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Regard critique · Justice sociale

Petite enfance / Jeunesse

Enjeux et défis des AMO : un colloque pour en débattre

L’objectif du colloque du 27 mars : mettre en lumière le rôle d’innovation et d’interpellation des services d’aide en milieu ouvert (AMO).

27-04-2012 Alter Échos n° 336

Le 27 mars dernier, l’Agence Alter, la coopérative Cera et la Fédération Wallonie-Bruxelles organisaient un colloque. L’objectif : mettre en lumière le rôle d’innovation et d’interpellation des services d’aide en milieu ouvert (AMO) dans le secteur de l’Aide à la jeunesse. Plus d’une centaine de représentants d’AMO ont répondu présents.

SAJ, SPJ, SAIE, COE, SPEP, CAU, CPA, COO, SAAE, CAAJ… : la nomenclature en vigueur dans le secteur de l’Aide à la jeunesse est loin d’être évidente à appréhender. Parmi cette multitude d’opérateurs publics et d’initiative privée, actifs sur le terrain, figurent les services d’aide en milieu ouvert ou AMO. Ces services sont nés dans la foulée d’une remise en question de la démarche de placement institutionnel des jeunes, il y a plus de trente ans. Ils ont pour spécificité de travailler sans mandat, à la demande des jeunes (âgés de 20 ans au plus) ou de leur famille, en les maintenant dans leur milieu de vie (famille, école, quartier…). Ils proposent une aide préventive. Trois axes structurent leur travail sur le terrain: l’aide individuelle du jeune, le travail communautaire et le travail en réseau. Les AMO, essentiellement des asbl, sont au nombre de 81 au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Alors qu’aujourd’hui, la réforme des Conseils d’arrondissement d’aide à la jeunesse (CAAJ) est engagée sur le plan politique, la question de la prévention est clairement en débat. Or cette activité de prévention est le cœur de cible des AMO et il apparaît que ces services sont considérés comme trop peu reconnus et leurs actions, insuffisamment valorisées. Le colloque de mars dernier avait donc cet objectif (parmi d’autres) de mieux appréhender les spécificités du travail des AMO, en termes de pratiques innovantes, d’interpellation des autorités et de l’opinion et de participation des jeunes et de leur famille à ces processus.

Rétroactes de ce colloque

En amont de ce colloque, la démarche de la coopérative Cera, initiée en 2007. Comme l’a expliqué Carmen de Crombrugghe, coordinatrice du programme « Projets sociétaux » chez Cera, en introduction à cette journée de réflexion, « dans le cadre des missions sociétales de Cera, les sociétaires de la coopérative poursuivent un objectif de soutien à des projets d’intérêt social. Ce mécénat coopératif à plus-value sociale s’exerce dans plusieurs domaines, dont celui de l’Aide à la jeunesse. Nous avions déjà soutenu par le passé une initiative en matière d’accueil résidentiel des jeunes, « Un havre chaleureux ». Nous souhaitions aborder la question de la prévention dans le secteur de l’Aide à la jeunesse, avec le souci de soutenir des projets qui puissent avoir une action durable. Nous avions également pour objectif de réfléchir ce soutien dans une perspective de transversalité entre l’Aide à la jeunesse et d’autres secteurs comme la santé, le monde judiciaire, les pouvoirs publics locaux… L’appui de la Fédération Wallonie-Bruxelles lors de l’appel à projets a constitué un atout supplémentaire pour permettre un ancrage pérenne des projets mis en œuvre. »

Afin de mettre en chantier son projet de soutien à des initiatives de terrain dans le secteur de l’Aide à la jeunesse, la coopérative Cera a d’abord travaillé avec l’Agence Alter à définir les contours de son intervention. Cette dernière a effectué une étude exploratoire sur les enjeux et les besoins de l’Aide à la jeunesse en Communauté française. C’est sur la base des conclusions de cette étude que Cera a mis sur pied le dispositif « AMO marques, prêts, innovez ! ». Avec le conseil et le soutien opérationnel d’Alter, un appel à projets destiné aux AMO, considérées comme trop peu reconnues et soutenues dans le secteur, a été lancé et six services lauréats ont reçu une aide financière pour mener leur projet à bien, ainsi qu’un soutien méthodologique par le biais d’un accompagnement individuel à la carte par projet et la participation à trois jours de formation collective, en présence d’experts. Une brochure retrace l’ensemble du processus et met en valeur les dynamiques soutenues par le dispositif « AMO marques, prêts, innovez ! » (voir encadré).

