Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Archives

Cinq projets pilotes pour que l’économie sociale monte dans le train de la gestion de la qualité

En 2002, le ministre fédéral de l’Économie sociale lançait un appel à projets pour soutenir des démarches visant à introduire dansl’économie sociale la gestion qualité. Sa sélection a voulu tenir compte à la fois de la variété des entreprises sociales, mais aussi de lavariété des normes qui existent en la matière. Outre l’incontournable ISO, on retrouve donc aussi l’Emas et la méthode EFQM, et un projet en matière dequalité d’emploi. Le point, trois ou quatre mois après le démarrage des cinq dynamiques en cours.

01-08-2005 Alter Échos n° 137

En 2002, le ministre fédéral de l’Économie sociale lançait un appel à projets pour soutenir des démarches visant à introduire dansl’économie sociale la gestion qualité. Sa sélection a voulu tenir compte à la fois de la variété des entreprises sociales, mais aussi de lavariété des normes qui existent en la matière. Outre l’incontournable ISO, on retrouve donc aussi l’Emas et la méthode EFQM, et un projet en matière dequalité d’emploi. Le point, trois ou quatre mois après le démarrage des cinq dynamiques en cours.

Ressources : améliorer la gestion environnementale

Ressources1, la fédération francophone des entreprises sociales du recyclage et du réemploi, s’est lancée dans un travail de certification de lagestion environnementale d’une partie de ses membres. « Outre le fait que les questions environnementales entrent particulièrement dans les préoccupations de nos membres,explique Vincent Degrelle, nous sommes sur un marché qui évolue. En effet, les intercommunales notamment, sont de plus en plus exigeantes en la matière. Nous devons participerà ce mouvement. Or, mettre en place une gestion environnementale certifiée peut s’avérer cher. L’appel à projets fédéral est donc tombé aubon moment. » Le projet remis par Ressources consiste à préparer, avec un consultant extérieur, la certification par la norme européenne Emas (Eco-management andaudit scheme) de six entreprises du secteur.

Pilotée par un consultant externe qui connaît très bien les questions environnementales et qui a déjà travaillé avec des entreprises sociales, ladémarche est graduelle et collective. Elle prend la forme de séminaires de formation, deux ou trois fois par mois, auxquels participent deux représentants de chaque entreprise.Ils mènent les démarches dans leur entreprise respective, et analysent ensemble les résultats. Une première phase d’analyse est terminée (comments’organise la production ? quels sont ses impacts environnementaux ? les législations en la matière sont-elles respectées ? etc.). À clôturer pour fin mars, laseconde phase consiste à fixer objectifs et priorités d’action. Puis viendront l’application et la vérification jusqu’à fin décembre. «À terme, explique Vincent Degrelle, une partie des entreprises participantes doivent être prêtes pour l’audit préalable à la certification. Toutes ne seront pasprêtes… et ce n’est d’ailleurs pas le but. » C’est aussi la raison pour laquelle Ressources préfère ne pas donner les noms des entreprisesconcernées. « Notre objectif, c’est bien la démarche, pas le certificat à tout prix. »

Déjà la question de la pérennité de la démarche se pose : qui financera les audits ? Comment les autres membres de Ressources qui voudraient suivre le mouvementcouvriront-ils les coûts de leurs préparatifs ? Ressources – qui a bénéficié pour ce projet d’une subvention fédérale de 60 100 euros– cherche déjà du côté des financements européens, notamment en matière de formation continuée.

Ages : l’ISO 9001 peut renforcer l’économie sociale

C’est à l’ISO 9001 (version 2000) qu’a décidé de s’attaquer l’agence conseil Ages2. Le projet est double : préparer trois entreprises sociales àl’audit externe nécessaire à la certification ISO, et, ce faisant, rédiger un guide de formation pour les conseillers qualité dans l’économie sociale.

« Ce second objectif nous oblige à relever les spécificités de ces entreprises sociales et à mettre en place des innovations pour implanter la norme ISO. Eneffet, les entreprises sociales poursuivent plusieurs objectifs à la fois et exploitent plus en profondeur que les autres organisations les outils qualité proposés par la norme», explique Étienne Daloze, gestionnaire du projet chez Ages, lui-même précédemment consultant qualité dans le privé. Il insiste sur le fait que lanorme ISO 9001, depuis l’an 2000, est devenue un véritable outil de gestion : « On n’a plus spécialement affaire à des procédures de contrôle, mais à uncadre structurant du développement des entreprises. C’est particulièrement intéressant dans l’économie sociale, où on rencontre des cadres plus polyvalentsqu’ailleurs, des organisations du temps de travail souvent flexibles, et nombre d’autres caractéristiques qui augmentent le degré de complexité de la gestion. Mais au-delàde la question des spécificités, on a aussi voulu aller plus loin que la norme ISO – quitte à allonger la phase d’analyse préparatoire – endéveloppant un système d’analyse des attentes des parties prenantes (clients, employés et stagiaires en formation entre autres). »

Les trois entreprises partenaires sont donc en train d’analyser leur fonctionnement. Le rôle d’Ages est d’y coacher un conseiller qualité qui mène le chantier avec sescollègues.

