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Regard critique · Justice sociale

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"La sicav "marollienne", monstre du loch Ness, ressort la tête"

10-09-2001 Alter Échos n° 104

En mai 99, le Comité général des Marolles (CGM) annonçait l’arrivée prochaine sur le marché boursier d’une sicav quelque peuparticulière puisque la société d’investissement à capital variable ainsi concoctée devait financer directement des logements à loyers abordables dansle quartier des Marolles. Mais voilà, plus de deux années se sont écoulées, et telle sœur Anne, les Marolliens ne voient toujours rien venir. L’abbé Vander Biest, incontournable aumônier du cru, rappelle l’origine du projet : « Nous devions trouver une réponse à la problématique du logement dans le quartier. Comme onne peut pas tout résoudre avec la sécurité sociale, et comme la Région n’a pas les moyens de financer les 10.000 logements sociaux manquants à Bruxelles, ilfallait bien trouver autre chose… Il y a 20% d’augmentation du prix du logement dans les Marolles, les studios du CPAS sont loués à 12.000 F dans le quartier et leslogements privés d’une chambre vont chercher dans les 20.000 à 22.000 F. Il arriverait même aux locataires de débourser jusqu’à 60.000 F pour une maisonmoyenne… En Région bruxelloise, 30% de la population vit avec des revenus égaux ou inférieurs à 27.500 F par mois, soit la moitié du revenu moyen. Or,à Bruxelles, seuls 8% des logements sont des logements sociaux. Comment font les 22 autres pour cent ? », interroge l’abbé. « En outre, poursuit-il, ces logements demandent àêtre rénovés… et ils sont peu adaptés aux familles nombreuses… » Et l’abbé de rappeler les 30 ans de lutte du CGM pour un habitat abordable. « En1969, nous nous battions contre les expulsions et la démolition. Aujourd’hui, la manœuvre est plus insidieuse. Dès que quelqu’un quitte un logement, les prix des loyerssont augmentés. Nous assistons à une sablonisation larvée du quartier sous prétexte de mixité. Les plus démunis sont dès lors obligés de partirlà où les logements sont moins chers… « 
La sicav privée de ses atouts
Face à cette sablonisation rampante, le CGM dégote le remède miracle, il s’articule en cinq lettres : sicav. Annoncée en mai 99 comme imminente, cette sicav devaitfonctionner ainsi : 10 à 15% de chaque souscription seraient versés, sous forme de donation, à la société chargée de la construction de logements àloyers modérés. Premier avantage : la donation devait être fiscalement déductible, second avantage : la sicav bruxelloise devrait être exonérée dedroits de succession – du moins pour les souscripteurs domiciliés dans les 19 communes de la Région. L’ordonnance taillée sur mesure était prête etn’attendait que le vote du Parlement. Or, deux ans plus tard, toujours aucune sicav marollienne à l’horizon. L’abbé ne comprend pas et suppute un manque devolonté politique de faire aboutir le projet. Au cabinet d’Alain Hutchinson, secrétaire d’état chargé du Logement, on réfute, arguant qu’aucontraire, le projet de Sicav avance maisýl’exonération de droits de succession qui devait constituer un des atouts majeurs de cette nouvelle Sicav posait trop deproblèmes, il a fallu l’abandonner. « Actuellement, nous consultons. Une offre a été remise à cinq ou six banques parmi les plus importantes de Belgique,explique-t-on au cabinet. Elles vont étudier les offres et nous devrions avoir leurs réponses d’ici fin septembre. La Sicav rentre dans ce qu’on appelle les produitséthiques aujourd’hui développés par les banques. Mais l’acceptation de l’offre par une banque dépendra beaucoup du climat boursier. »
Le principe sera le suivant : pour 100 F déposés par les épargnants dans la Sicav et destinés à des investissements « normaux », 15 FB seront donnés àla Fondation Roi Baudouin qui servira d’intermédiaire. Les fonds ainsi récoltés seront destinés à une société de logements sociauxspécialement créée pour le projet et qui ne sera pas sous tutelle de la SLRB, précise-t-on chez Hutchinson. Le premier projet développé par cettesociété, toujours si la sicav trouve preneur, devrait être la construction de logements, rue des Ménages. « Nous espérons pouvoir obtenir une prise ferme des banques,complète le cabinet, et ainsi tabler sur un minimum de 1,3 milliard, ce qui nous donnerait grosso modo 200 millions de francs. » Du côté du CGM, on se réjouit qu’enfinon consente à redéterrer le projet de Sicav initialement proposé par le Comité mais on regrette l’aspect peu innovateur du dispositif « Notre projet constituait unevéritable innovation, ici, on lui rabiote les ailes en le recadrant dans le canevas existant, déplore Vincent Doumier, président du CGM. On lui supprime un atout important :l’exemption de droits de succession, or, techniquement cette solution était tout à fait envisageable, le fédéral avait marqué son accord. De plus, on veutcréer une société qui ne sera pas sous tutelle directe de la SLRB, c’est vrai, mais qui sera néanmoins une filiale de l’ASSAM qui, elle, est sous tutelle de laSLRB. On réintègre donc une initiative privée et innovante en matière de récolte de fonds pour les logements sociaux dans le giron public. Je ne peuxm’empêcher de penser que le pouvoir politique veut conserver une main-mise sur les logements sociaux, une manne électorale sans doute rentable… Dommage. »
1 CGM, rue de la Prévoyance 56 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 511 54 68, fax : 02 511 88 31.
2 Cabinet Hutchinson, bd du Régent 21-24 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 506 34 11, fax : 02 511 88 59.

catherinem

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