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Regard critique · Justice sociale

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"Prêt solidaire : le Fonds de participation s'approprie la philosophie et les outils du micrcocrédit"

17-12-2001 Alter Échos n° 111

En 1997, la Fondation Roi Baudouin lançait le prêt solidaire. Dans la foulée de l’évaluation qu’elle en faisait il y a un an, la Fondation a décidé deconfier ce programme au Fonds de participation.
Le prêt solidaire « deuxième génération » démarre donc en janvier, avec un dispositif d’accompagnement des porteurs de projet remodelé. Le tout sur fond deréorientation, simultanément, du prêt de lancement (l’ancien prêt chômeur). Principes : le crédit social est avant tout du crédit, pas de l’aide sociale,et la professionnalisation de l’accompagnement est le facteur clé de la réussite des projets soutenus.
1. La FRB confie le prêt solidaire au Fonds de participation
Dès le 1er janvier, le prêt solidaire sera géré entièrement par le Fonds de participation.1 Les objectifs et les modalités de ces microcrédits pour lacréation de petites activités économiques restent exactement ceux imaginés en 1997 par la Fondation2, ainsi que le public auquel ils sont destinés. « A une exceptionprès, souligne Jean-Pierre Goor, qui pilote à la Fondation le prêt solidaire depuis 1999 : le taux passe de 2,25 à 3%, à la demande du Fonds. Mais notreexpérience montre que ce paramètre est bien moins déterminant pour le succès des projets que la qualité de l’accompagnement, sur laquelle nous allons justementréinvestir. »
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Le prêt solidaire?
Public : en règle générale, les personnes qui n’ont pas par ailleurs accès au crédit bancaire
Montant maximum : 7.500 euros.
Taux : 3%
Durée maximum : 3 ans, avec une franchise de 3 mois
Garanties : la caution de proches à concurrence de 20% du prêt (« Le soutien des proches est un facteur de succès très important », souligne J.-P. Goor.
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Le Fonds engage sur ce produit un minimum de 50 millions par an3, et l’accompagnement reste à charge de la Fondation Roi Baudouin, en tous cas pour les deux années qui viennent. Il estd’ailleurs étendu à de nouveaux partenaires, et complété d’une agence de coordination francophone (Crédal) et d’une néerlandophone (Hefboom). Un dispositifd’évaluation continue et d’échange des bonnes pratiques sera aussi mis en place. Le suivi technique du crédit, jusqu’ici réparti entre la banque Triodos et la Fondation,est refondu et incombera entièrement au Fonds. Le portefeuille de crédits en cours sera progressivement transmis entièrement au Fonds. Le Comité d’acceptation descrédits sera en partie constitué des personnes qu’a rassemblées la Fondation, complétées de quelques experts du Fonds.
La difficile question du contentieux trouvera aussi au Fonds les mêmes réponses que celles apportées par la FRB. « Au début, la Fondation a eu tendance à fermer lesyeux sur les débiteurs défaillants, explique J.-P. Goor. Elle mettait en avant son rôle social. Puis elle a réfléchi à une panoplie de solutions àmettre en place au cas par cas, qui se traduisent aujourd’hui dans une charte. Une possibilité p.ex., pratiquée avec les gens dont l’activité perdure, est d’exiger unremboursement de 500 francs par mois pendant deux ans. Dans des cas plus difficiles, nous pouvons aussi recourir à la médiation de dettes. » Clairement, le but est que lesdébiteurs ne se retrouvent pas dans une situation économique pire que celle qu’ils connaissaient avant de contracter le prêt solidaire.
2. Cinq ans de projet pilote : quelques résultats
102 des +/- de 160 crédits octroyés depuis 1997 ont été examinés il y a un an par un évaluateur externe (Alter & I). Il en ressort une séried’enseignements tant sur les bénéficiaires que sur les projets.
La plupart des bénéficiaires sont des chômeurs indemnisés et des minimexés. La moitié vivent dans une situation de précarité depuis un an ouplus. 70% sont des hommes, et l’âge moyen est situé entre 35 et 40 ans. On note aussi une surproportion de réfugiés politiques.
