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Regard critique · Justice sociale

Santé mentale et logement : sortir des murs

L’offre de logement de long terme fait défaut pour les personnes en souffrance mentale. Des acteurs français et wallons tracent des pistes pour augmenter et varier lespossibilités d’habitat.

07-03-2011 Alter Échos n° 311

En matière de précarité et de santé mentale, la question du logement est un enjeu particulièrement crucial. Au point que les partenaires1 dusous-programme Interreg IV2 France-Wallonie en ont fait un de leurs trois axes de réflexion pour l’année 2010 qui s’est clôturée par un colloquetransfrontalier le 30 novembre dernier à Lille.

Les participants, professionnels du travail social et de l’accompagnement psycho-social, ont dégagé trois constats communs à leurs territoires respectifs.

D’abord, il semble qu’en raison de leur relative autonomie des personnes n’ont souvent pas accès aux soins de santé et à l’accompagnement socialminimum nécessaires pour elles.
Ensuite, il y a un manque de dispositifs permettant aux personnes de rester dans leur logement alors que leur état s’améliore. « La notion de continuité dans lesdispositifs existe peu ! », déplorent les partenaires. Enfin, les personnes « stabilisées », avec peu de besoins en soins et en aide, recherchent unhabitat où rester, vivre, s’ancrer dans un environnement épanouissant. Or si l’offre de logement temporaire existe, il y a trop peu de possibilités d’habitatà long terme.

Un livre blanc

Ces constats ont poussé les partenaires à rédiger un Livre blanc, en marge des actes du colloque3. Bien qu’en phase de rédaction, Habitat etParticipation, chef de file de ce projet transfrontalier, a accepté de le commenter pour nous.

Intitulé « L’Accompagnement social en matière de logement des personnes en souffrance mentale », ce Livre blanc prend acte de la fin du WelfareState : « les personnes ayant besoin d’aide sociale ne sont plus à considérer comme les « bénéficaires » d’une quelconque manne céleste demoyens illimités», posent ses auteurs.

Est-ce à dire, au regard des constats précédemment dégagés, qu’il va falloir développer une offre plus variée de logements avec autant– voire moins – de moyens ? « Non, répond Pascale Thys, directrice d’Habitat et Participation. L’objectif est plutôt de proposer deré-orienter les moyens existants vers des dispositifs mieux adaptés aux personnes. »

La nouvelle approche préconisée par les partenaires repose sur deux axes : la désinstitutionnalisation d’une part et la valorisation des potentialités del’environnement social des personnes en souffrance mentale d’autre part.

Parmi les évolutions concrètes, la création d’un poste de référent médico-social. « Les travailleurs des deux secteurs se sont renducompte que c’est un métier à part entière que d’offrir un accompagnement à l’interface du médical et du social », souligne PascaleThys. Il s’agit d’aider les personnes en souffrance mentale tant à sortir des murs de l’institution psychiatrique qu’à établir des liens avec lespersonnes de leur nouveau logement, voire à aider leurs familles à les assister « convenablement ». Autre évolution souhaitée : permettre unedurée d’habitat « à la carte », en fonction de l’évolution de chaque personne.

Un impossible rêve ?

Idéalement, il s’agirait de développer une offre de logement de long terme qui associe peu ou prou voisinage, co-habitants voire membres de la famille, s’autorisentà rêver les auteurs du Livre blanc. Une forme de psychiatrie citoyenne, sur le modèle des Invités au festin ? Dans cette communauté, thérapeute,personnes en souffrance mentale et personnes « normales» cohabitent au quotidien. « Cette expérience française n’est pas modélisable ettransférable comme telle, explique Pascale Thys. Denis Bouillon, qui vit et travaille là, est contactable 24h/24h et 7 jours sur 7. Impensable de systématiser un tel engagementprofessionnel. Par contre, quelques initiatives similaires existent chez nous, mais faute de rentrer dans les catégories sectorielles existantes, elles n’obtiennent aucun soutien. Ilfaudrait pouvoir aborder les phénomènes de façon plus globale. »

Du côté wallon, on sera attentif à l’accueil que réserveront les deux ministères concernés, Action sociale et Logement, associéssystématiquement aux réflexions du projet transfrontalier.

1. Habitat et Participation asbl et Relogeas asbl côté wallon, PACT Métropole Nord et l’Association régionale d’étude et d’action socialeauprès des gens du voyage côté français.
2. Le Programme Interreg IV France-Wallonie-Vlaanderen est un programme européen de coopération transfrontalière d’échanges économiques et sociaux entre lesrégions. Depuis 2004, un partenariat Interreg franco-belge réunit dans un dialogue transfrontalier les acteurs de l’accompagnement social en matière de logement.

3. Les versions évolutives des Actes sont disponibles le site du projet : www.accompagnement-social.eu

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