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Les obstacles et les richesses de l'interculturalité

Une matinée d’échanges organisée par la Coordination laïque de l’action sociale et de la santé (Class)1 a mis en lumière nos relations avecdes personnes de nationalités, de genres, de classes sociales et de milieux professionnels contrastés.

06-11-2007 Alter Échos n° 239

Une matinée d’échanges organisée par la Coordination laïque de l’action sociale et de la santé (Class)1 a mis en lumière nos relations avecdes personnes de nationalités, de genres, de classes sociales et de milieux professionnels contrastés.

Par intrusions successives dans le champ d’action des intervenants (santé mentale, école, couple, AMO, hôpital, etc.) s’est brossé un tableau del’interculturalité, de ses apports et de ses difficultés.

Patrick Lejuste, psychologue et coordinateur du Foyer de l’Équipe asbl, accorde une place à la subjectivité et à l’altérité dans son travailavec ses « autres », les malades mentaux : « Il est important de redonner de l’importance au sujet particulier, de n’importe quelle origine. »

Dans la rencontre avec le soigné, il y a chaque fois repositionnement du soignant. « La rencontre avec un autre que moi me ramène toujours à moi et m’obligeà me demander qui je suis par rapport à l’autre », poursuit Patrick Lejuste. Et il énonce ce qui fera le lien entre tous les exposés : ne pas parler del’autre mais parler de soi par rapport à l’autre.

Pour Fouad Lahssaini, psychothérapeute au Centre Psycho-Belliard, qui traita de l’interculturalité dans le couple, « dans toute rencontre avec l’autre, dans touterelation interculturelle, il y a un renoncement à une partie de soi, il y a quelque chose que je perds ». Cette part de renoncement n’est pas évidente, il faut savoirà quoi renoncer pour pouvoir rencontrer l’autre. « Derrière l’homogamie, relève-t-il, il y a l’histoire personnelle. L’habitus est unevariable parmi d’autres ; ce qui joue un rôle, ce sont les trajectoires sociales. »

Dès l’école

Aujourd’hui, les migrations sont très diverses. « On a de plus en plus affaire à des situations et à des individualités composées de multiplesappartenances : pays d’origine différent, générations différentes, trajectoires de vie différentes, manières différentes de se positionner parrapport à son origine », constate Ababacar Ndaw, formateur à Bruxelles laïque. La multiappartenance est une richesse mais rend les choses plus difficiles pour chacund’entre nous : on ne sait jamais quelle partie d’identité décliner. Prenant l’exemple d’un enseignant qui étiquette ses élèves de «petits Marocains », Ababacar Ndaw voit dans ces termes la restriction à une seule des multiples différences entre le prof et ses pupilles : il est adulte et eux pas, il habite telquartier et eux un autre… « Il ne faut pas réduire l’autre à une seule caractéristique, convient-il. Elles sont multiples, pour tout le monde. »

Philippon Toussaint, directeur de l’AMO Dynamo asbl, illustre ces propos de son expérience pratique en camps avec des jeunes. « Comment, s’interroge-t-il à proposdu ramadan, ne pas le faire parmi des gens qui le font ? » C’est la question du compromis, ou de l’aménagement de temps différents qui n’entachent pas lesactivités communes.

À l’hôpital

Il arrive que la différence rende les soins médicaux difficiles. Jan Snacken, ethnopsychiatre au CHU Brugmann, rappelle qu’il y a des zones non négociables auxquelleschacun de nous tient, formant un noyau, qui sont radicalement autres et desquelles l’autre est exclu. « La manière de dire la souffrance par exemple, de donner des causesextérieures à la maladie plutôt que des origines internes, dit-il. Il faut savoir ces différences et mener ces personnes à accepter d’être mieuxsoignées. »

Daniella Antonova, médiatrice au service de médiation interculturelle du CHU Brugmann relativise quant à elle les variables culturelles qui, à ses yeux, sont moinsimportantes que les contextes. « Quelqu’un qui vient d’un pays en guerre, dit-elle, ce n’est pas tant sa culture qui est différente mais bien le fait qu’il vienned’un pays en guerre, contrairement à moi. »

C’est à la directrice du Centre bruxellois d’action interculturelle, Christine Kulakowski, qu’est revenu le dernier mot de ces échanges de pratiques. « Travailler sur lesrencontres possibles et pas sur les exclusions que les gens apportent parfois eux-mêmes », conclut-elle.
Dans chaque culture il y a des adaptations aux autres. Pour permettre la rencontre, il faut du temps, du travail et du respect.

1. Coordination laïque de l’action sociale et de la santé (Class) :
– adresse : av. de Stalingrad, 18-20 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 289 69 28
– courriel : class@laicite.be.

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