Un créateur sur deux avait arrêté son projet, et un sur quatre était clairement en situation de réussite. Le taux de remboursement des prêts est de 50% et untiers des personnes dont le projet a échoué honorent leurs engagements. Ces chiffres datent d’avant la mise en place de la charte du contentieux, et sont biaisés, explique J.-P.Goor, « par le fait que la Fondation n’a pas toujours eu la rigueur et les moyens nécessaires pour le gestion des dossiers ». On n’apprend pas en quelques mois à jouer le rôle d’unebanque…
44% des projets relevaient du secteur du commerce (de détail ou ambulant) : c’est aussi le secteur le plus risqué, avec un peu plus de 50% d’échecs. Vient ensuite le secteur desservices (31%), où à l’inverse le succès semble plus atteignable, puisque 10 des 32 projets identifiés ne rencontraient pas de difficultés majeures. Lesactivités de transport (taxi social, colis, etc.) s’y portent le mieux, avec 75% de réussite. Pour le reste, 18% des projets consistaient en des activités de production et detransformation, et 7% des activités d’horéca.
Au rang des facteurs de réussite : le fait d’avoir été chômeur, le fait de bénéficier de soutiens concrets de son entourage et le fait de rassembler des fondsprovenant d’autres sources que le prêt solidaire. Le fait d’avoir une expérience professionnelle préalable dans le même secteur ne semble pas déterminant, et lesminimexés s’en sortent moins bien que la moyenne, sans doute du fait de leur isolement social plus marqué.
3. Prêt solidaire, nouveau prêt de lancement, et plus si affinités
Le Fonds de participation offre plusieurs produits de crédit aux PME. Son pilier social était jusqu’ici constitué par le prêt de lancement. Le prêt solidaire vientdésormais s’y ajouter.
3.1 Le Fonds de participation : comme une privatisation à rebours
La création du prêt chômeur date de 1984. Il s’agissait alors d’une avance sur les allocations de chômage, et l’Onem confiait un montant au Crédit professionnel quilui-même le prêtait au chômeur qui voulait se lancer comme indépendant. En quinze ans, retouché à de nombreuses reprises, le prêt chômeur a connudes fortunes diverses et un succès certain.
Bien vite, il n’a plus consisté en ce qu’on ne qualifiait pas encore d’ »activation » des allocations de chômage. Le Fonds de participation, créé comme undépartement du Crédit professionnel, le gèrait comme un de ses produits. Depuis le début des années 90, le Crédit professionnel a étéprivatisé en plusieurs étapes. Le Fonds de participation a dans la foulée été institué comme un organisme public de crédit à partentière, avec son capital propre (8 milliards). Il est actuellement en train de se dégager de la plupart des collaborations opérationnelles qu’il entretenait avec leCrédit professionnel, sans rem
ettre en question les collaborations commerciales avec ses agences.
3.2 Prêt de lancement : nouveau montant, nouveau taux, nouvelle philosophie
Cette maturité permet aujourd’hui au Fonds de repenser le mécanisme de ce qui a été rebaptisé cette année prêt de lancement, et le partenariat quil’entoure. Son directeur, Jean-Pierre Remacle, fait le point sur les nouveautés telles que définies par la loi programme du 19 juillet 2001, et sous réserve de l’approbationprochaine, en seconde lecture, de l’arrêté d’application actuellement soumis au Conseil d’État.
Le prêt de lancement va d’abord être ouvert à tous les demandeurs d’emploi inoccupés, c’est-à-dire entre autres aux jeunes qui sortent de l’école et quitouchent ou non des allocations d’attente, aux conjoints rentrants, à certains travailleurs à temps partiel ou en congé sabbatique, etc.
Autre manière d’améliorer l’accessibilité : en cas d’échec, les pénalités lors du retour au chômage sont complètement supprimées. « Ongomme cette espèce de lien originel où le prêt était une avance sur les allocations », commente Jean-Pierre Remacle.
Les modalités financières du prêt changent elles aussi. Le montant maximum passe de 27.000 à 40.000 euros. « Ce plafond est un plafond légal, explique J.-P. Remacle.Le Conseil d’administration du Fonds va vraisemblablement fixer pour le moment son propre plafond à 30.000 euros et évaluer les choses ensuite. Pourquoi cette prudence? Pour le Fonds,c’est une augmentation du risque, et nous préférons la gérer progressivement, en modifiant un paramètre à la fois. Et puis le risque, c’est surtout celui que prendle créateur d’entreprise, et nous ne voulons surtout pas jeter les gens dans le surendettement ! »
Un autre paramètre est aussi modifié : le taux d’intérêt qui, toujours sur 13 ans, est fixé à 4% (alors que jusqu’ici il était de 3% les cinqpremières années, puis de 5%). La franchise en capital de trois ans (pendant laquelle on ne rembourse que les intérêts) est maintenue. Ainsi que la nécessitéde trouver un apport propre équivalent à 1/4 du montant du prêt, et la possibilité de garder son allocation de chômage pendant les six mois qui suivent l’octroi duprêt.
