Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Edito

On est plus que ça !

Sacrifier les politiques culturelles à la rigueur budgétaire serait un déni de démocratie de plus. A travers toute l’Europe, des acteurs disent non, « On est plus que ça. »

02-03-2012 Alter Échos n° 333

La culture résistera-t-elle aux politiques d’austérité ? Telle est l’inquiétude qui anime depuis peu, au niveau européen, nombre de réseaux d’acteurs de la culture, de « consommateurs culturels », mais aussi plus généralement de la citoyenneté active, de l’éducation populaire, de l’enseignement et du social. La coupole Culture Action Europe et la European Culture Foundation ont donc lancé une vaste campagne – avec pétition, réseaux sociaux, etc. – qui a encore peu percolé en Belgique1.

Le propos est simple et fort : « We are more. » On est plus que ça. La culture est indispensable à la création de richesses, à la stabilité politique, à la cohésion sociale, à la diversité culturelle et au potentiel d’innovation des sociétés contemporaines. Les politiques de soutien à la production culturelle contemporaine et à l’accès à la culture sont vitales. Si elles représentent des coûts budgétaires, elles sont d’abord des investissements à long terme.

Et de pointer les négociations qui ont commencé entre Parlement européen et Conseil pour redessiner les principales lignes budgétaires et programmes de l’Union pour 2014-2020. Dans le paquet, on trouve naturellement les programmes de la DG Culture, mais aussi toutes les nouvelles priorités des Fonds structurels (Feder et FSE principalement). On le sait depuis 20 ans dans le Hainaut comme en Région bruxelloise, il s’agit là de deux leviers considérables pour soutenir l’offre culturelle et l’accès à la culture. Sera-ce encore le cas dans deux ans ?

Etonnamment, cette campagne fait doublement écho en Belgique francophone. D’abord parce que des budgets de la culture sont menacés à très court terme au niveau de la Communauté, avec les millions d’euros d’économies supplémentaires 2012 qui se négocient en conclave cette semaine. Or l’argumentaire synthétisé ci-dessus épouse étonnamment bien le projet de démocratie culturelle qui a longtemps été une spécificité belge francophone pour compléter l’Etat providence, et qui a irrigué des politiques clés comme l’éducation permanente ou les centres culturels. Ce projet, depuis sa naissance, qui l’a incarné, souvent haut et fort ? La Communauté française – euh pardon, la Fédération Wallonie Bruxelles.

Oui pardon – et c’est là le deuxième type de résonance entre « We are more » et notre actualité récente. Où seront les politiques culturelles francophones dans quatre ou cinq ans ? Plus personne ne peut le dire… Le puzzle fou de nos montages institutionnels va bouger encore, tout comme les rapports de force politiques à leur sujet, y compris à l’intérieur des partis comme on l’a vu au PS en janvier avec les remises en question de la toute jeune « Fédération » Wallonie-Bruxelles. Une réforme de l’Etat supplémentaire va bientôt se préparer en Flandre pour anticiper la chute ou la fin du gouvernement Di Rupo I, alors que la digestion de la dernière réforme n’a pas encore commencé… Et des politiques culturelles régionalisées, cela donnerait quoi ? Brandir la Fédération Wallonie-Bruxelles trouve son sens comme élément d’un dispositif de défense dans les conflits ravivés après les élections de juin 2010, mais dans la supposée forteresse soumise aux rigueurs de l’hiver budgétaire, avons-nous une vision assez solide, une intention assez construite, simplement un projet démocratique porteur d’avenir ? Ce déni de démocratie généralisé que la crise financière mondiale tente d’imposer à tous les étages, sommes-nous son infanterie ou ses objecteurs de conscience?

« We are more. »

1. http://www.wearemore.eu/
Traduction détaillée des arguments :
http://www.wearemore.eu/wp-content/uploads/2011/01/We-are-more-leaflet_French.pdf
Au rang des acteurs sociaux, voir par exemple le soutien de la campagne par Banlieues d’Europe dont nous avons occasionnellement relayé ici les activités : http://www.banlieues-europe.com/

Thomas Lemaigre

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