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Regard critique · Justice sociale

Comme prévu dans le traité signé à Nice en décembre 2000, le Conseil européen de Laeken des 14 et 15 décembre prochains devrait débouchersur l’adoption d’une déclaration en préalable à une prochaine révision des traités en 2004. Au cours de l’exercice, les chefs d’Étatet de gouvernement devraient fixer les orientations politiques qui guideront ensuite les travaux d’une Convention suivant la formule novatrice déjà adoptée pour la chartedes droits fondamentaux.
À quelques jours du dernier grand rendez-vous de la présidence belge, le débat sur l’avenir de l’Europe entre dans une phase sans doute décisive.L’annonce d’une initiative franco-allemande exprimant un soutien commun à l’idée d’une Constitution européenne ou les déclarations du Premierministre britannique Tony Blair qui a appelé ses concitoyens à un plus grand engagement européen du Royaume-Uni en constituent les moments forts1. En fait, les analyses et lesdéclarations convergent pour réclamer une amélioration significative du processus décisionnel au niveau européen sur des questions clés, un processusjugé trop lent et secret. Dans cette configuration, le social risque encore une fois de passer à l’arrière-plan.
Un fossé grandissant avec les opinions publiques
Comme le soulignait récemment la lettre électronique de l’Observatoire social européen, il n’y a guère de grandes revendications sociales qui se fontactuellement entendre dans la perspective de la CIG (Conférence intergouvernementale) au sein des États membres2. Un “oubli” en contraste avec les attentes del’opinion publique qui réclame davantage d’intégration européenne. Ainsi, les Français sont en faveur d’une Union plus sociale si l’on en croit lerapport Braibant3. Si le document souligne le peu d’intérêt manifesté par les citoyens de l’Hexagone à l’égard des questions institutionnelles, ilmanifeste clairement le sentiment d’une Europe privilégiant de manière excessive l’intégration économique et monétaire au détriment de sadimension sociale. Parmi les acteurs clés du débat, seul le monde syndical, par la voix de la CES, s’est exprimé clairement sur sa vision de l’avenir del’Europe sociale. “Le moment est venu de procéder à une refonte fondamentale de l’Union européenne tout en constatant que de nombreuses revendicationssyndicales exprimées à l’occasion des récentes réformes des traités (Amsterdam en 1997 et Nice en 2000) n’ont pas été rencontréesou ne sont pas à l’ordre du jour”4. Les syndicats réclament une union sociale reconnue par une Constitution européenne ou un pacte constitutionnel intégrant laCharte des droits fondamentaux, ce que la France et l’Allemagne semblent prêtes à défendre.
Une euromanifestation à Laeken
Que faut-il dès lors attendre du sommet de Laeken dans le domaine de l’Europe sociale? Jusqu’à nouvel ordre, on ne devrait pas assister à des avancéessignificatives. La présidence belge aura permis de concrétiser l’élaboration des indicateurs en matière d’inclusion sociale et la mise en œuvre de laméthode de coordination ouverte comme pour la politique de l’emploi, ce qui est fondamental. L’étape suivante se révèlera sans doute plus ardue à savoirimpliquer tous les acteurs concernés comme le réclame la société civile et traduire par des mesures politiques les plans d’action pour l’inclusion sociale pourqu’ils aient un réel impact. Sur d’autres thèmes, la Présidence belge aura suscité un vaste débat, parfois de caractère trop technique, sur desquestions importantes comme l’égalité hommes-femmes, la qualité de l’emploi ou la responsabilité sociale des entreprises. Elle aura tout autantéludé à l’image des autres États membres une problématique cruciale comme la dimension sociale du futur élargissement aux pays d’Europe centraleet orientale.
Le Conseil emploi et affaires sociales du 3 ýécembre aura constitué un ultime test avant Laeken sur la volonté politique réelle des États membres de passerà la vitesse supérieure alors que le spectre de la récession grandit chaque jour. Le succès de l’euromanifestation européenne de Laeken du 13 décembreprochain donnera aussi une mesure de la capacité des acteurs sociaux à mobiliser les citoyens et à faire pression sur les responsables politiques pour donner àl’Europe un visage plus social.
1 Voir Agence Europe du samedi 24 /11/01, p. 4.
2 Christophe Degryse, “Laeken et les syndicats”, Demain l’Europe, novembre 2001, n°2.
3 Voir Agence Europe, 23 novembre 2001, p. 5.
4 Les résolutions de la CES sur ce thème peuvent être consultées à l’adresse suivante : http://ciginfo.net.

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