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Regard critique · Justice sociale

Migrations

Mieux financer l'aide juridique aux demandeurs d'asile

L’Association pour le droit des étrangers propose des pistes pour améliorer l’aide juridique aux demandeurs d’asile.

15-05-2011 Alter Échos n° 315

L’aide juridique gratuite que la Belgique a le devoir d’apporter aux demandeurs d’asile présente quelques défaillances. Une étude de l’Association pour le droit desétrangers pointe, entre autres causes, le sous-financement des bureaux d’aide juridique.

Le droit international prévoit que les demandeurs d’asile, en raison de leur vulnérabilité, reçoivent une aide juridique gratuite. Force est de constater que laBelgique ne remplit pas toujours son devoir.

L’Association pour le droit des étrangers (ADDE)1 organisait un colloque le 21 avril pour présenter sa recherche-action sur l’aide juridique aux demandeurs d’asile.Christophe Renders, du Jesuit refugee service, y dénonçait une série de manquements observés lors de ses visites dans les centres fermés : des avocats quirencontrent leurs clients dix minutes à peine avant l’audition ou qui sont carrément absents, qui introduisent des lettres standard sans explication en guise de recours…« On a même vu des avocats venir faire leur marché dans les centres fermés, aider un demandeur d’asile pro deo et en profiter pour distribuer des cartes de visite pourson cabinet privé », s’indigne-t-il ! (Lire aussi Alter Echos n° 282 du 9 octobre 2009 : « Avocats et sans-papiers, pour le pire et lemeilleur »).

Quelques pistes

La recherche-action de l’ADDE recommande notamment :
• Aux structures d’accueil, de donner le temps aux travailleurs sociaux d’accomplir leur mission
• Au monde associatif, de systématiser les lieux d’échange et de formation
• Au monde juridique, d’organiser des modules de formation permanente
• Au CGRA, de mettre en place une procédure de plainte, d’enregistrer les auditions
• A l’Office des étrangers, de prévoir un accès à une assistance juridique dès l’introduction de la demande.

Cette dernière recommandation a particulièrement retenu l’attention de Jean-Marc Picard, président du BAJ Bruxelles : « Dans les procédures àrépétition comme l’asile, la première audition est très importante. Il serait nécessaire et normal que les avocats puissent assister leurs clients à l’Officedes étrangers ». Et non uniquement à l’audition du CGRA (comme c’est le cas actuellement).

Une aide sous-financée

Face aux critiques, Jean-Marc Picard, président du Bureau d’aide juridique (BAJ) de Bruxelles, a rappelé que les avocats qui collaborent à ce service, anciennementappelé pro deo, font l’objet d’un contrôle strict. Chaque dossier clos est examiné par le BAJ, qui peut décider de diminuer leur salaire si certains critères ne sontpas satisfaits.

Pour le président du BAJ, le problème est le sous-financement général de l’aide juridique gratuite. Avec la transposition des réglementations européennes,la matière est devenue de plus en plus complexe et préparer une audition dans le cadre d’une procédure d’asile prend du temps. « Il faut se renseigner sur le pays,créer un climat de confiance avec celui qui a traversé la moitié du monde », souligne-t-il. D’autant plus que les demandeurs d’asile fuyant des régimestotalitaires font souvent preuve d’une méfiance compréhensible vis-à-vis des institutions.

Pour Jean-Marc Picard, les rémunérations accordées par le BAJ sont largement insuffisantes pour couvrir un travail de qualité : une demande derégularisation (type 9 bis) rapporte 250 euros bruts à l’avocat. De cette somme, il doit déduire ses cotisations sociales mais aussi les frais inhérents au fonctionnementd’un bureau d’avocats (location des locaux, secrétariat, envoi de recommandés, abonnement aux revues juridiques, déplacements…). « Dans un quart des cas, les avocats sontdéficitaires sur ces dossiers », estime Jean-Marc Picard, désespéré de voir des spécialistes compétents lui écrire pour réduireleurs activités au BAJ.

Avocats et travailleurs sociaux

Lors du séminaire de l’ADDE, le manque de collaboration entre travailleurs sociaux et avocats a également été pointé du doigt. Côté flamand, leVluchtelingenwerk2 est venu présenter une initiative originale pour pallier ce problème. « Les travailleurs sociaux et les avocats ne connaissent pas toujours lerôle de l’autre. On se retrouve dans des situations absurdes où l’assistant social pense que l’avocat s’est chargé d’une démarche, où l’avocat pense que c’est letravailleur social qui l’a faite et au bout du compte personne ne s’en est occupé », remarque Jennifer Addae, coordinatrice du projet Juridische bijstand aan asielzoekers. Ceréseau régional permet aux travailleurs sociaux et aux spécialistes du droit de se rencontrer. Des réunions sont organisées autour de thèmes comme la crisede l’accueil, le règlement de Dublin… Un site vient renforcer la démarche. L’exemple à suivre ?

1. ADDE :
– adresse : rue du Boulet, 22 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 227 42 42
– courriel : mariella.simioni@adde.be
– site : www.adde.be
2. www.vluchtelingenwerk.be

Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

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