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Intérim et insertion : comment se rapprocher sans se brûler les ailes ?

Depuis 2000 déjà, le secteur de l’insertion socioprofessionnelle et l’intérim (ISP) dialoguent et collaborent. Officiellement, en 2002 via le projet Coach Interim,ensuite en 2005 avec le projet Trempl’Interim1. Une collaboration entre les deux secteurs, a priori contre nature, mais qui, au fil des années a su dépasser lesclivages et prendre sa vitesse de croisière sans toutefois éluder les débats qu’une telle collaboration n’a pas manqué de susciter dans le secteur del’ISP. Ce 27 novembre, un séminaire intitulé « L’intérim : un tremplin vers l’emploi pour les publics en insertion » rassemblait à Namur lesdifférents partenaires, l’occasion de dresser un premier bilan.

14-12-2007 Alter Échos n° 242

Depuis 2000 déjà, le secteur de l’insertion socioprofessionnelle et l’intérim (ISP) dialoguent et collaborent. Officiellement, en 2002 via le projet Coach Interim,ensuite en 2005 avec le projet Trempl’Interim1. Une collaboration entre les deux secteurs, a priori contre nature, mais qui, au fil des années a su dépasser lesclivages et prendre sa vitesse de croisière sans toutefois éluder les débats qu’une telle collaboration n’a pas manqué de susciter dans le secteur del’ISP. Ce 27 novembre, un séminaire intitulé « L’intérim : un tremplin vers l’emploi pour les publics en insertion » rassemblait à Namur lesdifférents partenaires, l’occasion de dresser un premier bilan.

Plus que quatre mois et le projet Trempl’Interim touchera à sa fin, un terme prévu pour avril 2008 même si les protagonistes espèrent bien êtreréélus pour la prochaine programmation 2008 des projets Equal. En attendant, l’heure est à l’évaluation, notamment en rassemblant les différentspartenaires ce 27 novembre pour une matinée de réflexion.

Le projet

Trempl’Interim s’inscrit dans la continuité du projet Coach Interim démarré en 2002 (cf. Alter Échos n°166). Un premier tour de chauffe qui avaitpermis de déconstruire les stéréotypes liés aux deux secteurs, de s’apprivoiser mutuellement, de créer des outils spécifiques et de conclure lespremières missions intérimaires. Forts de cette première tentative, les deux secteurs se montrent enthousiastes pour prolonger l’expérience partenariale et undeuxième projet Equal voit le jour en 2005 sous le nom de Trempl’Intérim. Soutenu par le Fonds social européen (FSE) et la Région wallonne pour une période de3 ans (d’avril 2005 à avril 2008), il vise comme Coach Intérim à accroître l’issue vers l’emploi des stagiaires peu qualifiés en utilisantl’intérim comme emploi tremplin. Ces stagiaires sortent d’une formation dans un centre d’insertion socioprofessionnelle : une entreprise de formation par le travail (EFT enRégion wallonne), un organisme d’insertion socioprofessionnelle (OISP) ou encore un atelier de formation par le travail (AFT à Bruxelles). Pour y arriver, les centres de formationdéveloppent des collaborations avec les agences d’intérim locales. Ces collaborations permettent :

1. d’orienter les stagiaires vers les agences adéquates;
2. d’introduire les candidatures de leurs stagiaires auprès des agences;
3. d’avoir un feed-back de l’agence lors d’une inscription ou d’une mise à l’emploi;
4. d’accompagner ceux qui le souhaitent après la formation, pendant et entre les missions intérimaires jusqu’à ce qu’ils obtiennent un contrat àdurée déterminée ou indéterminée.

Trempl’Interim est mis en œuvre et coordonné par l’ACFI en collaboration avec les autres fédérations d’insertion socioprofessionnelle enCommunauté française (Aleap, AID et CAIPS), le Forem, le Fonds de formation pour les intérimaires (FFI) et Federgon, la fédération qui représente le secteurde l’intérim en Belgique.

