Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Archives

Où en est le dispositif Idess ?

Mis en œuvre depuis le 30 juin 2007, le dispositif Idess (Initiative de développement de l’emploi dans le secteur des services de proximité à finalité sociale)délivre ses premiers agréments, au nombre desquels on trouve celui octroyé au CPAS de Liège1. L’occasion de faire le point à propos d’un dispositif donton attend beaucoup.

14-04-2008 Alter Échos n° 249

Mis en œuvre depuis le 30 juin 2007, le dispositif Idess (Initiative de développement de l’emploi dans le secteur des services de proximité à finalité sociale)délivre ses premiers agréments, au nombre desquels on trouve celui octroyé au CPAS de Liège1. L’occasion de faire le point à propos d’un dispositif donton attend beaucoup.

Organisée le 26 mars par Jean-Claude Marcourt (PS), ministre de l’Emploi, du Commerce extérieur et du Patrimoine de la Région wallonne2, la visite du CPAS deLiège n’était pas innocente. Il s’agissait en effet pour l’élu PS de mettre en évidence l’un des premiers CPAS wallons à avoir été labellisé« Idess », du nom de ce dispositif destiné à permettre la mise en place, par les CPAS, les asbl et les sociétés à finalité sociale de laRégion wallonne, de structures capables de prester une série de petits travaux et de petits services répondant à certains besoins des particuliers ou descollectivités ; besoins généralement peu rencontrés par les professionnels à cause de la faible importance des travaux à effectuer pour les satisfaire.Travaux d’entretien de l’habitat et travaux de jardinage sont ainsi au nombre des activités reconnues par un dispositif visant également à mettre en place des services debuanderie sociale, de transport social et de magasin au sein des CPAS et ce, à destination de leur public cible (bénéficiaires du revenu d’intégration sociale ou del’intervention majorée en soins de santé, personnes ayant un plafond de revenus annuels inférieurs à 19 200 euros). Des CPAS qui peuvent également effectuer lestravaux d’entretien de l’habitat et les travaux de jardinage à destination de ce même public et, c’est important, d’un maximum de 20% de clients tous revenus.

Un autre objectif du dispositif est la création, pour assurer l’ensemble des travaux évoqués, de 1 200 équivalents temps plein pour personnes peu qualifiées etéviter ainsi le travail au noir souvent associé à ce type d’activités. « Ces emplois sont destinés aux personnes dépendant de l’article 60, del’article 61 et du plan Sine » déclare ainsi Dimitri Coutiez, en charge du dossier au cabinet de Jean-Claude Marcourt. Des emplois dont le nombre par CPAS, asbl ou SFS n’est paslimité, mais se retrouve néanmoins plafonné de fait par le montant maximum de 100 000 euros de subvention annuelle par projet. À titre d’exemple, deux postes ont ainsiété créés au CPAS de Liège afin d’assurer les petits travaux d’entretien de l’habitat, les travaux de jardinage et le service de transport social assurés parle service « Elis » (Emplois locaux d’intérêt social) du centre.

Un retard à l’allumage ?

Si l’on peut s’étonner du temps relativement long qu’il a fallu pour que les premiers agréments soient octroyés, une trentaine de dossiers ont depuis lors étéjugés positifs sur les quatre-vingt cinq reçus par le cabinet de Jean-Claude Marcourt. « Il ne faut pas oublier que nous n’avons reçu les premiers dossiers qu’en septembre2007. Le temps de les examiner sérieusement et nous étions déjà en 2008, ce qui me semble être un délai raisonnable » renchérit Dimitri Coutiez.Ainsi, du côté du service Elis du CPAS de Liège, on est passé « Idess » le 1er janvier 2008, soit douze ans après la création duservice en 1996. « Cela fait de nombreuses années que nous organisions les travaux d’entretien de l’habitat, de jardinage et de transport social, dorénavant reconnus par ledispositif Idess », affirme Catherine Thewissen, assistante sociale au service Elis. « Le principal avantage du dispositif est de nous avoir permis d’engager deux employés Sine enplus, dont l’un sera affecté au transport social et l’autre aux travaux de jardinage. De plus, cela peut aussi rassurer les entrepreneurs privés spécialisés dans lesdomaines que ces activités couvrent et qui se plaignaient de la concurrence que nous pouvions leur faire lorsque nous organisions ce type de travail hors du cadre d’Idess. Maintenant, cela vaêtre plus formalisé… »

Un reproche de concurrence déloyale que l’on peut malgré tout encore recenser à l’heure actuelle au rang des doléances à l’égard du projet Idess.Régulièrement mise sur le grill, la possibilité pour les CPAS de compter 20% de clients tous revenus, public cible des entrepreneurs privés, pour les activitésd’entretien de l’habitat et de jardinage serait, selon ses détracteurs, la principale génératrice de ce phénomène de concurrence déloyale ;phénomène qui semble malgré tout tarder à se manifester. « Chez nous, nous ne recensons même pas 10% de clients tous revenus, notamment pour lesactivités de jardinage pour lesquelles nous disposons tout de même de septante clients réguliers », affirme Catherine Thewissen. Si l’inquiétude d’une concurrencedéloyale est donc peut-être infondée au vu de la situation au CPAS de Liège, Catherine Thewissen ajoute cependant que « (…) cette situation était valableavant notre agrément par le dispositif Idess. Maintenant, avec tout le battage que l’on a fait autour de cela et la visibilité que cela nous a donnée, ce chiffre vapeut-être augmenter… ».

