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Lutte contre les violences conjugales : de nouvelles mesures

Quelques jours avant la Journée internationale contre la violence faite aux femmes, la 3e conférence interministérielle sur l’intégration dans lasociété a pris une série de mesures pour améliorer le plan national de lutte contre les violences conjugales. Un premier pas pour répondre aux critiques desassociations de terrain, mais les besoins sont loin d’être satisfaits.

04-12-2006 Alter Échos n° 220

Quelques jours avant la Journée internationale contre la violence faite aux femmes, la 3e conférence interministérielle sur l’intégration dans lasociété a pris une série de mesures pour améliorer le plan national de lutte contre les violences conjugales. Un premier pas pour répondre aux critiques desassociations de terrain, mais les besoins sont loin d’être satisfaits.

Une cellule interdépartementale a été chargée de dresser un bilan de la mise en œuvre du Plan national de lutte contre les violences conjugales1. Surla base de cette évaluation, il a été décidé lors de la conférence interministérielle de ce 21 novembre de renforcer plusieurs axes du Plan, notamment:
• renforcer la cohérence entre les outils de communication et d’information tant vers le grand public que vers les victimes ;
• organiser un séminaire spécialisé sur les formations pour mettre en place un module de formation transversal pour l’ensemble ;
• mettre en place un plan d’action visant à mieux évaluer l’impact des actions lancées par les pouvoirs publics.

Encadrement des auteurs de violences entre partenaires

Le développement d’une politique de suivi des auteurs de violences conjugales (prise en charge, thérapie, formation) est fondamental pour la prévention desrécidives. Il se heurte cependant à l’éparpillement des compétences en la matière : la Justice est compétente pour les mesures judiciaires, alors quel’aide aux détenus et l’aide volontaire ressortissent des responsabilités des Communautés et des Régions.

Trois projets pilotes ont été financés par le gouvernement fédéral entre 2004 et 2006, afin de mesurer la pertinence d’une action spécifique et detester différentes méthodologies. Sur la base de l’évaluation de ces projets, plusieurs décisions ont été prises lors de la Conférenceinterministérielle :

1° au niveau pénal, les programmes de suivi des auteurs de violences conjugales assujettis à une mesure judiciaire seront améliorés : le SPF Justice prépareun nouvel arrêté royal relatif à la « subvention d’organismes offrant un encadrement spécialisé aux citoyens impliqués dans une procédurejudiciaire » ;

2° en ce qui concerne les violences hors mandat judiciaire, les projets d’encadrement des auteurs seront renforcés et pérennisés : au niveau fédéral,une enveloppe équivalent à 667.000 euros a été dégagée via des aides à l’emploi Maribel (ce qui équivaut à 25 aides àl’emploi).

Au niveau régional

En Région wallonne, un budget complémentaire de 100 000 euros est prévu pour financer la création de « pôles de ressources » locaux : ceux-cipermettront de développer de manière conjointe l’aide ambulatoire aux victimes et l’accompagnement des auteurs. Ces « pôles » seront mis sur pied avec desassociations ayant une grande expérience en matière de violences conjugales (Praxis, Solidarité-Femmes, le Collectif contre les Violences et l’Exclusion), associationsà l’initiative du projet. La collaboration des pouvoirs locaux sera également sollicitée afin de donner plus de poids à ces expériences pilotes. Elles ferontl’objet d’une évaluation durant le second semestre 2007.

Dans le cadre du plan d’action contre la violence conjugale, la Région wallonne participe également au financement des coordinations provinciales. Celles-ci promeuvent desréseaux de lutte contre les violences conjugales et les animent ; 21 000 € leur sont alloués chaque année. Un accord de coopération sera prochainement signéentre la Région wallonne, l’État fédéral et la Communauté française pour donner plus de cohérence et de visibilité au travail descoordinatrices provinciales.

Une somme de 225 000 € sera par ailleurs réservée d’ici la fin de la législature pour améliorer l’accueil et l’hébergement des victimes en finançantun poste de travail par province (au nombre de cinq). Reste à identifier quelles seront les structures bénéficiaires de cette mesure (une par province).

Un appel à projets a également été lancé en Région wallonne pour permettre à des associations et à des pouvoirs publics de rencontrer desbesoins ou des demandes particulières en matière de lutte contre les violences conjugales, mais aussi de mener des opérations ponctuelles ou des recherches-actions. En 2006, huitprojets ont été sélectionnés, pour un montant de 83 750 €.

Enfin, peu de chiffres semblent disponibles en Wallonie concernant cette problématique. Christiane Vienne a donc pris l’initiative de demander à son administration et àl’Iweps de faire un travail de recensement des services financés par ses départements, qui accueillent des victimes de la violence entre partenaires : centres de santé mentale,services d’aide aux justiciables, services sociaux, centres de planning familial.

En Région bruxelloise, un cofinancement pour la constitution de « pôles de ressources » est également envisagé. En Région flamande, ces moyensviennent s’ajouter à ceux mis à la disposition du secteur de l’aide sociale (CAW – Centrum voor Algemeene Welzijnzorg) : une concertation sera organisée afin decombiner l’octroi des Maribel aux moyens affectés aux CAW.

Lutte contre les mutilations génitales féminines

Un « projet de Plan d’action national en matière de lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF) » a été déposé par lasecrétaire d’État à la Famille, Gisèle Mandaila. Les ministres réunis en CIM ont décidé de constituer un groupe de travail chargéd’étudier les différentes mesures proposées dans ce plan. Le groupe de travail remettra ses conclusions lors de la prochaine Conférence interministérielle« Intégration dans la société », prévue au printemps prochain.