Excepté pour le Forem, les partenaires sont les mêmes que pour le projet Coach Interim mais, si la finalité reste de favoriser l’accès à l’emploi despersonnes issues de l’ISP par le biais de l’intérim, ce deuxième projet prétend atteindre des résultats probants de mises à l’emploi etdéveloppe une méthodologie de travail qui respecte les particularités du public de l’ISP tout en rencontrant les exigences du marché de l’intérim. Lespartenariats locaux se développent sur la base d’un diagnostic mutuel et le projet prend sa vitesse de croisière. Les conseillères en insertion des centres de formation etles consultantes des agences établissent des collaborations effectives et des modes de fonctionnement de plus en plus structurés.

À la demande des centres liégeois engagés dans le projet, un Réseau d’insertion local (RIL) est mis en place. Il rassemble les agents/conseillers en insertion (oujobcoaches) des centres de formation et les consultants intérimaires. Le RIL permet l’optimalisation de la transmission d’offres et de demandes d’emploi. Quand un stagiaire est prêtà l’emploi, son profil est diffusé à l’ensemble des agences. Quand une agence recherche un candidat, elle diffuse l’offre à l’ensemble des centres. Les participants serencontrent trimestriellement et créent des documents de travail commun. Par exemple : une fiche de présentation du candidat, une fiche de débriefing de mission.

Autre type de collaboration : lors d’une journée d’échange d’expériences et de pratiques de collaborations avec le secteur intérimaire, les fédérationsont commencé à récolter les bonnes pratiques de collaborations mises en place par les centres et les agences au niveau local et les ont mutualisées en vue de larédaction d’un guide des bonnes pratiques.

Les résultats 2005-2007

Maribel Droesbeke, directrice de l’Acfi-Fias, a donné quelques chiffres indicatifs lors du séminaire du 27 novembre :

• 15 centres de formation impliqués à Bruxelles et en Wallonie
• 1 500 stagiaires sensibilisés
• 375 stagiaires inscrits en agences intérim
• Plus de 150 stagiaires travailleurs intérimaires
• Taux d’insertion des stagiaires inscrits = 50% et pour les non inscrits = 15%
• Insertions suite à des missions : 53% (1/3 de contrats CDD et 2/3 de contrats CDI).

Témoignages

Daniel Joris, responsable qualité de l’entreprise Eloy et fils2 spécialisée dans le génie civil, le traitement des eaux, le mobilier urbain, lebéton et la préfabrication, témoigne de son expérience dans le dispositif. « En tant qu’employeur, je peux vous dire qu’en général unepersonne qu’on emabuche sur dix reste dans l’entreprise. Ici, j’ai fait appel à l’intérim pour externaliser la sélection. Les deux personnes issues de l’EFTCreasol et proposées par l’agence d’intérim sont restées et sont actuellement sous CDI. Elles n’avaient pas seulement un profil mais aussi un métier. Jesuis sûr d’ailleurs que l’une des deux personnes engagées deviendra contre-maître. C’est tout bénéfice pour nous. »

Chez Creasol, entreprise de formation par le travail liégeoise3 – active dans le secteur des aides ménagères, de la couture, de l’horeca, dubâtiment et services–, on se montre également satisfaits de la collaboration dans le cadre de Trempl’Intérim. Pascale De Prins, jobcoach, accompagne les stagiairesaprès leur formation p
endant une période variant de six mois à un an. « Nous avons eu pas mal de Thaïlandaises en formation durant 18 mois chez nous, raconte lajobcoach. Elles étaient pour la plupart issues d’ateliers clandestins. Il a fallu leur apprendre le français, s’occuper de l’obtention de leur permis de séjour.Certaines ont pu trouver du boulot via le projet Trempl’Interim. Mais il faut aussi constater des échecs, pas toujours dus à la personne ou à l’inadéquationavec l’emploi proposé mais bien dus aux pièges à l’emploi, qui ne sont pas rares, en particulier pour les femmes avec enfants. »

Dans la salle, l’écueil du sacro-saint certificat de bonne vie et mœurs est soulevé. Beaucoup d’agences intérim le réclament, or, certains stagiairessortent de prison et ne peuvent donc le fournir. Un problème soulevé et résolu au sein du réseau entre les centres de formation et les agences d’intérim quidésormais, disent-elles, travaillent en confiance avec les centres de formation et ne réclament plus le certificat.

