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Protection des travailleuses enceintes : inégalités et pratiques discriminatoires

Enceinte, accouchée ou allaitante, la femme au travail n’est pas traitée de manière équivalente, en cas de mise à l’écart pour raisons de santé ouécartement prophylactique1. Sur la base d’un risque reconnu par le Fonds des maladies professionnelles, ce dernier prend en charge 90 % du salaire. S’il ne l’est pas, latravailleuse enceinte est prise en charge par sa mutualité, où l’indemnité s’élèvera à 60 % du salaire plafonné. Et la différence est d’autantplus inadmissible que cela concerne parfois le même risque. Une différence de traitement que le Cepag (Centre d’éducation populaire André Genot)2 adénoncé lors d’une conférence-débat organisée par le Setca-Centre ce 21 novembre.

04-12-2006 Alter Échos n° 220

Enceinte, accouchée ou allaitante, la femme au travail n’est pas traitée de manière équivalente, en cas de mise à l’écart pour raisons de santé ouécartement prophylactique1. Sur la base d’un risque reconnu par le Fonds des maladies professionnelles, ce dernier prend en charge 90 % du salaire. S’il ne l’est pas, latravailleuse enceinte est prise en charge par sa mutualité, où l’indemnité s’élèvera à 60 % du salaire plafonné. Et la différence est d’autantplus inadmissible que cela concerne parfois le même risque. Une différence de traitement que le Cepag (Centre d’éducation populaire André Genot)2 adénoncé lors d’une conférence-débat organisée par le Setca-Centre ce 21 novembre.

«On constate des différences dans l’évaluation des risques a priori, souligne Anne Tricot, conseillère en action sociale et sécurité sociale du Cepag. Maisl’écartement de la travailleuse en raison de l’existence d’un risque n’est possible que si l’employeur en reconnaît l’existence. Or, on constate également des différencesde pratiques chez les médecins du travail, notamment si la travailleuse mentionne sa réticence à devoir être écartée. Le médecin écartera detoute manière si le risque est majeur, mais cette dernière situation sera prise en compte.»

Imaginons donc une infirmière et une technicienne de surface travaillant dans le même établissement et soumises aux mêmes risques. « L’écartementdemandé par le médecin du travail est généralement accepté sans discussion (sauf risque hépatique) par le FMP quand il s’agit d’une infirmièreenceinte, poursuit-elle. Par contre, le FMP refuse de couvrir l’écartement de techniciennes de surface, même lorsque cette demande se réfère à l’existence de risquesinfectieux pour lesquels il couvre l’écartement des infirmières. Il y a quelque chose qui cloche.»

Le FMP ne reprend pas en considération le port de charges lourdes, la chaleur ou le froid intense, l’exposition aux chocs, les radiations non ionisantes, les risques d’agression, lestravaux manuels lourds, etc.3 Car il faut savoir que le FMP n’intervient que si le risque incriminé se retrouve sur la liste belge des maladies professionnelles donnant lieuà réparation. Les médecins du travail constatent que, même quand il s’agit de risques repris dans la liste FMP, le FMP vise à limiter la prise en charge del’indemnisation de l’écartement préventif en invoquant une possibilité théorique de changement temporaire de poste de travail. Le FMP ne couvre pas l’écartements’il débute après le troisième mois de grossesse.

Une difficulté supplémentaire apparaît dans la période d’allaitement dite de « congé d’allaitement », où les risques sont repris dans une listespécifique4. Or, après l’accouchement, l’indemnisation se fait d’office par la mutuelle à raison de 60 %. Elle pourra alors recourir soit à une « paused’allaitement » indemnisée par la mutuelle mais considérée comme temps de travail normal, soit à un « congé parental », faisant partie des mesuresde politique de l’emploi visant à concilier vie professionnelle et vie privée. « Chaque parent a droit à une interruption de carrière de trois mois temps plein, pourchaque enfant de moins de six ans, moyennant une indemnisation forfaitaire », précise-t-elle encore.

Le Cepag estime anormal que l’écartement du poste pendant la grossesse ou la période d’allaitement en raison de l’existence établie d’un risque soit considérécomme une maladie. La protection de la maternité souffrirait en outre des confusions et limites des deux logiques d’approche par défaut, toutes deux inadéquates : la logique« maladie professionnelle » et la logique « maladie». «C’est tout à fait discriminatoire», souligne Anne Tricot, car l’indemnisation de cetécartement tant par le FMP que par l’Inami participe au maintien de la confusion.5

1. La directive européenne concernant la sécurité et la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail a ététransposée dans le droit belge par l’arrêté du 2 mai 1995 (M.B. du 12 octobre 1995).
2. Cepag (Centre d’éducation populaire André Genot) – contact : Anne Tricot, av.Gouverneur Bovesse, 117 à 5100 Jambes – tél. : 081 32 88 80 – fax: 081 31 19 40 – courriel : cepag@cepag.be.

3. Fonds des maladies professionnelles, av. de l’Astronomie, 1 à 1210 Bruxelles – tél. : 02 226 64 16 –fax : 02 217 21 08 – Service documentation – courriel : roger.volckerijck@fmp-fbz.fgov.be
4. Annexe II AR du 2 mai 1995.
5. Le Fonds redistribue quelque 371 millions d’euros pour les maladies professionnelles, dont 41 % pour les femmes enceintes.

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