Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Vu de Flandre

Prière de s’insérer

Proposé ou imposé ? Les CPAS flamands sont divisés sur le recours à l’article 60. La N-VA voudrait pouvoir rendre cette mise au travail obligatoire.

Proposé ou imposé ? Les CPAS flamands sont divisés sur le recours à l’article 60. La N-VA voudrait pouvoir rendre cette mise au travail obligatoire.

De plus en plus de communes adoptent cette doctrine que l’on pourrait résumer par « on n’a rien pour rien ». Celui qui frappe aux portes d’un CPAS pour demander un revenu d’intégration est de plus en plus souvent prié de se porter volontaire ou d’accepter une mise au travail en application de l’article 60. Prié et non contraint car légalement, les CPAS ne disposent pas (encore) de ce pouvoir. Typiquement, ils travailleront pendant un an sous la tutelle du CPAS et toucheront environ 500 euros par mois en plus de leur revenu d’intégration.

 À Ostende, ils sont déjà 200 à travailler comme femme de ménage, commis de cuisine, réparateur de vélos ou assistant dans un asile pour animaux abandonnés. Il existe aussi une clean team entièrement composée d’allocataires du CPAS qui nettoie les rues de la ville. À Gavere, le président du CPAS a élaboré une convention-cadre avec 28 entreprises locales pour mettre au travail les 20 allocataires sociaux de la commune. « Ils peuvent ainsi accumuler de l’expérience dans de vraies entreprises et celles-ci disposent dès lors de main d’œuvre bon marché », se félicite-t-il.

 On retrouve l’impact de cette approche plus coercitive du travail dans les chiffres du Service public fédéral (SPF) intégration sociale. En cinq ans, le nombre de bénéficiaires de revenus d’intégration qui travaillent a augmenté de 20 %.

 Et ce mouvement ne semble pas près de s’arrêter. Quatre communes, au moins, ont l’intention de franchir le cap au cours des prochains mois. À Eeklo, la municipalité étudie la possibilité d’utiliser des allocataires du CPAS pour collecter les déchets de jardinage, ce qui lui permettrait d’économiser les 50 000 euros annuels d’un contrat avec une société privée. À Diest, il s’agirait de travail de nettoyage et, à Aarschot, il s’agirait de tâches dans une maison de soins.

 Dans d’autres villes, comme Alost et Anvers, on entend aller plus loin en rendant ce type de contrepartie obligatoire. « Nous avons affaire à des gens qui soi-disant souhaitent être activés mais qui n’entreprennent rien en ce sens », estiment en chœur Liesbeth Homans et Sarah Smeyers, respectivement présidentes (toutes deux N-VA) des CPAS d’Anvers et d’Alost. « Si nous essayons de forcer les choses, nous sommes rappelés à l’ordre par le tribunal du travail. Cela suffit. » Elles souhaitent toutes les deux qu’en cas de refus, les bénéficiaires soient privés de leurs allocations.

Contre-productif

 Pour les experts en matière de lutte contre la pauvreté, cette approche musclée se révèle contre-productive. « Ils ne viennent pas frapper à la porte du CPAS le cœur léger, mais parce qu’ils rencontrent de graves difficultés souvent à la fois financières, physiques et psychiques. Le revenu d’intégration est là pour leur permettre de souffler et d’avoir un minimum d’humanité dans leur existence », estime Gulay Temur, de l’association Samenlevingsopbouw. « Cela n’a aucun sens de les pousser à aller nettoyer pour le compte de la commune et encore moins d’en faire une condition sine qua non pour avoir droit à une allocation. Ils doivent avoir du temps pour remettre de l’ordre dans leur vie, chercher un logement, une place pour leurs enfants en crèche, suivre une formation. Tant que tout cela n’est pas réglé, ils ne tiendront pas sur le marché de l’emploi. »

 Selon les chiffres du SPF intégration sociale, un tiers des personnes occupées via l’article 60 conservent un emploi par la suite, 43 % émargent au chômage et 8,5 % retournent au CPAS. « On ne peut passer à ce genre d’étape qu’après un suivi intense au niveau de leur vie privée. Si on en fait l’économie, on les conduit dans un cercle vicieux qui, au final, coûtera bien plus cher à la société » , conclut Gulay Temur. D’autres présidents de CPAS, comme ceux de Renaix et de Zottegem abondent dans son sens et ne comptent pas imposer de travail à leurs clients.

Revue de presse réalisée d’après Het Laatste Nieuws

 

 

L’article 60 § 7

La mise à l’emploi conformément à l’article 60 § 7 est une forme d’aide sociale permettant au CPAS de procurer un emploi à une personne qui s’est ou qui est éloignée du marché du travail. Elle a pour objectif de réintégrer cette personne dans le régime de la sécurité sociale et de la réinsérer dans le processus du travail. Le CPAS est toujours l’employeur juridique. Le centre peut occuper la personne dans ses propres services ou la mettre à la disposition d’un tiers employeur. Source : SPP intégration sociale.

 

Aller plus loin

Lire aussi Alter Échos n° 357 du 29.03.2013 Estaimpuis, un paradis sans RIS ?

Pierre Gilissen

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)