Quelques réserves…

Du côté de l’Entente wallonne des classes moyennes (EWCM)3, si l’on dresse un bilan provisoirement semblable à celui évoqué par Catherine Thewissen, oncontinue cependant à se montrer vigilant. Ainsi, Arnaud Deplae, qui siège à la Commission d’agrément pour le dispositif Idess en tant que représentant de l’EWCMdéclare : « À l’heure actuelle, les choses se passent mieux que nous ne le craignions au niveau de la concurrence déloyale. Cependant, nous avons appris qu’il y aura unecampagne de promotion à propos du dispositif Idess fin mai. Même si celle-ci sera destinée aux publics précarisés et ne devrait donc pas faire gonfler le nombre declients issus des publics « plus aisés », la situation peut changer… Nous maintenons donc nos réserves à propos de ce fameux chiffre de 20%. Nous estimons que lerôle des CPAS n’est pas de chercher des clients du côté de ce type de public. Le but principal du dispositif Idess est de lutter contre le travail au noir. Or, je pense que si lesCPAS commencent à concurrencer des entreprises privées et que celles-ci sont obligées de mettre la clef sous le paillasson à cause de cela, cela laissera beaucoup detravailleurs sans emploi… Avec les risques de travail au noir que cela implique. C’est un peu incohérent… »

Un avis que semble partager le Conseil économique et social de la Région wallonne (CESRW)4 où l’on maintient les remarques déjà émises dansl’avis que le conseil avait adopté le 5 mar
s 2007 et qui épinglait déjà les risques de concurrence déloyale. A contrario, inutile de préciser que laFédération des CPAS 5, quant à elle, défend avec passion une disposition dont elle souhaiterait même que les chiffres soient revus à la hausse :« Il faut savoir que 80% des CPAS sont ruraux explique Ricardo Cherenti, conseiller à la Fédération des CPAS. Et ils sont souvent les seuls à des kilomètresà pouvoir rendre certains services dans des régions assez isolées. Dans le passé, avant la mise en place du dispositif Idess et les agréments par celui-ci, les CPASremplissaient déjà ce genre de tâches pour bien plus de 20% de publics « aisés » et personne ne se plaignait de concurrence déloyale. Tout simplementparce qu’il n’y en avait pas et que, du fait de l’isolement, les CPAS étaient, comme je l’ai dit, les seuls à pouvoir s’acquitter de certains travaux. Maintenant qu’ils ontété reconnus en tant qu’Idess, le problème est qu’ils ont bien plus de 20% de demandes émanant de ces publics hors cible pour certains travaux et qu’ils ne peuvent yrépondre… »

Face à ce débat, c’est peut-être le CESRW qui risque de mettre tout le monde d’accord puisque son avis du 5 mars 2007 prône également l’instauration d’uneévaluation intermédiaire 18 mois après l’entrée en vigueur du dispositif afin d’apporter des ajustements en cas de dérives constatées. Une évaluationqui, selon Dimitri Coutiez, sera bien mise en place courant 2009. « Le ministre l’a encore évoqué le 26 mars lors de la visite du CPAS de Liège. Mais la tâche enincombera probablement au prochain gouvernement. »

1. CPAS de Liège
– adresse : place Saint-Jacques, 13 à 4000 Liège
– tél.: 04 220 58 11
– courriel : info@cpasdeliege.be
– site : www.cpasdeliege.be

2. Cabinet du ministre Jean-Claude Marcourt :
– adresse : place des Célestines, 1 à 5000 Namur
– tél. : 081 23 41 11
– fax : 081 23 41 22
– courriel : info@marcourt.gov.wallonie.be
– site : http://www.marcourt.wallonie.be
3. Entente wallonne des classes moyennes :
– adresse : rue Émile Cuvelier, 33 à 5000 Namur
– tél. : 081 32 06 47
– fax : 081 22 27 48
– site : www.ucm.be
4. Conseil économique et social de la Région wallonne :
– adresse : rue du Vertbois, 13c à 4000 Liège
– tél. : 04 232 98 11
– fax : 04 232 98 10
– courriel : info@cesrw.be
– site : http://www.cesrw.be
5. Union des villes et communes de Wallonie, Fédération des CPAS :
– adresse : rue de l’Étoile, 14 à 5000 Namur
– tél. : 081 24 06 11
– fax : 081 24 06 10
– courriel : commune@uvcw.be
– site : http://www.uvcw.be

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste (emploi et formation)

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)