Quant au taux d’insertion à la suite de missions, il est encourageant, sans toutefois crier victoire : 53 %, dont un tiers de CDD d’une durée variant de 4 à 5 mois etdeux tiers de CDI (cf. chiffres de l’encadré). Reste que l’intérim demande aux candidats de faire preuve de disponibilité, de mobilité, de flexibilitéet d’adaptabilité, ce qui opère d’emblée une sélection parmi les stagiaires et ne manque pas de faire débat au sein des différentesfédérations.

Les syndicats circonspects, pour le moins…

Parmi les intervenants au séminaire, les syndicats. La FGTB et la CSC étaient représentées. Ici, l’enthousiasme affiché par les autres acteurs n’estclairement pas de mise. Ainsi pour Anne-Marie Robert, conseillère au service d’études de la FGTB wallonne4, l’intérim doit se limiter, tel que c’estinscrit dans la loi sur l’intérim, à du travail temporaire. Même son de cloche chez Marc Becker, secrétaire national de la CSC5 : « Le discoursdominant tend à faire croire que l’intérim est devenu le passage obligé pour l’emploi. Nous ne sommes pas d’accord avec cela. »

Anne-Marie Robert nuance toutefois en estimant qu’il est très positif que les deux secteurs, celui de l’ISP et de l’intérim, se parlent. « Mais il serait bienque ce parcours très individualisé avec un coach, une méthodologie et un référent soit généralisable à tous. Or, on sait qu’une telleindividualisation de l’accompagnement est impossible d’un point de vue financier. » Et d’ajouter : « Vous parlez de triangulation entre le centre de formation,l’agence d’intérim et le stagiaire mais moi, je parlerais plutôt de ‘quadrangulation’, en rajoutant l’employeur. Celui-ci remplace la périoded’essai traditionnelle en ayant recours à l’intérim et n’assume pas ses responsabilités d’employeur. Il est d’ailleurs frappant de constaterqu’une série de missions qui incombaient auparavant à l’employeur sont maintenant dévolues au secteur de l’intérim. »

Marc Becker de la CSC opine et rajoute : « La dynamique présente ici, c’est-à-dire de lier la formation à l’emploi, peut constituer un premier pied dansl’étrier nous ne le nions pas, mais dans les recommandations à formuler, je responsabiliserais davantage les employeurs pour qu’ils poursuivent l’accompagnement unefois la mission du jobcoach terminée et qu’ils organisent de la formation continuée. »

« Une lasagne déjà bien épaisse… »

Le ministre wallon de l’Économie et de l’Emploi, Jean-Claude Marcourt (PS)6, également invité, a ménagé la chèvre et le chou.S’il reconnaît le travail effectué dans le cadre de ce projet particulier de remise à l’emploi : « aucune création d’emploi n’est àdédaigner », il reste attentif aux critiques formulées par les syndicats : « Je pense que l’externalisation de la présélection telle qu’elle estactuellement confiée au secteur de l’intérim est un vrai débat qui se pose aux partenaires sociaux. Je ne trancherai pas, mais il est pour moi important de ne pasmultiplier les possibilités d’accès à l’emploi, le système devient alors trop complexe et perd en lisibilité. Ne rajoutons pas des couches à lalasagne déjà bien épaisse. Si ce dispositif est efficace, d’accord mais supprimons alors autre chose. La morcellisation est un handicap, la spécialisation peut êtreun avantage. Il faut évaluer. Je ne suis pas en état de dire aujourd’hui s’il faut ou pas généraliser l’expérience. Il ne faut pas perdre de vuenon plus que via ce dispositif, les EFT et OISP adoptent une mission qui, jusqu’ici ne leur était pas dévolue, celle de placeurs. Est-ce que tout le monde est d’accord aveccette mutation ? À voir… Quant à la suite donnée au projet, c’est un collège d’experts indépendants qui statuera sur les projets àdéposer au FSE en 2008. » Une autre manière de dire que la suite n’est pas de son ressort.

