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« La formation en alternance en Allemagne, un modèle ? « 

06-04-1998 Alter Échos n° 27

Le Conseil National du Travail (CNT) et le Conseil Central de l’Economie (CCE) ont présenté le 5 mars leur rapport conjoint sur «L’évolution de l’emploi et du coûtsalarial en Belgique et dans les Etats Membres de référence»1.
Ce rapport se penche plus spécifiquement sur quelques matières qui font l’objet d’annexes bien fournies : redistribution du temps de travail, temps partiel en Belgique et aux Pays-Bas,fiscalité des entreprises, etc.
Il étudie en particulier «Les formations en alternance en Belgique et en Allemagne». Pour la Belgique, on inclut dans ce terme les contrats d’apprentissage des Classes moyennes,l’apprentissage industriel, et l’enseignement à horaire réduit2. La démarche des Conseils consiste en une description des dispositifs belge et allemand, «sans que lescontextes respectifs soient esquissés voire même préalablement examinés»; les deux dispositifs sont ensuite comparés.
Ainsi, pour le rapport, cinq caractéristiques – ayant trait tantôt à l’économie, tantôt au système d’enseignement – opposent les réalités belgeet allemande.
> La Belgique se caractérise par son déficit de qualifications «intermédiaires» (entre les niveaux secondaire inférieur et universitaire).
> L’apprentissage relève de filières scolaires vues comme celles de la «dernière chance»; en Allemagne, c’est une «voie royale», qu’empruntentmême des élèves qui ont terminé l’enseignement général.
> Depuis 40 ans, la Belgique a surtout poussé l’enseignement technique et professionnel à temps plein et centré sur le milieu scolaire.
> L’apprentissage ne donne accès à aucune passerelle vers les autres formes d’enseignement, en particulier le supérieur.
> L’économie belge est plus tournée vers le secteur des services que vers celui des industries.
Signalons que d’autres différences importantes du dispositif allemand sont parfois citées ailleurs :
n le conditionnement à l’âge (entre 16 et 25 ans, on ne reçoit qu’une seule chance d’entamer une filière d’apprentissage);
n la gratuité inconditionnelle de l’accès (dans les autres filières, les jeunes allemands doivent participer financièrement s’ils n’obtiennent pas de résultatssatisfaisants);
n le fonctionnement par modules capitalisables validés indépendamment les uns des autres3.
La portée de leurs comparaisons étant limitée, les Conseils exluent la possibilité d’importer comme tel le modèle allemand, et avancent quelques propositions.
> Priorité à l’augmentation des niveaux de qualification les plus bas.
> Revalorisation du technique et du professionnel de plein exercice («parcours scolaires intégrés» et «accompagnement approprié des jeunes»).
> Coordination de tous les intervenants, en particulier les niveaux de pouvoir fédéraux et fédérés.
> Création d’un suivi statistique sur l’alternance, notamment en termes d’insertion dans l’emploi.
> Formalisation des qualifications qui répondent aux besoins des entreprises.
> Aménagement, par le prochain Comité paritaire d’apprentissage («supplétif») du CNT, de passerelles au départ des filières de formation enalternance.
> Finalisation de l’apprentissage industriel supplétif et du contrat d’insertion4.
Il faut ajouter que depuis quelques années, et pas seulement en Belgique, se pose la question de savoir dans quelle mesure est «exportable» le système allemand de formationen alternance. La réponse généralement avancée est la même que celle que laissent entendre les deux Conseils, mais est plus argumentée : «Les vertusprêtées au «modèle dual allemand» ne peuvent être simplement rapportées aux traits de son système de formation, mais doivent être comprisesà la lumière d’une configuration institutionnelle et sociétale plus larges»5. Ainsi, le modèle allemand comprend :
n la reconnaissance dans les conventions collectives des diplômes techniques obtenus par l’alternance, ce qui les rend incontournables comme conditions d’accès aux professions et auxbarèmes pour les salariés comme pour les indépendants;
n l’importance des formations continuées comme moyen de mobilité ascendante (hiérarchie, barèmes) sur le marché du travail6;
n une forte régulation des conditions d’apprentissage en entreprise, qui donne une grande homogénéité au «marché» de l’alternance (formation destuteurs, contenu des formations, statut du jeune).
Ce sont donc les mécanismes paritaires du marché du travail qui assurent, au moyen de l’alternance, l’articulation école entreprise, l’insertion des jeunes, leur mobilitéet leur promotion professionnelles.
1 Greffe du CNT, av. de la Joyeuse Enrée 17-21 à 1040 Bruxelles, tél. 02/233 88 64, fax 02/233 88 59. Un tel rapport est réalisé deux fois par an en vertu de l’art.4 de la loi du 26 juillet 96 «relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde de la compétitivité».
2 Rappelons que dans ce dernier en Communauté française, la moitié des jeunes n’obtiennent ni stage ni contrat, ce qui nuance la portée du terme«alternance».
3 V. Vandenberghe, «Relance de la formation par les entreprises ou massification de l’enseignement supérieur de plein exercice ? Le dilemme de la Communautéfrançaise» dans le quatrième volume, «Education et formation, facteurs de compétitivité» des documents préparatoires au 12èmeCongrès des économistes belges de langue française, 1996 : CIFOP, bd Général Michel 1b à 6000 Charleroi, tél. 071/32 73 94, fax 071/32 86 76.
4 Voir AE n°22 du 26 janvier 98 p. 3 et AE n°24 du 23 février 98 p. 8. Le projet de loi sur l’apprentissage supplétif a été approuvé par la Chambre le 19février, et est en ce moment examiné par le Sénat.
5 Voir C. Maroy, «Vertus des formations en alternance et contexte sociétal», article publié fin 97 dans le dossier «Apprentissage et formation en alternance» dela revue «Reflets et perspectives de la vie économique», tome XXXVI, n°4 : De Boeck Université, Fond Jean-Pâques 4 à 1348 Bruxelles, tél. 010/48 2500, fax 010/48 25 00, e-mail : acces+cde@deboeck.be Voir aussi l’article de Vandenberghe.
6 Voir à ce propos «Collective bargaining and continuing vocational trainig in Europe» (trad. «Négociation collective et formation professionnelle continue»), le«Comparative supplement» du dernier numéro d’EIRObserver (1er avril 98) : European Industrial relations Observatory, c/o European Foundation for the Improvement of Living andWorking Conditions, Wyattville Road, Loughlinstown, Co.Dublin, Irlande, tél. +353 1 20 4 3 218, fax +353 1 28 26 456, e-mail : maria.barbosa@eurofound.ie ; site web : http://eiro.eurofound.ie

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