3.3 Un accompagnement encouragé
Dans le cadre de son autonomisation vis-à-vis du Crédit professionnel, le Fonds a dû se doter d’un outil de première ligne, puisqu’il ne dispose plus d’agences. C’est ainsique depuis septembre existe un « guichet starter », un point de contact unique qui permet de recevoir les demandes et de les orienter vers les structures d’accompagnement partenaires.
« A partir de janvier, explique J.-P. Remacle, un accompagnement de 18 mois sera proposé systématiquement. Il ne sera pas obligatoire, mais vivement encouragé, surtout par uneréduction d’1% du taux d’intérêt pendant les deux premières années. C’est une espèce de prime, qui revient à un maximum de 600 euros, qui est aussiliée au fait que cet accompagnement diminue le risque pris par le Fonds. »
Les partenaires qui offriront cet accompagnement seront vraisemblablement ceux qui collaborent déjà avec le guichet starter, et dont une partie est aussi impliquée dans leprêt de lancement. « Mais on est pour le moment dans la phase où chacun d’eux est en train de se positionner sur nos propositions » précise J.-P. Remacle.
Le Fonds rémunère cet accompagnement 2.000 euros, et a prévu un budget pour 300 dossiers (c’est-à-dire 3/4 de ceux qui sont anticipés pour 2002). Il s’agit surtoutd’un accompagnement de base. « Notre particularité est l’extrême diversité du public du prêt de lancement, et des projets d’entreprise. Donc l’essentiel de l’accompagnementsera d’identifier leurs besoins et de les orienter vers des professionnels spécialisés. Tout cela sera d’ailleurs repris dans une charte déontologique. Le guichet startereffectuera un suivi en demandant un petit rapport trimestriel aux partenaires. »
Cette évolution est-elle inspirée du prêt solidaire? « Oui et non, répond J.-P. Remacle. Il y a une tendance générale à coupler ce type de prêtà des dispositifs d’accompagnement et le Fonds avait orienté sa réflexion dans ce sens. Mais il faut dire aussi que nombre de structures, comme des agences-conseils enéconomie sociale, des guichets PME de l’Union des classes moyennes et de l’Unizo, des incubatiecentra flamands, ou encore des Guichets d’économie locale bruxellois,avec lesquelles nous avions des contacts réguliers notamment en vue du lancement du guichet starter, sont en bonne partie celles qui travaillaient déjà avec la Fondation. »
Autre partenaire dont la place évolue, le Crédit professionnel. « Depuis le 1er septembre, il ne gère plus aucun nouveau crédit dans le cadre du prêt de lancement. Etdans trois ans, il nous aura transmis la totalité des 10.000 à 15.000 dossiers en cours. Ce qui intéressait nos partenaires bancaires jusqu’ici, c’est surtout notre cofinancementdans le cadre de prêts ordinaires aux PME. Et le prêt de lancement venait comme un supplément. De toute façon, les banques qui ont une longue histoire de collaboration avecnous resteront intéressées, et pour le prêt de lancement, elles resteront apporteuses de demandes vers le guichet starter. Mais en fait c’est surtout une question depersonnes. »
Dans deux ans, le Fonds aura éprouvé les deux nouveaux produits de son pilier social, le prêt solidaire et le prêt de lancement. Ce sera l’occasion d’une nouvelleévaluation, et probablement le moment de rebattre encore les cartes.
1 Fonds de participation, J.-P. Remacle, rue de Ligne 1 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 210 87 87, fax : 02 210 87 79, e-mail : info@fonds.org, site Web : http://www.fonds.org
2 FRB, J.-P. Goor, rue Brederode 21 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 511 18 40, fax : 02 511 52 21, site web : http://www.kbs-frb.be
3 Les fonds prêtés provenaient jusqu’ici des principales banques belges, de la Loterie nationale et de la Fondation.

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