Un objectif commun : essaimer des pratiques innovantes

Pour Aude Garelly, directrice de l’Agence Alter, ce colloque était en quelque sorte un point d’orgue à ce travail de longue haleine, mais aussi une manière de visibiliser et surtout de pérenniser le travail de fond engagé dans le secteur des AMO depuis quatre ans maintenant. Elle l’a rappelé lors de l’accueil des participants : « Dans ce processus engagé avec Cera et soutenu par la ministre de l’Aide à la jeunesse pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, Evelyne Huytebroeck, une des préoccupations centrales de l’Agence Alter a consisté à outiller des acteurs qui veulent donner une place et un rôle aux jeunes dans la société et l’espace public. Le fait de s’associer sur ces questions avec Cera et la Fédération Wallonie-Bruxelles était également important, car il s’agit d’acteurs réunis autour d’une même préoccupation : celle de défendre des valeurs de participation, de solidarité et de respect de l’individu. Avec, en filigrane, les évolutions et les enjeux de l’aide spécialisée qui sont questionnés. »

Pour sa part, Pascal Rigot, conseiller au cabinet de la ministre Huytebroeck, également présent lors de cette journée, a mis l’accent sur la pertinence du dispositif « AMO marques, prêts, innovez ! » et l’intérêt de la ministre pour ce type de dynamique. Le cabinet a d’ailleurs participé au groupe consultatif qui a encadré le pilotage du dispositif. « Cette manière de procéder correspond aux recommandations de l’Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’Aide à la jeunesse, qui consiste à soutenir la promotion des projets innovants dans le secteur. Mais la nécessité d’essaimer ce type d’initiatives innovantes se pose et l’organisation d’une journée permettant aux acteurs de se rencontrer et de discuter de ces avancées va clairement dans cette direction. »

La présidence de cette journée était assurée par Bernard De Vos, Délégué général aux droits de l’enfant, également membre du groupe consultatif du dispositif AMO marques. Cet ancien responsable d’AMO a surtout mis en exergue sa vision désormais panoptique sur les questions d’enfance et de jeunesse, en mettant l’accent sur les spécificités des AMO, dont celle de ne pas devoir dépendre de discours politiques municipalistes. Il a rappelé les débats actuels sur la prévention dans le cadre de la réforme du décret de 1991 relatif à l’Aide à la jeunesse, et mis en avant l’absolue nécessité de penser cette prévention dans une perspective de lutte contre les violences institutionnelles faites aux jeunes et non selon une logique purement sécuritaire.

Quatre ateliers en simultané

Une partie importante de cette journée de colloque s’est déroulée en ateliers, auxquels les participants s’étaient préalablement inscrits et qui se sont déroulés en parallèle.

Les quatre thèmes explorés ont porté sur :

  • • le travail de rue et de proximité ;
  • • le rôle d’interpellation du politique et de l’opinion dans le chef des AMO ;
  • • la place des jeunes dans les transitions vers la vie adulte ;

Ces ateliers se sont déroulés en deux phases : la matinée au cours de laquelle des expériences de terrain ont été exposées, ouvrant la discussion sur les enjeux en termes d’innovation, de diagnostic et d’interpellation que ces expériences permettent de mettre en lumière. La seconde phase, plus réflexive, s’est déroulée lors de l’après-midi, avec une mise en perspective de ces enjeux via le concours d’intervenants extérieurs : Ural Manço, sociologue aux Facultés Saint Louis (pour l’atelier Travail de rue et de proximité), François De Smet, philosophe, chercheur en philosophie à l’ULB et directeur de l’AMO Promo-Jeunes (pour l’atelier Interpellation du politique et de l’opinion publique), Véronique Degraef, chargée de mission à la Commission consultative Formation Emploi Enseignement (CCFEE) et chercheuse aux Facultés Saint Louis (pour l’atelier Transition vers la vie adulte) et Jacques Moriau, sociologue au centre Metices de l’ULB (pour l’atelier AMO-Monde scolaire).

Ils ont surtout permis de débattre des conditions de possibilité de mise en œuvre de ces pratiques innovantes, de leur essaimage, des possibilités de diagnostic social dans le chef des AMO et de leur capacité d’interpellation de la société et des pouvoirs politiques, à propos des enjeux cruciaux en matière d’aide à la jeunesse.