Tout cela amènera-t-il à créer une nouvelle norme, une espèce d’ISO spécifique pour l’économie sociale belge ? « Non. Vu l’assouplissement de lanorme, ce n’est plus nécessaire. Et ce n’est même pas souhaitable. D’abord d’un point de vue global, il faut éviter de démultiplier les normes. Et surtout, c’est ens’inscrivant dans la norme d’usage général que l’économie sociale s’en trouvera le plus renforcée. La norme n’impose pas d’objectifs : elle impose simplement d’en avoir etde s’organiser en fonction. Si une différence doit se mettre en place quelque part pour l’économie sociale, c’est au niveau de la formation des conseillers qualité quipréparent et pilotent la démarche qualité en entreprise. D’où l’enjeu de produire un guide à leur attention. »

Le projet, qui a reçu une subvention fédérale de 74 118 euros, a commencé en novembre et doit être bouclé en un an. La principale question ouverte est desavoir quels auditeurs solliciter pour certifier les entreprises. « Il y a 10 bureaux reconnus en Belgique, d’après le Mouvement wallon pour la qualité, mais lequelconnaît l’économie sociale ? Un enjeu sera de les rendre bien conscients de ce dans quoi ils arrivent. » D’où l’intérêt qu’à terme : une agence-conseilen économie sociale se positionne vis-à-vis de l’ISO et de Belcert pour devenir auditeur accrédité ? « Sur papier, c’est parfaitement possible. Les critèrespris en compte relèvent strictement de la compétence et de l’impartialité. » Un objectif futur pour Ages ? « C’est envisageable, mais pas à court terme !»

Outre la question de l’audit, la question du coût de la certification est aussi problématique, tout comme chez Ressources. « On parle de 2 000 à 2 500 euros pour uncertificat de trois ans, sans compter le coût de la préparation de l’audit. Autant dire qu’il faudra trouver une solution pour rendre cela accessible aux entreprises sociales. »Faudra-t-il agréer des opérateurs spécifiques moins chers que le reste du marché ? Subventionner simplement les démarches qualité ? Amener les bureauxactuellement sur la place à diminuer leurs coûts ? La question ne manquera pas d’être renvoyée au politique. « La seule chose qui est sûre, dans les discussionsentre les cinq projets pilotes et l’administration et le ministre, c’est qu’on ne veut pas créer un marché captif », conclut Étienne Daloze.

Vosec : emploi atypique et qualité de l’emploi

Vosec3 rassemble et représente un large spectre de l’économie sociale flamande. Dans son projet « Qualité de l’emploi », elles’interroge « sur la qualité de l’emploi et des relations de travail, en tenant compte des souhaits, des attentes et des motivations intrinsèques des travailleurs parrapport à leur emploi », explique la note de présentation du projet.

Dans le sillage d’initiatives récentes de la Commission européenne, Vosec s’occupe donc de la qualité intrinsèque de l’emploi, et de certains de seséléments, comme la satisfaction au travail, la rémunération, les perspectives de carrière et de formation continue.

La meilleure raison pour développer une telle approche dans l’économie sociale est que ses entreprises – en tous les cas plus que dans la plupart del’économie classique – recourent à des formes d’emploi atypiques, souvent vues comme précaires, mais qui peuvent aussi bien être considéréescomme adaptées aux situations sociales des publics. Vosec attend de l’enquête en cours des résultats innovants : « Le projet élabore un nouvel instrument pourmesurer la qualité de l’emploi, l’évaluer et l’améliorer », explique Annalisa Gadaleta, coordinatrice du projet. Elle ajoute : « Avec le soutienscientifique de l’Hiva (Institut du travail de la KUL) et l’appui logistique des deux agences-conseil flamandes, Hefboom et Febecoop, nous voulons mettre en place des indicateurs sociauxqualitatifs pour un nombre limité de secteurs représentatifs de l’économie sociale. » Une première phase a permis de recenser tout ce qui existedéjà en la matière. Suite à cela, une liste de questions provisoires a été constituée et testée, et une méthodologie d’entretiensde groupe a été établie. En ce moment, l’outil d’évaluation est testé dans huit entreprises sociales très différentes. «Après une évaluation à mi-parcours et une confrontation aux huit projets pilotes, une journée d’étude permettra une nouvelle validation. Et un manuel doitêtre clôturé pour la fin septembre, prêt à l’emploi dans les entreprises sociales », complète Annalisa Gadaleta.