Pour Dan Wendorf, coordinateur Aleap mais aussi représentant de l’Interfédé qui rassemble les différentes fédérations d’EFT et OISP : «Le pragmatisme ne balaie pas le débat idéologique qui ne manque pas de se poser au sein de nos structures. Le recours à l’intérim n’est pas sans poser dequestions. Mais notre position est de dire que si cette expérience peut créer des emplois durables, ne crachons pas dessus ! L’idéal serait évidemmentd’élargir cette expérience, ne fût-ce qu’à un quart des stagiaires EFT-OISP, soit environ 5 000 personnes. Quant aux syndicats, nous entendons bien leurscritiques mais ils auraient pu participer aux débats avec nous s’ils avaient répondu à nos invitations. Ils ont été conviés en 2002 déjà,mais après les premières réunions, ils ont brillé par leur absence tout comme les employeurs d’ailleurs.»

Du côté de Federgon7, on se félicite de la collaboration : « Pour la première fois, nous décloisonnons les secteurs, nous dialoguons et en sus,nous créons de l’emploi durable », s’enthousiasme Arnaud Legrelle, directeur Wallonie-Bruxelles de Federgon. Titillé par Christophe Deborsu, modérateur de lamatinée, qui l’interpelle sur le fait que les sociétés d’intérim profitent de l’argent public pour obtenir des personnes prêtes àl’emploi tout en se forgeant une image sympa auprès du public
, Arnaud Legrelle, tente de se défendre et plaide sans surprise pour un élargissement du projet : « Nousne le faisons pas pour l’image sympa. L’image de l’intérim a par ailleurs beaucoup changé ces dernières années, nous investissonsénormément par exemple, dans la formation. Il y a évidemment un attrait pour un projet qui fournit des personnes qualifiées prêtes à l’emploi mais nousne faisons pas cela qu’avec le secteur de l’ISP, d’autres secteurs sont également concernés. Il serait évidemment intéressant pour nous degénéraliser cette expérience, car avec 150 personnes dans le dispositif pour 2007 et sensiblement la même chose en 2006, cela reste pour le moment un projet pilote.»

1. Trempl’interim :
contact :
– adresse : chaussée de Boendael, 6 bte 14 à 1050 Bruxelles
– courriel : nathalie.heusquin@acfi.be ou
Jean Paul Pirson, rue Malherbe, 18 à 4400 Flemalle
– tél. : 04 337 89 64
– site : www.tremplinterim.be

2. Eloy et fils s.a. :
– adresse : Zoning de Damré à 4140 Sprimont
– tél. : 04 382 34 44
– courriel : info@eloy.be
– site : www.eloy-fils.be
3. EFT Creasol :
– adresse : rue de Steppes, 20 à 4000 Liège
– tél. : 04 227 72 03
– courriel : creasol@creasol.be
– site : www.creasol.be
4. Cepag :
– adresse : av. Gouverneur Bovesse, 117, bte 10 à 5100 Jambes
– tél. : 081 32 38 80
– courriel : cepag@cepag.be
– site : www.cepag.be
5. CSC :
– adresse : chaussée de Haecht 579 à 1030 Bruxelles
– tél. : 02 246 31 11
– site : www.csc-en-ligne.be/
6. Cabinet Marcourt :
– adresse : place des Célestines, 1 à 5000 Namur
– tél. : 081 23 41 11
– courriel : info@marcourt.gov.wallonie.be
– site : http://marcourt.wallonie.be
7. Federgon :
– adresse : site de Tour & Taxis, av. du Port 86 C bte 302 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 203 38 03
– courriel : info@federgon.be
– site : www.federgon.be

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