Un compte-rendu relatif au contenu de ces ateliers est disponible sur le site www.colloqueamo2012.be

Des conclusions innovantes

C’est Aude Garelly qui s’est chargée de la difficile tâche de ramener en séance plénière les différents éléments discutés en ateliers, au cours de la journée. « En ce qui concerne les enjeux que soulèvent ces processus d’innovation et d’interpellation, on peut dire que les AMO sont de bons acteurs pour diffuser la culture de l’innovation dans le secteur de l’Aide à la jeunesse. Cela nécessite pour ces services de prendre certains risques avec des réponses hors cadre ou décadrées, mais soulève dans le même temps des paradoxes, comme le fait d’innover pour ébranler le système alors qu’on y participe ou celui de perdre un peu de son innovation du fait d’être labellisés « innovants ». Pour ce qui est de l’interpellation, les enjeux se situent au niveau des alliances à créer pour porter un message, des outils de communication à utiliser pour le valoriser et de la participation souhaitable des jeunes au processus d’interpellation. Les plus-values se situent quant à elles sur le plan du renforcement de la citoyenneté et du lien social, surtout s’il y a décloisonnement et si l’innovation est financée sur le long terme. Quant aux impasses, elles apparaissent notamment dans le partenariat avec d’autres acteurs et le risque pour les AMO de perdre leur spécificité au profit d’une instrumentalisation par d’autres. Autre impasse : celle qui consisterait à adopter une attitude de soutien à l’innovation qui ne tiendrait pas compte de l’existant, de ce qui a déjà été mis sur pied. Quant à la cible, il est nécessaire d’avoir un impact sur les dynamiques sociales locales, mais également à plus large échelle quand les thématiques l’exigent. Enfin, en termes de perspectives, l’innovation permet de faire coexister plusieurs approches du travail social, avec tout un panel d’interventions possibles pour atteindre le jeune et c’est tout bénéfice pour l’évolution des pratiques. »

Présente lors de l’après-midi de colloque et ayant participé à l’atelier consacré au travail de rue et de proximité à l’échelle de quartiers, la ministre Huytebroeck s’est prêtée au jeu d’une réaction à chaud sur la base des conclusions émises par Aude Garelly. Elle a d’emblée mis le doigt sur le fait que le secteur a été créé il y a près de 30 ans et n’est donc pas en soi une innovation : « Ce qui importe, ce sont les pratiques et surtout leur renouvellement au sein du secteur, avec le soutien des pouvoirs publics et en collaboration avec d’autres secteurs. En ce qui concerne la pérennisation de l’innovation, elle est clairement de la responsabilité du politique, mais elle soulève forcément la question des problèmes structurels. L’Aide à la jeunesse n’est-elle pas un pansement lorsque par ailleurs il y a des problèmes avec l’école, la formation, l’emploi, le logement ? Dans ce contexte, la transversalité semble être un terme un peu magique, mais qui a tout son sens non seulement pour faire des ponts, des liens, mais aussi pour traverser les frontières. Quoi qu’il en soit, pour qu’il y ait innovation, il faut y travailler et ce que nous faisons, notamment dans le cadre de la réforme du décret relatif à l’Aide à la jeunesse. »

Une brochure sur l’Aide à la jeunesse en milieu ouvert

Toujours avec cette volonté de donner un maximum de visibilité au dispositif « AMO marques, prêts, innovez ! », mais aussi de permettre un essaimage des pratiques innovantes soutenues dans ce cadre, une brochure de présentation de l’ensemble du processus a été réalisée par l’Agence Alter. Elle retrace l’historique du dispositif et présente de manière détaillée les six lauréats et leurs manières diverses d’envisager et de répondre aux problématiques de la jeunesse aujourd’hui.

Il s’agit des initiatives innovantes développées par :

 

  •  l’AMO AtMOsphères, dans le cadre du projet Vidénoh ;

 

  •  l’AMO Badj Hainaut – Service Droit des Jeunes, avec le fonds Pré-Caution ;

 

  •  l’asbl Solidarcité, via son projet « Essaimer l’année citoyenne » ;

 

  •  l’AMO SOS Jeunes – Quartiers libres, au travers de son projet « Initiation à la citoyenneté par le biais des acquis scolaires » ;

 

  • l’AMO Reliance, avec le projet « Equipe mobile d’aide à l’enfance en Basse-Meuse » ;

 

  • l’AMO Cap Hodimont, par le biais du projet « Hodimont en V.O., un quartier en images ».

 

La brochure précise également les enjeux et les défis sous-jacents à cet appel à projets à propos des conditions de l’innovation, de la pérennisation de celle-ci et de la transversalité que l’innovation suppose.

Cette brochure est téléchargeable sur le site http://www.colloqueamo2012.be/documents/

Nathalie Cobbaut

Nathalie Cobbaut

Rédactrice en chef Échos du crédit et de l'endettement

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