«On aurait donc bien un problème de mentalité en Wallonie. C’est d’autant plus dérangeant que les aides sociales chez nous sont très généreuses.» Cette phrase est tirée du documentaire «Sans-boulot: tous fraudeurs?», réalisé par Christophe Deborsu et diffusé sur RTL TVI le 7 novembre dernier. Son thème? Les «sans-boulot», qu’ils soient chômeurs, en maladie, au CPAS. Au cours des 37 minutes que dure «Sans boulot: tous fraudeurs?», le journaliste parcourt notamment les rues de Verviers pour aller à la rencontre de personnes en situation de précarité. Il y a cette mère solo de trois enfants âgée de 37 ans, ce chômeur longue durée d’une quarantaine d’années ou encore les innombrables locataires d’un logement social.
Si le reportage avait fait dans la nuance, s’était attaqué aux racines du mal, on aurait pu s’en réjouir. Voilà près de 30 ans que notre magazine décrypte et dépeint les mécanismes propres à la précarité, notamment ceux qui expliquent pourquoi certaines personnes restent au chômage ou au CPAS: stratégie de survie permanente qui empêche de faire quoi que ce soit d’autre, problèmes de santé mentale, salaires trop bas… Mais ici, le journaliste semblait s’être fait une opinion avant même d’enquêter: la Wallonie serait remplie d’aspirateurs à aides sociales, incapables de se bouger, sans volonté de se former. Quelques «cas» triés sur le volet, un ou deux chercheurs pour venir mettre un peu de nuance et la démonstration est ficelée. Tout comme la conclusion, facile: «Les aides sociales, heureusement qu’on les a. Mais si on veut les garder, il faut d’urgence resserrer certains boulons.» Un message bien dans l’air du temps, celui de la limitation des allocations de chômage à deux ans… Autant dire que l’émission a fait un carton: 410.860 téléspectateurs, soit 39,1% de parts de marché.
Voilà près de 30 ans que notre magazine décrypte et dépeint les mécanismes propres à la précarité, notamment ceux qui expliquent pourquoi certaines personnes restent au chômage ou au CPAS: stratégie de survie permanente qui empêche de faire quoi que ce soit d’autre, problèmes de santé mentale, salaires trop bas… Mais ici, le journaliste semblait s’être fait une opinion avant même d’enquêter: la Wallonie serait remplie d’aspirateurs à aides sociales, incapables de se bouger, sans volonté de se former.
Existe-t-il des personnes qui abusent des aides sociales? Sûrement. Faut-il le dénoncer? Sûrement. Le problème, c’est que ce genre d’émission fait un éléphant d’une souris. Ou souffre d’un regard biaisé. La mère de famille de 37 ans interrogée dans le reportage bénéficie de 2.700 euros de revenus issus du CPAS et des allocations? Christophe Deborsu oublie de mentionner qu’en Wallonie, 29,2% des familles monoparentales disposent d’un revenu net équivalent inférieur au seuil de pauvreté.
Le chômeur de longue durée d’une quarantaine d’années est aidé par le CPAS? Oui, mais il touche 500 euros par mois. Qui peut vivre avec une telle somme? Surtout, le reportage n’insiste pas trop – si ce n’est en fin de reportage – sur les exclusions en cours du côté du chômage et qui vont venir impacter directement les plus fragiles, qui se retrouveront au CPAS.
Mais encore une fois, tout cela est dans l’air du temps. Il est facile de taper sur les plus fragiles, ceux qui sont déjà à terre. Le bouc émissaire est facile à trouver. Jusqu’à ce qu’on se retrouve soi-même dans les difficultés. Et là, cela risque d’être une autre histoire…