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La culture et les arts de la parole comme outils d'apprentissage du français

Ce 8 avril, l’asbl Miroir vagabond1 présentait, à la bibliothèque publique centrale de la Province du Luxembourg, différentes facettes de son action enmatière d’alphabétisation et d’apprentissage du français comme langue étrangère. C’est ainsi qu’au travers d’ateliers d’écriture, des demandeurs d’asile ontécrit un roman collectif : No Woman’s Land.

14-04-2008 Alter Échos n° 249

Ce 8 avril, l’asbl Miroir vagabond1 présentait, à la bibliothèque publique centrale de la Province du Luxembourg, différentes facettes de son action enmatière d’alphabétisation et d’apprentissage du français comme langue étrangère. C’est ainsi qu’au travers d’ateliers d’écriture, des demandeurs d’asile ontécrit un roman collectif : No Woman’s Land.

Une petite centaine de personnes étaient rassemblées dans une salle – malheureusement trop petite – de la bibliothèque publique centrale de la Province duLuxembourg. Toutes et tous étaient venus assister à la matinée « De l’apprentissage de la langue à la lecture publique via les arts de la parole et de l’écrit». On était loin des discours théoriques. Plusieurs demandeurs d’asile de l’Annexe 26 bis se sont prêtés au jeu de la lecture publique d’extraits d’un roman. Et pasn’importe lequel, celui qu’ils ont écrit collectivement au travers d’ateliers d’écriture, encadrés par Ricardo Montserrat, au sein de la bibliothèque.

« En lisant No Woman’s Land2, nous ne sommes ni dans la peau du reporter, ni dans celle des Tchétchènes devenus demandeurs d’asile. Nous sommes face aurécit constitué par un collectif à propos de la fuite, des raisons de la fuite échevelée de ses propres lieux de vie, à propos de vies qui poussent às’expatrier (…). Nous sommes face à un récit organisé en roman qui nous oblige non pas à observer de nouveaux voisins, mais bien à considérer leur viecomme un parcours singulier d’hommes et de femmes », déclare Yvette Lecomte, inspectrice-directrice au Service général de l’Inspection de la Culture de la Communautéfrançaise. Le processus d’écriture fut long, car il n’est pas simple de partir de l’alphabétisation pour aboutir à un projet d’écriture collective. Mais lerésultat vaut le détour. Ce livre peut contribuer à améliorer les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, parce qu’il recèle quantité d’informations surles personnes qui veulent s’installer dans notre pays.

Du théâtre au slam

Le théâtre est un aussi un vecteur intéressant pour apprendre la langue française. Le Miroir vagabond collabore avec le Théâtre du fil3 et est onne peut plus satisfait de la collaboration. Christine Mahy, directrice du Miroir vagabond, souligne toutefois que ce n’était pas gagné d’avance : « Nous avons le soutien duministère de la Culture, mais il y a encore des résistances dans d’autres ministères qui ne voient pas le lien entre théâtre et apprentissage de la languefrançaise. » Pourtant, cela fonctionne, note Jacinthe Mazzocchetti, anthropologue : « Durant les ateliers théâtraux, les gens se rendent compte qu’il est possible decommuniquer en français sans forcément être précis. C’est la dynamique du théatre qui permet cela. On apprend plus vite à parler, on dépasse lesblocages. » Signalons que les professionnels du théâtre insistent sur la nécessité d’exiger de ce public la même chose qu’ils exigeraient de professionnels. Lesparticipants ressentent cela et apprécient, car ils se sentent considérés.

Pour une culture qui gagne

En fin de matinée, Anatole Liovine, demandeur d’asile, a démontré jusqu’à quel point il était possible d’apprendre à maîtriser la languefrançaise au travers de ces techniques d’apprentissage. En deux slams bien enlevés, il a conquis le public. Pour Christine Mahy, cette performance et les autres montrent que laculture peut aussi être dynamique. « Aujourd’hui, derrière ‘une Wallonie dynamique et qui gagne’, on entend trop ‘mise à l’emploi’ et ‘réussite économique’. Ona trop tendance à réduire la culture, la création et l’expression à du ‘non-économique’. Or la manière dont on fait de la culture, c’est aussi de lapolitique ! Cela peut être dynamique et constituer une force pour une région. »

Extrait

« Elle met des bûches dans le feu et son regard se perd dans les flammes. Un bruit de moteur la fait sortir de sa rêverie. Shamil a dû oublier quelque chose. Elle va versla fenêtre. Une voiture s’arrête devant la datcha. Des hommes en descendent. Ils sont armés. Elle les entend monter les escaliers. Ils parlent tchétchène. Elleentend alors au-dessus d’elles les hurlements d’une femme. Amanta se précipite dans l’escalier. C’est là-haut que ça se passe. Une femme insulte ses bourreaux. Les hommesrépondent par des rires. Les cris reprennent. Ils doivent la battre. Non, là… Ce n’est pas possible. Les cris se calment subitement. Les hommes rient encore et disent des mots qu’ellen’oubliera jamais. Amanta pleure et, de ses mains, se bouche les oreilles, mais elle les entend encore. Ça ne dure pas très longtemps, mais pour Amanta ça dure uneéternité. Elle tremble, comme si elle allait être la prochaine victime. Elle n’imaginait pas que des Tchétchènes puissent faire une chose pareille

1.le Miroir vagabond :
– adresse : vieille route de Marenne, 2 à 6990 Bourdon
– tél. : 084 31 19 46
– courriel : bureau@miroirvagabond.be

2. Ricardo Montserrat et Annexe 26 bis, No Woman’s Land, Éd. du Cerisier, 2007, 13,50 euros.
3. Site : http://www.theatre-du-fil.com

Baudouin Massart

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