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Regard critique · Justice sociale
© Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés

500 migrants vivent et dorment au parc Maximilien et à ses environs. La police de Bruxelles y a fait, cet été, des interventions remarquées, ponctuées d’arrestations. Des associations dénoncent une forme de harcèlement afin d’éviter que Bruxelles ne devienne le «nouveau Calais». Reportage et réactions de la police, de l’Office des étrangers et des associations.

Quelques groupes d’hommes dorment dans des sacs de couchage, à même le sol. Ils sont une petite centaine. Certains ont étendu de longs cartons qui font office de matelas. D’autres sortent timidement la tête et s’extirpent de leur abri précaire.

C’est le matin, au parc Maximilien. La lumière du jour est déjà bien présente. Des migrants se réveillent, ils utilisent la fontaine à eau pour une toilette sommaire. Plusieurs groupes quittent rapidement le parc. «On approche de sept heures du matin», explique Aymen. Ce jeune érythréen de 25 ans a quitté son pays il y a plus de trois ans pour gagner l’Angleterre. «C’est l’heure à laquelle les policiers arrivent d’habitude. Alors ils veulent les éviter.»

Le parc est moins fréquenté à l’aurore. «Certains de mes amis partent d’ici vers 5 heures du matin pour dormir à la gare du nord ou aux alentours, pour éviter la police qui passe souvent vers sept heures», raconte Fatih, migrant soudanais aux cheveux grisonnants.

Il commence à se confier et déplore l’absence de douches dans le quartier. Mais tout à coup sa voix s’éteint. Fatih est aux aguets. Il observe du coin de l’oeil trois policières qui traversent le parc et passent à côté de lui sans mot dire.

«Quand ils ne sont que quelques-uns, ce sont de simples contrôles du parc, nous explique-t-il, mais c’est curieux, tout ça nous fait sentir coupable, nous fait sentir mal, surtout quand ils débarquent nombreux et arrêtent des gens, comme si on avait fait quelque chose de mal.»

Fatih fait référence à la dernière opération d’envergue menée lundi 21 août par la police locale, en coopération avec l’Office des étrangers. Vers sept heures du matin, 25 policiers sont arrivés dans le parc pour l’occasion et ont demandé aux gens de quitter le parc. «Ils n’ont pas demandé, rectifie Fatih, ils nous criaient dessus et sont arrivés des deux côtés du parc. Beaucoup d’entre nous sont partis en courant et ont laissé des affaires.»

Pour certaines associations, ces interventions récurrentes sont une plaie. Médecins du Monde fait des maraudes deux fois par semaine au parc Maximilien. Ces actions policières ne leur facilitent pas la tâche. Stéphane Heymans, directeur des opérations chez MDM, pense que l’ «on assiste à une forme de harcèlement, avec des destructions de bien, ce qui accentue notre difficulté à créer un lien avec cette population».

Lundi matin, des sacs de couchage étaient laissés à l’abandon, à même le sol. Les migrants ont préféré déguerpir, de peur d’être arrêtés. L’affaire a fait grand bruit. Car les 487 sacs de couchages avaient été achetés, grâce à des dons, par la Plateforme de soutien aux réfugiés de Bruxelles. Et tous les sacs laissés par terre ont été jetés au passage de Bruxelles-propreté. «En tant que citoyen qui a aidé à acheter ces sacs, ça fait mal, explique un bénévole de la plateforme. Pour moi, cette opération policière était une forme de représailles à la distribution de sacs de couchage. Ils ne veulent pas que les gens s’installent, alors ils les réveillent et font des descentes musclées.» «On aimerait que ce type d’opération ne se reproduise pas, précise Mehdi Kassou, lui aussi de la plateforme citoyenne. C’est un peu dommage de croire qu’on résoudra le problème de cette manière en déplaçant les gens.»

Deux types d’interventions policières

Les interventions policières, menées sous l’égide de la police locale, prennent deux formes. Il y a celles, quotidiennes, qui visent à «vérifier la situation en termes de salubrité», explique Olivier Slot, porte-parole de la zone de police de Bruxelles. «Car la salubrité et la tranquillité font partie intégrante de nos missions», rappelle-t-il. «Il y a souvent des plaintes des populations locales, des habitants. Par exemple pour l’accès à la plaine de jeux, et concernant la propreté du lieu», précise Christine Van Riet, elle aussi de la police de Bruxelles. Lors de ce travail quotidien, il peut être décidé de faire place nette, pour permettre le nettoyage, nous dit-on. «Mais la nuit nous les laissons dormir, assure Christine Van Riet. Quand les migrants voient la police arriver, ils se mettent à courir et laissent leurs sacs qui sont ensuite amenés à la déchetterie.»

L’autre type d’interventions policières au parc Maximilien se fait en lien avec l’Office des étrangers, la police fédérale et la commune de Bruxelles. Des opérations d’envergure lors desquelles de nombreux policiers interviennent et procèdent à des arrestations. Lundi dernier, 30 personnes ont été arrêtées, et huit conduites en centre fermés, principalement des soudanais. «Nous sommes aussi là pour expliquer aux gens leurs possibilités de séjour, la possibilité de demander l’asile, souligne Dominique Ernould, porte-parole de l’Office des étrangers. Mais ils ne le souhaitent pas et presque tous veulent aller au Royaume-Uni.»

Qui décide de lancer ces grosses opérations policières? La réponse n’est pas claire. Selon Olivier Slot, de la police de Bruxelles, «cela se décide en concertation avec l’Office des étrangers et notre autorité, le bourgmestre de Bruxelles». Mais à l’Office des étrangers, Dominique Ernould se fait plus précise: «La première opération à laquelle l’Office des étrangers a participé au parc Maximilien a eu lieu le 9 juin à la demande du bourgmestre. Il y en a eu 9 en tout. Elles conduisent généralement à des arrestations.» Du côté du cabinet de Philippe Close, on botte en touche. «Demandez plutôt à la police locale», nous dit-on en rappelant que c’est au cabinet de Théo Francken de prendre ses responsabilités dans ce dossier.

Pour éviter que les opérations policières ne génèrent de nouvelles frictions par médias interposés, une rencontre entre police locale et associations a été organisée mardi soir, en présence des autorités communales. L’heure est donc à l’apaisement. «Une réunion très constructive», jure Wafaa Hammich, attachée de presse du bourgmestre de Bruxelles. Une rencontre qui aura surtout permis une «prise de contact», avec peu de décisions concrètes. «Il a été quand même décidé de leur laisser les sacs de couchage», affirme Christine Van Riet.

Malgré cette présence policière, les migrants continuent d’affluer en nombre au parc Maximilien. Ils sont plus de 500 à s’y installer en journée. Les associations demandent désespérément qu’un centre d’accueil et d’orientation soit ouvert. Mais cela traîne. Car les autorités – à commencer par Théo Francken – craignent par dessus tout que Bruxelles ne devienne le nouveau lieu de fixation des migrants en transit vers le Royaume-uni. «C’est vrai que personne ne souhaite que Bruxelles ne devienne un deuxième Calais», confirme-t-on à la police de Bruxelles.

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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