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Regard critique · Justice sociale

Soins de santé

Les mutuelles aux commandes

Le fonctionnement futur de l’assurance autonomie est une usine à gaz. D’une complexité inouïe, elle instaure un monopole de fait au profit des mutuelles. Encore un problème de bonne gouvernance?

Complexes, les rouages belges ?

Le fonctionnement futur de l’assurance autonomie est une usine à gaz. D’une complexité inouïe, elle instaure un monopole de fait au profit des mutuelles. Encore un problème de bonne gouvernance?

Aujourd’hui, quand une personne âgée demande une aide ou des soins à domicile, elle choisit un service d’aide aux familles et aux aînés (SAFA) qui va facturer une partie de la prestation au bénéficiaire et une partie à l’Agence pour une vie de qualité (AViQ). Dans la note de la ministre Alba Greoli sur l’assurance autonomie (AA), il faudra introduire la demande d’aide auprès de l’organisme assureur (OA), la mutuelle, qui vérifiera les conditions d’accès à l’assurance autonomie. L’organisme assureur va orienter le bénéficiaire vers un centre de coordination de soins et services à domicile (CCSSD). C’est lui qui évaluera l’ampleur de la dépendance et ouvrira un «compteur autonomie».

Les mutuelles cumuleront les rôles d’évaluateur, de contrôleur, d’acteur (dans un SAFA) et de payeur.

Ce CCSSD va ensuite diriger le bénéficiaire vers un SAFA. Le SAFA va demander le paiement des factures à l’organisme assureur et facturer la contribution au bénéficiaire. Vous suivez toujours? On continue. La cotisation à l’assurance autonomie, le budget de l’allocation forfaitaire autonomie, les budgets actuels des SAFA et des CCSSD seront gérés par une commission de l’AViQ qui conventionnera les organismes assureurs. Ceux-ci cumuleront huit fonctions: informer les bénéficiaires, organiser un CCSSD, organiser un SAFA, percevoir la cotisation assurance autonomie, contrôler l’évaluation de la dépendance faite par le CCSSD, ouvrir le compte autonomie du bénéficiaire, payer les avances mensuelles au SAFA et verser l’allocation assurance autonomie. Bref, les mutuelles vont jouer un rôle clé dans la gestion de l’assurance autonomie.

Un peu d’histoire…

Ici, un petit décryptage devient indispensable. Dans les années 90, les mutualités socialistes ont commencé à créer un système intégré. Avec une centrale de soins à domicile et des SAFA. Les autres ont suivi. Les mutualités chrétiennes ont absorbé la Croix jaune et blanche (soins infirmiers), créé un centre de coordination et repris les services d’aides familiales de Vie féminine. Il y a désormais quatre fédérations d’employeurs pour les SAFA, celles liées aux mutualités socialistes (FCSD), chrétiennes (FASD), celle de l’Union des villes et des communes, et la Fédération wallonne des services d’aide à domicile, la Fédom. On comprend que ces deux dernières soient inquiètes. Les CCSSD ne risquent-ils pas d’orienter les bénéficiaires vers «leurs» SAFA ou plutôt ceux de la mutuelle dont ils font partie? La Fédom voit dans le futur système de gestion de l’assurance autonomie un dispositif où les contrôleurs (les organismes assureurs) vont détenir un monopole de fait. Les mutuelles cumuleront les rôles d’évaluateur, de contrôleur, d’acteur (dans un SAFA) et de payeur.

«Le libre choix de l’évaluateur et du prestataire est garanti au bénéficiaire», a répondu la ministre à l’occasion d’une question parlementaire qui relayait les doléances de la Fédom. Oui, mais le rôle de l’évaluateur ne sera confié qu’aux seuls CCSSD et cela irrite aussi les CPAS wallons qui dénoncent le cumul des rôles joués par les mutuelles. «Cela lèse le libre choix du bénéficiaire, implique une forme de monopole de fait et risque de générer des dépenses publiques inutiles liées à une double évaluation puisque l’état de dépendance des résidents des maisons de repos fait déjà l’objet d’une évaluation préalable.» Dans la première note sur l’assurance autonomie, le gouvernement wallon avait prévu d’autres évaluateurs possibles: le médecin traitant (cela paraît évident), les infirmières à domicile ou la maison de repos où séjournerait le bénéficiaire. Tous ont finalement été évincés, et les CPAS de s’interroger: l’option choisie par le gouvernement wallon (sous la législature PS-cdH) sert-elle à refinancer les centres de coordination qui en auraient bien besoin?

 

En savoir plus

Alter Échos n° 459, «Les mutuelles aux commandes», Martine Vandemeulebroucke, 7 février 2018

Martine Vandemeulebroucke

Martine Vandemeulebroucke

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