Dans le cadre de cette problématique, le ministre de l’Égalité des chances, Christian Dupont, a octroyé un soutien structurel à Gams-Belgique (Groupementpour l’abolition des mutilations sexuelles). L’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes préparera également une campagned’information et de sensibilisation à destination des demandeurs d’asile. La nouvelle loi sur l’accueil des demandeurs d’asile prévoit par ailleursl’organisation de formations pour le personnel des centres d’accueil : les travailleurs sociaux et les médecins seront systématiquement formés à ladétection de mutilations sexuelles. Quant à la formation des fonctionnaires de l’Office des étrangers et du CGRA à ces pratiques pouvant conduire àl’octroi de l’asile, il n’en a apparemment pas été question.

Un bol d’air pour tenir la tête juste hors de l’eau

À la mi-novembre, les quatre associations spécialisées dans l’accueil des auteurs et des victimes de violences conjugales s’alarmaient publiquement de leurs difficultésfinancières. Elles constataient en effet un accroissement considérable des plaintes et des cas de violences dénoncées grâce aux campagnes menées, maisregrettaient que les moyens ne suivent pas. Qu’elles soient chargées du suivi des auteurs de violence ou de l’accueil des victimes, toutes crient famine. « Les campagnes desensibilisation ont donné un signal fort. Et elles ont eu des effets, dit Claire Gavroy, responsable du Collectif contre les violences familiales et l’exclusion àLiège2. Les femmes dénoncent de plus en plus tôt et de plus en plus souvent. Elles demandent de l’aide tous azimuts. En 2005, la police de Liège aenregistré une augmentation de 30 % du nombre de plaintes.»

Quarante-sept lits à Liège, 24 à La Louvière, 24 à Bruxelles : c’est la capacité d’hébergement des centres d’accueil spécialisés.Faute de places, ceux-là doivent refuser entre six et neuf demandes sur dix. Soumis à des statuts et des modes de subsidiation différents selon qu’ils se trouvent en Wallonie ouà Bruxelles, ces services manquent dramatiquement de moyens.

« Nous avons 3 600 appels par an au Collectif de La Louvière et plus de 4 000 à Liège, sans compter les e-mails avec des demandes de renseignements. Nos troisnuméros (ndlr : les numéros des trois refuges spécialisés en Communauté française) apparaissent partout, on nous sollicite de plus en plus pour intervenirdans des colloques. Tout cela prend énormément de temps, explique Josiane Coruzzi de Solidarité femmes et refuge pour femmes battues3. Les campagnes ontcréé un appel et c’est très bien ainsi, mais on ne nous a pas donné les moyens d’y répondre. Nous avons bien en Wallonie un décret qui nousrégit et qui prévoit normalement des subsides de fonctionnement, mais ce décret n’est pas encore entièrement applicable. Les maisons d’accueil sontrégies par le même décret et donc logées à la même enseigne. Cependant, nous avons de notre côté une spécialisation en aide aux victimespour laquelle nous demandons une reconnaissance depuis 2003. Nous avons en effet une ligne téléphonique à Liège et à La Louvière ouverte 24 heures sur 24, 7jours sur 7, des permanences juridiques et sociales et un accompagnement des victimes qui se fait à long terme, parfois jusqu’à deux ans. Tout cela a un coût. »

Si la conférence interministérielle qui s’est réunie ce 21 novembre apporte quelques réponses aux angoisses de ces associations qui se disent satisfaites de ceballon d’air frais, toute inquiétude n’a pas disparu pour autant. L’aide wallonne ne serait en effet pas reconductible. « Les 100.000 euros dégagés par laRégion wallonne pour les pôles Ressources le sont pour 2007. Nous sommes heureux de cette reconnaissance de notre expertise, ça permettra de dégager du temps, mais nousn’avons aucune assurance d’un financement quelconque pour les années suivantes, regrette Claire Gavroy, du CVFE. De plus, on a dégagé au niveau fédéraldes emplois Maribel, 4 postes pour le Hainaut et 4 postes pour Liège, avec chaque fois une moitié des emplois pour l’aide aux auteurs de violence, et l’autre destinéeà l’accompagnement des victimes. Or, ces emplois Maribel sont des ‘Maribel-Pouvoirs locaux’, ce qui signifie qu’il faut aller chercher le complément financierauprès des pouvoirs locaux que sont la Province et la commune. Le montage financier est en négociation actuellement, mais il n’est pas certain du tout que communes et provincesconcernées mettent la main au portefeuille parce que le fédéral l’a décidé. On doit normalement arriver à une solution pour le 18 décembre, maisrien n’est sûr…»

Autre motif d’insatisfaction : la création d’une ligne téléphonique nationale spécialisée, qui semble rester dans les limbes. Cette revendicationdéjà ancienne n’a en effet pas été abordée lors de la conférence interministérielle. La raison en serait la difficulté du montagefinancier : qui faire payer ? Les Communautés, les régions, le Fédéral, tout le monde ? La réponse est en tous les cas fort attendue sur le terrain…

1. Le Plan d’action fédéral 2004-2007 de lutte contre la violence entre partenaires, dont l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes assure lacoordination, définit les objectifs stratégiques des différents ministres fédéraux concernés par la lutte contre la violence entre partenaires (Justice,Intérieur, Santé publique et Fonction publique, Politique des grandes villes, Intégration sociale et Égalité des chances). Depuis février 2006, le planintègre les actions des communautés et régions en la matière. Le plan est accessible sur le site de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes ou sur demande.
2. CVFE, rue Sœurs-de-Hasque, 9 à 4000 Liège – tél. : 04 221 60 69 – courriel : cvfe@cvfe.be.
3. Solidarité Femmes et refuge pour femmes battues, rue de Bouvy 9 à 7100 La Louvière – tél. : 064 21 43 33 – courriel : colfembatlalouv@versateladsl.be

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