matériaux, salaires) etdevrait rendre la construction des logements meilleur marché. Ces incitants fiscaux à la rénovation n’auront d’impact social qu’à condition qu’ilssoient suffisamment importants et que les logements locatifs rénovés se louent à des loyers plafonnés.”

Pour sa part, le Syndicat des locataires3 “reste sur sa faim au sujet des mesures annoncées pour la réglementation du prix des loyers.” Selon lui, “fairerégler ce problème national par les Régions et par l’intermédiaire de commissions paritaires de logement à créer (…) n’est pas adaptéà l’urgence de la situation.” En effet, estime le Syndicat des locataires, “si l’étude réalisée par ces commissions conclut à lanécessité d’un blocage des loyers, celui-ci sera applicable pour un quartier bien déterminé. Cette solution n’aura aucun impact sur le marchéimmobilier.” Et de conclure que “seul un blocage fédéral des baux et loyers pour une période déterminée est de nature à régler les gravesproblèmes de logement rencontrés par une grande partie de la population belge.”

… et les propriétaires atterrés

De son côté, le Syndicat national des propriétaires et copropriétaires (SNP)4 se dit “atterré” par les décisions du gouvernement.“Réduire de trois à deux mois de loyer la garantie locative revient à donner aux locataires un blanc-seing, une virtuelle autorisation de ne pas payer le loyer!”,martèle le SNP, avant de qualifier de “vaste blague” l’étalement du versement de la garantie locative : “Le locataire, lorsqu’il est dans les lieux n’a que faire desrappels que lui adresse le bailleur.” Le SNP déplore que “les propriétaires privés sont chargés du rôle ingrat de ‘bailleur social’, à l’heureoù les sociétés publiques de logement, sous couvert d’instaurer la ‘mixité sociale’, se reconvertissent vers le secteur du logement moyen, pour améliorer leurrentabilité.” Il trouve ridicules les incitants : “Une prime, dites-vous? Limitée aux biens gérés par les AIS [agences immobilières sociales], alorsqu’on sait que les loyers offerts par ces dernières sont souvent dissuasifs pour les bailleurs.”

Satisfaction et attentes des Régions wallonne et bruxelloise

Pour André Antoine, ministre wallon du Logement5 (CDH), la diminution du taux de TVA de 12 à 6 % est une excellente nouvelle, surtout dans le cadre du programme visantà créer 2 000 logements par an. De même, il salue l’enregistrement des loyers, qui permettra “d’assurer un minimum de sécurité juridique”. Sur ladiscussion relative au blocage des loyers, il rappelle que la commission paritaire de Charleroi vient à peine de commencer ses travaux concernant l’établissement d’un loyer deréférence. Enfin, il craint que “l’instauration d’une garantie locative de deux mois maximum ne provoque une rupture de confiance entre propriétaires et locataires. Certes,il convient d’aider les jeunes ménages et les personnes à revenus modestes, mais peut-être aurait-il mieux valu créer un fonds pour aider les locataires àréunir les moyens et à garantir la préservation du bien loué.”
De son côté, la secrétaire d’État bruxelloise au logement, Françoise Dupuis6, apprécie également la diminution de la TVA pour laconstruction de logements sociaux. Cette mesure devrait donner un coup de fouet au Plan régional du logement qui prévoit la création de 3 500 nouveaux logements sociaux en cinqans. Elle voit dans l’obligation d’afficher le prix de location sur toutes les annonces “une arme importante pour lutter contre les discriminations au logement”. Elle attend aussi, commeson homologue wallon, les résultats des commissions paritaires locatives pour fixer des loyers de référence.

Vu de Flandre

7

On le disait plus haut, il existe des projets pilotes de commissions paritaires à Bruxelles, Charleroi et Gand. La commission paritaire existante à Gand a démarréplutôt modestement, et les deux partis flamands au pouvoir, au fédéral comme dans la cité d’Artevelde, ne sont pas du tout d’accord sur la question : si le SP.A-Spirit estpour, le VLD est lui, radicalement contre. Le CD&V, quant à lui, est à peine moins radical : il estime que les commissions paritaires « ne sont pas réellement une bonnesolution ».

La commission paritaire locative gantoise a été installée en mai 2006 à l’initiative de Christian Dupont, en tant que ministre PS de la Politique des Grandes villes. Laville de Gand a reçu 100 000 euros pour le projet et elle y a ajouté 15 000 euros. Des représentants du fédéral, de la Région, de la ville, du CPAS,d’associations de locataires et de propriétaires siègent en son sein, aux côtés d’un juge de paix. L’objectif premier de la commission est de servir de médiateurentre locataires et propriétaires. La médiation est un service gratuit et doit aboutir à une solution acceptable pour les deux parties. Une médiatrice, qui atravaillé auparavant pour le service logement de la ville, Katrien Heylen, a été engagée à plein temps. Les parties en conflit ne sont pas censées s’adresserdirectement à la médiatrice, mais plutôt à s’entendre par l’intermédiaire du CPAS, de la maison de justice, ou encore d’associations de locataires ou depropriétaires. Il ne peut pas y avoir eu de décision judiciaire définitive concernant les termes de la location. Enfin, la commission n’intervient pas non plus dans le cas deconflits concernant des logements sociaux, des squatteurs, des chambres d’étudiants, ni encore des secondes résidences. Au terme de la procédure, un accord est finalement mis surpapier et signé par les deux parties mais il ne peut pas servir de base pour déclencher un conflit juridique. Un premier bilan : après cinq mois, la commission est intervenuedans le cadre de 18 conflits et neuf d’entre eux ont connu une issue favorable.
Un deuxième objectif déclaré de la commission paritaire est de fixer des montants indicatifs de loyers sur base de critères objectifs (taille, confort) et subjectifs(localisation). Pour ce faire, un groupe d’experts, composé à la fois d’universitaires et de professionnels de l’immobilier a été mis sur pied. Mais de blocage des loyers,il n’est pour l’instant pas question, contrairement à ce qui se passe aux Pays-Bas. Le système devrait par contre constituer une première étape vers un système desubsidiation des loyers.

Conclusion

Comme on peut le constater, le projet de Laurette Onkelinx de bloquer les loyers est passé à la trappe, tout comme celui de constituer un Fonds de garantie fédéral pourles loyers. Pour les représentants des locataires, les avancées sont insuffisantes. Pour ceux des propriétaires, le fédéral brade le marché privé dulogement. Reste à attendre les résultats des travaux des commissions paritaires concernant l’établissement de loyers de référence. Mais ceux-ci ne porteront jamaisque sur 3 villes… Et il se peut qu’on en reste là. C’est du moins l’attention déjà affichée au Nord du pays.

1. Service public fédéral – Chancellerie du Premier ministre, rue de la Loi 16 à 1000 Bruxelles– tél. : 02 501 02 11 – fax : 02 512 69 53.
2. RBDH-BBRoW, rue du Grand-Serment 2 bte 1 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 502 84 63 – courriel : rbdh@skynet.be.
3. Syndicat des locataires, square Albert Ier 32 à 1070 Bruxelles – tél. : 02 522 98 69 – fax : 02 524 18 16
– courriel : syndicatdeslocataires@gmail.com
4. SNP, rue du Lombard 76 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 512 62 87.
5. Cabinet d’André Antoine, rue d’Harscamp 22 à 5000 Namur – tél. : 081 25 38 11 – fax : 081 25 39 99- courriel : andre.antoine@gov.wallonie.be.
6. Cabinet de Françoise Dupuis, bd du Régent, 21-23 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 506 33 15– fax : 02 506 33 20.
7. D’après De Morgen et De Standaard

Baudouin Massart

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