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Regard critique · Justice sociale

Au Conseil régional bruxellois, le débat sur l’économie sociale se trouve actuellement au point mort. À l’origine de ce blocage, des tensions apparues en mars au seinmême de la majorité entre le MR et le PS. Enfin, fin avril, Écolo (opposition) a livré sa version pour promouvoir l’économie sociale en Régionbruxelloise.
En 1998, le député bruxellois MR Serge de Patoul1 déposait une proposition d’ordonnance visant à définir les aides accordées par la Région auxentreprises d’économie sociale. Des clivages ont rapidement vu le jour au cours des débats au sein de la Commission des Affaires économiques sur la définition mêmede l’économie sociale. Serge de Patoul : « Un premier groupe (essentiellement le Parti socialiste) considère que l’entreprise d’économie sociale est une entreprise d’insertionsocioprofessionnelle. Pour eux, l’économie sociale doit être conçue exclusivement comme une économie qui crée de l’emploi. Un second groupe prend la notiond’économie sociale dans un sens beaucoup plus large. L’entreprise d’économie sociale est une entreprise dont l’objectif est de répondre à des besoins sociaux. » L’auteur dutexte se rallie à cette deuxième option.
Essentiellement un problème de définition
Afin d’avoir un aperçu des réalités du terrain, différents acteurs de l’économie sociale ont été auditionnés par la Commission des Affaireséconomiques2. Les conclusions dégagées de ces auditions témoignent des difficultés à lancer une activité économique classique, lesquellesaugmentent lors du lancement d’une entreprise d’économie sociale. En conséquence, il vaudrait mieux éviter d’accumuler les difficultés en créant une activitéen même temps qu’en se donnant des objectifs d’insertion socioprofessionnelle. Pour l’auteur de la proposition d’ordonnance, « la création d’une activité crée de l’emploi,si on inverse cette proposition, on crée de l’emploi pour ne rien faire. Si l’activité subsiste dans le temps, l’emploi subsistera aussi. Trop souvent les PRC (plans derésorption du chômage) ne créent pas d’emplois, mais se contentent de mettre des gens à l’emploi au détriment d’autres ». Les autres éléments mis enavant par les acteurs de l’économie sociale portent sur la nécessité de réaliser, au préalable, une étude de faisabilité; sur unerémunération minimale du capital « sous peine d’éviter de ne pouvoir attirer aucuns capitaux excepté les capitaux publics ». Enfin, le député MR estime qu’ilne faut pas limiter les aides publiques à la phase de lancement, mais développer une formule permettant à l’entreprise d’économie sociale de travailler dans le cadre d’uncontrat de gestion avec un ou des pouvoirs publics.
Insérer l’économie sociale dans un contexte plus large
Pour sa part, Écolo3 rappelle les engagements pris par le gouvernement bruxellois dans le cadre de l’accord de coopération relatif à l’économie sociale conclu entrel’État, les Régions et la Communauté germanophone. Selon cet accord, « les parties s’engageaient notamment à prendre des mesures et à libérer des moyens,à doubler le nombre d’emplois pendant cette législature dans les entreprises reconnues d’économie sociale ». Pour Écolo, ces objectifs sont loin d’être atteints. Leparti d’opposition déplore aussi la faible recünnaissance du secteur de l’économie sociale par les pouvoirs publics, de même que l’absence d’une définitionsatisfaisante. Par ailleurs, il insiste sur le fait que « l’économie sociale représente un enjeu plus global que celui de l’insertion socioprofessionnelle », en d’autres termes sesobjectifs ne se limitent pas à résoudre le problème du chômage.
Selon Écolo, les enjeux de l’économie sociale sont le développement économique local4, la rencontre de besoins non satisfaits au travers des services de proximité,l’anticipation d’activités économiques, sociales ou culturelles nouvelles, ainsi que l’exercice de la démocratie économique et la restauration de la solidarité. Ilpropose la labellisation des entreprises d’économie sociale, la création d’un répertoire de l’économie sociale à Bruxelles, la reconnaissance officielled’agences-conseil, la création d’un fonds d’amorçage, l’extension des aides à l’expansion économique aux entreprises d’économie sociale, l’accès au Fonds degarantie régional, etc.
Par ailleurs, Écolo estime que la discussion sur l’économie sociale ne peut être séparée de celles relatives à la révision de l’ordonnance de 1993 surl’expansion économique, au projet sur les initiatives locales d’emploi (ILDE) et au projet de réforme de l’ordonnance sur les entreprises d’insertion. C’est pourquoi il n’a pasl’intention de voter positivement la proposition du conseiller régional MR.
Jouer le jeu de l’insertion
üu cabinet du ministre de l’Emploi et de l’Économie, Éric Tomas (PS), François Perl, conseiller en charge du dossier, tient à remettre les pendules à l’heure.Selon lui, Serge de Patoul confond le non-marchand et les entreprises d’économie sociale. Quant à Écolo, François Perl trouve certaines critiques injustifiées ourelevant de questions d’interprétation politique. « Écolo oublie les réalisations accomplies en matière d’économie sociale au travers de l’Objectif 2, souligne leconseiller d’Éric Tomas, lesquelles viennent s’ajouter aux efforts du budget régional classique. De même, il existe déjà un répertoire de l’économiesociale réalisé par SAW, les primes d’expansion économique sont accessibles à toutes les entreprises, donc a fortiori à celles d’économie sociale, et il n’ya pas de problème d’accès au Fonds de garantie. » Par ailleurs, il ne voit pas l’utilité d’une labellisation : « Ou l’entreprise accepte la contrainte de l’insertion, ou elle nel’accepte pas. »
Cependant, il précise être d’accord à 90% avec les propositions d’Écolo, mais il insiste sur le pragmatisme : « Au cabinet, nous avons décidé de ne pas nouslimiter aux principes, nous sommes donc partis sur la base du micro-crédit. » Enfin, il explique que l’avancement du projet ILDE et la réforme des entreprises d’insertion connaissent desblocages au niveau européen, plus spécifiquement de la DG Concurrence.
1 Groupe MR – Conseil régional bruxellois, rue du Lombard 57 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 549 65 75, fax : 02 549 65 84.
û Les Petits Riens, la société à finalité sociale Madre (Schaerbeek), Crédal (agence-conseil en économie sociale), CECOP (Confédérationeuropéenne de coopératives de production et de travail associé, des coopératives sociales et des entreprises participatives) et la SRIB (Sociétérégionale d’investissement bruxellois).
3 Groupe Écolo – Conseil régional bruxellois, rue du Lombard 57 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 549 65 24, fax : 02
549 65 27.
4 Cabinet d’Eric Tomas, boulevard du Régent 21-23 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 506 33 11, fax : 02 513 50 80, site : http://www.tomas.irisnet.be.

Baudouin Massart

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