Le coût du projet s’élève à 112 451 euros, en grande partie (102 367 euros) pourvus par un subside fédéral du budget économie sociale.

Le projet bénéficie aussi d’un soutien de 2 500 euros de la banque Triodos, et de 5 000 euros par an pendant deux ans de la firme d’intérim Vedior, pour ladiffusion des résultats du projet.

Cette diffusion ne se fera pas exclusivement vers l’économie sociale. « À travers ce projet, Vosec veut nouer plus de contacts avec les entreprisesrégulières », conclut Annalisa Gadaleta. Elle s’appuiera pour ce faire sur les fonds du tout récent programme Management ES Change, lancé par la Fondation RoiBaudouin à la demande du ministre de l’Économie sociale, et destiné à soutenir les échanges d’expérience entre l’économiecapitaliste et l’économie sociale.

KVK : traduire le modèle EFQM pour les centres de recyclage

Avec un subside de 93 430 euros, KVK4, la fédération flamande des entreprises sociales du secteur du recyclage et du réemploi, veut « pour fin novembre, mettre en branledes processus continus d’amélioration de la qualité dans les centres de recyclage (kringloopcentra) ». En collaboration avec Hefboom, KVK a reformulé le modèleEFQM à l’attention de ses membres. Ensuite, il a été demandé aux 39 centres quels instruments et méthodes de gestion de la qualité ils ontutilisé jusque-là. « La personne qui coordonne le projet à temps plein est actuellement en train de disséquer les initiatives intéressantes que nous avonsainsi pu identifier, explique Filip Lenders, administrateur délégué de KVK. Ensuite viendra un travail de systématisation sur la base de questions comme :“Qu’est-ce qui cadre avec le modèle EFQM ?”, “Que pouvons-nous utiliser comme base de travail ?” » Une fois formalisée, une batterie decritères minimaux standards sera, à partir de mars appliquée dans cinq centres auxquels un accompagnement sera proposé. En fin de projet, KVK disposera donc d’unepanoplie d’instruments et de l’expérience de cinq sites pilotes. Le manuel final, basé sur la structure de l’EFQM, pourra être appliqué plus largement quedans les centres de recyclage : dans toute l’économie sociale. « Mais, conclut Filip Lenders, ce n’est pas un paquet clé sur porte, mais une boîte àoutils qui oblige à s’y prendre soi-même. Vous pouvez l’appliquer et partager vos expériences, mais cela reste un exercice qui est toujours à recommencer.»

KVK : L’ISO 9001 dans un centre de réemploi Revisie

Les centres de recyclage flamands ont regroupé leurs activités de réparation d’appareils électriques domestiques dans quelques ateliers qui apposent un label,« Revisie », à tous les appareils réparés qu’ils remettent sur le marché. Ces ateliers ont déjà uniformisé leurs procéduresde test et de réparation des marchandises de récupération, et toutes les opérations les concernant sont déjà méticuleusement enregistrées. Lagestion qualité peut donc démarrer sur de bonnes bases. La démarche en cours, à l’initiative de KVK et avec un subside fédéral de 57 642 euros,consiste à y interroger la pertinence de la norme ISO 9001 (version 2000). Au terme du projet, KVK sera fixé quant à la question, en se disant déjà que c’estune belle occasion pour convaincre clients et fournisseurs de la qualité de ces ateliers. Les démarches préparatoires à la certification ISO sont aujourd’huientamées, avec prochainement la formation d’auditeurs internes. Suivra l’audit externe. Chez KVK, on se demande cependant si beaucoup d’entreprises sociales parviendrontà entrer dans un cadre aussi exigeant : « Mesurer, enregistrer, tout formaliser, et dans l’ordre qu’il faut, c’est surtout intéressant pour des entreprises deproduction qui ont des procesus de production très schématiques et déjà formalisés. »

1. Ressources, av. Cardinal Mercier, 53 à 5000 Namur, tél. : 081 71 15 81, fax : 081 71 72 43, site Web : http://www.res-sources.be, e-mail : info@res-sources.be
2. Ages, rue de Steppes, 22 à 4000 Liège, tél. : 04 227 58 89, fax : 04 227 58 13, e-mail : e.daloze@ages.be Plusd’infos prochainement sur le site Web : http://www.econosoc.org
3. Vosec, Vooruitgangstraat, 333 bus 11 à 1030 Brussel, tél. : 02 274 14 49, fax : 02 205 17 39, e-mail : annalisa.gadaleta@vosec.be,
site Web : http://www.vosec.be, avec notamment un forum de discussion sur la qualité de l’emploi.
4. KVK, Breughelstraat, 31 à 2018 Antwerpen, tél. : 03 281 03 30, fax : 03 281 73 30, site Web : http://www.kringloop.net, e-mail : kvk@kringloop.net

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)