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Environnement

Mini Bruxsel’Air : nouvelles sentinelles pour mesurer l’air à Bruxelles

29-05-2018
© François Corbiau

Après les ExpAir, les Bruxsel’Air,… voici venu le temps des mini-Bruxsel’Air. Dernier né de ces groupes de citoyens qui mesurent la qualité de l’air dans les rues de Bruxelles, ses membres arpentent quotidiennement le pavé bruxellois munis de leurs appareils de mesure. L’objectif: se faire une idée plus précise de l’exposition des Bruxellois aux particules fines.

Quels sont les hauts-lieux de la pollution dans la capitale? À quels moments de la journée sommes-nous les plus exposés aux particules fines? Sommes-nous tous exposés de la même façon? Toutes ces questions, les participants au mini-Bruxsel’Air tentent d’y apporter des réponses chiffrées en mesurant l’air respiré dans leurs gestes du quotidien pour avoir une meilleure compréhension des phénomènes de pollution dans la capitale.

Dans une salle du Elzenhof à Ixelles, ils sont cinq autour de la table à examiner les appareils et les données récoltées par les uns et les autres. Un jeudi par mois, ils se retrouvent pour échanger les appareils de mesures et… leurs expériences. «En quinze jours, j’ai fait plein de relevés, explique Arnaud, un des membres actifs du groupe qui se réunit depuis novembre 2017. Chaque fois que j’avais l’impression que l’air était pollué, ça se confirmait dans les résultats.» À ses côtés, il y a aussi Katia qui a troqué sa voiture il y a deux ans contre un vélo. Elle regrette que les Bruxellois ne réagissent pas plus face à la mauvaise qualité de l’air. «Je ne comprends pas. Il y a une forme de détachement et de déni.»

Affiner les données

«Sur une quinzaine de participants, il y a toujours un noyau dur de 4 à 5 personnes», explique Nicola da Schio, chercheur à la VUB qui encadre le groupe et la dynamique. «Le mini-Bruxsel’Air fait partie d’un ensemble de 7 groupes composés de citoyens coordonnés par le centre Cosmopolis d’études urbaines de la VUB et le BRAL .» Chaque participant s’engage à emporter dans ses déplacements les fameux «Airbeams», ces petits appareils portatifs qui mesurent la présence des particules fines et enregistrent toutes les données. «Ce modèle d’appareil mesure les particules fines 2.5. Elles sont considérées comme très nocives pour la santé», précise Nicolas Da Schio.

En se basant sur les profils qui composent le groupe, le chercheur a identifié différents critères tels que le statut professionnel (avec le ou les lieux de travail, le trajet domicile-travail…), les moyens de transports privilégiés (voiture, vélo, transports en commun, marche, multimodal…), la situation géographique (voisinage, accessibilité en transport) ainsi que la présence ou non de sources de pollution à proximité.

«La plupart des personnes passent la majeure partie de leur temps à l’extérieur de chez elles, explique le chercheur. Utiliser des données de la pollution à leur domicile pour évaluer la manière dont elles sont exposées n’est pas suffisant. Il faut affiner les données.» Il faut prendre en compte la localisation, la période de la journée et l’environnement proche pour avoir une image plus fidèle du type d’exposition que subit une personne au quotidien.

Premiers constats

Les mesures étant encore en cours, il est trop tôt pour en tirer des conclusions. Mais les premières tendances se dessinent. Nicola Da Schio nous les livre, à chaud. «Les données laissent à penser par exemple que cela ne sert à rien de choisir un itinéraire bis. La pollution se retrouve partout en ville: pour les particules fines 2.5  il n’y a pas de véritables différences entre le boulevard Général Jacques à l’heure de pointe et les petites ruelles aux alentours à la même heure, constate Nicola Da Schio. La variation spatiale ne semble avoir que peu d’influence sur les résultats.» En clair, personne n’y échappe.

Autre constatation: ce n’est pas parce qu’on vit à la campagne qu’on est préservé des particules fines. «Les résultats montrent que quelqu’un qui vit en dehors de Bruxelles mais qui doit faire une heure de voiture pour aller travailler dans la capitale peut être plus exposé aux particules fines que quelqu’un qui vit à Rogier et qui travaille dans les environs.» Nicola Da Schio rappelle que tous ces résultats doivent encore être confirmés en approfondissant l’analyse des profils. «Mais à ce stade, tous ces éléments sont déjà utiles car ils viennent confirmer de manière empirique ce qui a déjà été modélisé, insiste le chercheur. C’est le caractère incrémental de la recherche.»

9 personnes sur 10 respirent de l’air pollué

Il n’y a pas que les Bruxellois qui s’en plaignent. Récemment encore, l’Organisation Mondiale de la Santé affirmait que plus de 90 % de la population mondiale respire un air ambiant pollué. Celui-ci serait responsable de 7 millions de décès chaque année dans le monde. «Neuf personnes sur dix respirent de l’air contenant des niveaux élevés de polluants», pointe l’agence des Nations unies. «La pollution de l’air nous menace tous», dit l’OMS en précisant que les personnes les plus pauvres et les plus marginalisées sont les plus touchées. Les données récoltées à Bruxelles par les citoyens devraient permettre d’avoir une idée plus précise de ce phénomène et des profils les plus exposés.

En savoir plus

Lire sur le même sujet «Souffle citoyen sur Molenbeek», Alter Échos n°464, mai 2018, Sandrine Warsztacki; ainsi que l’ensemble de notre dossier «Pollution, l’air de rien»Alter Échos n°464, mai 2018.

Francois Corbiau

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