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Regard critique · Justice sociale
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«Agissons avant l’explosion.» «Non à une société de fabrique de pauvreté.» Côté wallon comme bruxellois, on se mobilise, une fois de plus, pour sensibiliser et interpeller à l’occasion de la «Journée mondiale de lutte contre la misère», qui se tiendra ce 17 octobre.

Au-delà des revendications, essentielles, liées à l’accès aux droits et aux revenus minimums d’existence, il faut surtout «combattre cette banalisation de la pauvreté et travailler sur les croyances, cette idéologie qui empêche d’avancer», insiste Stefania Marsella, assistante sociale en maison médicale, dans notre dossier consacré aux politiques de lutte contre la pauvreté.

Car les croyances tout comme les idéologies ont la vie dure. Elles font «du pauvre» un fainéant, un abuseur, un assisté. Elles modèlent nos politiques, résultats de rapports de force entre les différents groupes en présence, certes, mais également des catégories que l’on se donne pour lire le monde et des représentations partagées par la société dans son ensemble. La politique de lutte contre la pauvreté s’est ainsi imposée depuis les années quatre-vingt comme ligne d’horizon pour traiter les questions sociales, en ciblant les populations exclues et vulnérables, au détriment d’une politique des inégalités dont la pauvreté n’est que le produit.

La lutte contre les inégalités, dans leur ensemble et leur complexité, doit donc plus que jamais être réaffirmée comme grille de lecture de l’ensemble des politiques de notre pays, parmi les plus riches du monde.

Aujourd’hui, l’urgence qui sonne à notre porte – et avec elle, le risque de basculement d’une part importante de la population dans des situations de précarité – nous rappelle avec vigueur qu’il n’y a pas, d’un côté, «les pauvres» – victimes d’une série d’épreuves ou fragilités individuelles – et, de l’autre, les «non-pauvres». «Il n’y a pas de ‘trou’ ou de ‘fracture’ dans le tissu social, pas d’espace vide qui séparerait clairement les pauvres des autres. Il existe un continuum. On passe petit à petit du riche au pauvre sans ‘marche’ affirmée», précisait ainsi Pierre Volovitch, économiste de la santé en 20131.

La lutte contre les inégalités, dans leur ensemble et leur complexité, doit donc plus que jamais être réaffirmée comme grille de lecture de l’ensemble des politiques – à tous les niveaux de pouvoir et dans toutes leurs compétences – de notre pays, parmi les plus riches du monde. Il n’est d’ailleurs là pas tant question de croyances que de faits, puisque nombre de recherches ont démontré que la réduction de la pauvreté passera par une répartition plus équitable des revenus et de la consommation – notre planète, elle aussi, nous dira merci. Alors, nos croyances collectives sont-elles disposées à opérer ce basculement? Rien n’est moins sûr, si l’on en croit Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon qui, dans un entretien accordé à Alter Échos en 2014, déclaraient: «Nous sommes passés d’une démocratie à un régime censitaire: les riches font les lois pour les riches».

Entre-temps, les crises sont passées par là. Or ce sont ces «moments de crise, sociale, financière, politique, ou tout cela en même temps, qui donneront lieu à des changements. C’est toujours au sein de conflits considérables qu’a lieu l’apprentissage collectif», affirme l’économiste Thomas Piketty, qui par ses travaux n’a cessé de remettre sur la table la question des inégalités. Car la crise, dit-il aussi, «offre justement aux idéologies l’occasion d’un rôle historique, puisque son issue, toujours indéterminée, ne peut être garantie d’avance»2.

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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