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Regard critique · Justice sociale

Vu de Flandre

Les bambins flamands inégaux face à la crèche

Malgré des investissement importants, en Région flamande, la carte de la pénurie de crèches recouvre celle de la pauvreté.

Globalement, l’accueil des enfants en Région flamande se porte bien. Mais localement, la situation est parfois plus critique. La carte de la pénurie de places recouvre alors celle de la pauvreté.

La norme de Barcelone (élaborée dans cette ville en 2002 lors d’un Conseil européen) établit que la Flandre doit disposer de 33 places d’accueil par tranche de 100 enfants en âge d’être accueillis. Fin 2012, il y avait, selon Kind en gezin, l’équivalent flamand de l’ONE, 211 000 enfants âgés de moins de trois ans en Communauté flamande et 88 000 places disponibles pour les accueillir, soit un taux de 41 %. Malgré la crise, le gouvernement flamand a déjà investi cent millions d’euros supplémentaires dans l’accueil depuis le début de la législature en 2009. Tout irait pour le mieux ? Eh bien non, car selon les chiffres fournis par le ministre flamand de l’Aide sociale, Jo Vandeurzen (CD&V), à la demande de Mieke Vogels (Groen), les différences sont considérables d’une ville à l’autre. Ainsi, Bruges arrive en tête avec 58,5 % et Anvers bonne dernière : 25,5 %.

Comment en est-on arrivé là ? La réponse est d’abord démographique. La natalité a explosé ces dernières années à Anvers, bien plus que les prévisions. 1 880 places (sur un total de 24 265) ont été créées depuis 2009 mais apparemment ce n’est pas suffisant. Si la municipalité a créé cinq crèches supplémentaires, elle l’a essentiellement fait dans la périphérie. Le manque d’espace en centre-ville y rend très difficile la création de nouvelles structures. Et la montée en flèche du prix des loyers a chassé plusieurs crèches indépendantes du centre vers la banlieue. Joris Ghysels, du Centrum voor sociaal beleid (UA), souligne aussi que le décret-cadre adopté l’année passée par le gouvernement flamand, et qui vise à mettre sur pied d’égalité les secteurs subventionné et non subventionné, attend encore ses arrêtés d’exécution. Le secteur privé, celui dont la croissance est la plus rapide, est donc toujours dans l’expectative.

Pauvreté et accueil à l’enfance

La carte de la pénurie de places recouvre celle de la pauvreté. À Bruges, un enfant sur quatorze naît dans une famille défavorisée. À Anvers, c’est un sur quatre. Selon Jan Peeters, directeur du Centre d’expertise Éducation et Accueil à l’enfance de l’UGent, ce sont précisément ces enfants-là qu’il est crucial d’intégrer tôt dans une structure d’accueil. « Un enfant de trois ans de la classe moyenne a un vocabulaire de 1 200 mots, un enfant du même âge des classes défavorisées 300. Ce genre de retard peut seulement être évité en allant le plus tôt possible en structure d’accueil, autrement cela devient impossible. » Il se réfère à une enquête britannique qui a suivi une série d’enfants depuis leur plus jeune âge jusqu’à leurs 13 ans. Cette étude a mis en relief de grandes différences, en ce qui concerne les enfants de milieux défavorisés, entre ceux qui avaient séjourné en crèche et les autres. Pour le sociologue Dimitri Mortelmans (UA), multiplier le nombre de places ne résoudra toutefois rien, « parce que ce sont précisément les plus défavorisés qui font le moins appel aux structures d’accueil. Souvent, ils n’en ont pas les moyens ».

La pénurie de places freine aussi l’émancipation des femmes. Faute de crèche, c’est en général la mère qui renoncera à travailler. « Grosso modo, en Belgique, la participation des femmes au marché du travail a augmenté proportionnellement au nombre de places d’accueil. Jusque dans les années ’80, les mères restaient à la maison dans 70 à 75 % des familles. Mais, dans les années ’90, une politique très active a été menée pour promouvoir les « nouveaux pères » et, depuis, il est largement admis en Belgique que les enfants aillent à la crèche. Aux Pays-Bas, par exemple, ce n’est pas le cas. Là, la mentalité dominante reste que les mères sont mieux à la maison », observe Dimitri Mortelmans. Pour lui, « nous ne nous débrouillons pas encore si mal en Belgique. L’accueil à l’enfance est financièrement bien plus abordable chez nous qu’en Espagne ou en Italie. Et en Allemagne, les heures d’accueil sont si strictes que les femmes doivent souvent se contenter d’emplois d’appoint ».

Revue de presse réalisée d’après De Morgen et De Standaard.

Pierre Gilissen

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