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Regard critique · Justice sociale

Les partenaires d’Actiris bientôt submergés ?

Le « Plan d’action stratégique, partenariat d’Actiris » 2012-2013 est d’application. Actiris se délestera-t-il de plus de 4/5e des demandeurs d’emploi pour les orienter vers ses partenaires ?

22-06-2012 Alter Échos n° 341

Le « Plan d’action stratégique, partenariat d’Actiris » pour les années 2012-2013 est d’application depuis le 1er janvier 2012. Quelques lignes du texte posent questions. Y a-t-il un risque de voir Actiris1 « se délester » de plus de 4/5e des demandeurs d’emploi et de les orienter vers ses partenaires ?

Le « Plan d’action stratégique, partenariat d’Actiris » pour 2012-2013 est un document massif de 128 pages. Son objectif : devenir pour 2012-2013 le cadre d’actions d’Actiris en tant que régisseur ensemblier sur le marché du travail bruxellois. Mais au-delà des tableaux, de l’évaluation du plan 2009-2010 et des autres fiches d’évaluation des mesures 2010 qu’il contient, quelques lignes situées dans les premières pages du document interpellent (voir encadré). Celles-ci stipulent en effet que les demandeurs d’emploi ayant « un besoin ponctuel et bien identifié qui constitue un frein à l’emploi » ou « un besoin d’une méthodologie d’accompagnement spécifique qui demande des moyens et du temps » seront orientés vers les partenaires2 d’Actiris. Ce qui, eu égard aux caractéristiques d’une bonne partie des quelque 104 412 demandeurs d’emploi bruxellois inscrits chez Actiris (faible niveau de qualification, d’études et de langue, notamment) en mai 2012, risque de faire beaucoup. Trop pour des partenaires qui se disent déjà régulièrement saturés ?

Après « diagnostic de distance à l’emploi » des demandeurs d’emploi et de leur degré d’autonomie par Actiris, deux possibilités sont évoquées par le plan.

« Pour les chercheurs d’emploi dont l’autonomie est suffisante pour exercer leur recherche d’emploi par eux-mêmes : il [NDLR Actiris] offre des services en tant que prestataire.

Par contre, Actiris oriente vers les partenaires les chercheurs d’emploi qui ont soit

– un besoin ponctuel et bien identifié qui constitue un frein à l’emploi : la connaissance des langues, une formation professionnelle, l’accueil d’enfants dans un objectif emploi… Dans la plupart des cas, Actiris n’est par ailleurs pas compétent en tant que prestataire.

– un besoin d’une méthodologie d’accompagnement spécifique qui demande des moyens et du temps : accompagnement de publics spécifiques, l’accompagnement à la création de son emploi, accompagnement par les Missions locales et les LWW… »

4/5e. de demandeurs d’emploi en moins ?

A la Febisp3 (Fédération bruxelloise des organismes d’insertion socioprofessionnelle et d’économie sociale d’insertion), qui fédère notamment les neuf missions locales de la Région bruxelloise, on dit être conscient des effets éventuels de ce plan stratégique et on affirme d’ailleurs n’avoir pas été concerté à son sujet. La fédération a d’ailleurs consacré un article à la problématique dans sa publication L’insertion (n° 91). « Il ne s’agit pas pour nous de remettre en cause le service public, ou Actiris, mais le nombre de personnes susceptibles d’atterrir chez les partenaires suite à cette orientation : il pourrait atteindre 92 000 personnes selon nos calculs, ce qui est énorme », nous explique Tatiana Vial, attachée emploi.

Actiris, si l’on en croit ces chiffres, pourrait donc choisir de se « délester » de plus de 4/5e des demandeurs d’emploi bruxellois inscrits chez lui et centrer son action sur les moins difficiles à placer. Une option qui pose question.

Du côté d’Actiris justement, où l’on s’étonne que ce plan stratégique circule dans le secteur de l’ISP, on déclare que celui-ci est d’application. « Le document est de taille importante, et il se met en place progressivement », nous dit-on avant d’expliquer qu’à l’heure actuelle, « Actiris n’a pas à proprement parler d’indicateur de la distance à l’emploi et de l’autonomie des demandeurs d’emploi ». Cela étant, il travaillerait à l’heure actuelle sur un outil qui devrait permettre ce type de diagnostic et qui est « (…) actuellement utilisé dans le cadre d’une expérimentation avec les jeunes qui sont suivis dans le cadre d’un accompagnement plus intensif, mais il n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation ni d’une adaptation permettant une utilisation généralisée. » Dans ce contexte, Actiris se déclare également incapable de chiffrer le nombre de personnes qui pourraient être considérées comme insuffisamment autonomes et se voir orientées vers les partenaires.

1. Actiris :
– adresse : bd. Anspach, 65 à 1000 Bruxelles
-tél. : 02 800 42 42
– site : http://www.actiris.be

2. Des partenaires qui sont aujourd’hui au nombre de cent-cinquante et au sein desquels on retrouve notamment les missions locales, des Cefa (formation en alternance) ou encore des organismes d’insertion socioprofessionnelle.
3. Febisp, Cantersteen, galerie Ravenstein, 3 bte 4 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 537 72 04 – site : http://www.febisp.be

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste (emploi et formation)

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