Quelle est l’évolution de la situation du marché locatif en Brabant wallon pour les personnes à bas revenus ou vivant l’exclusion de l’inaccessibilitéà un logement ? La question ne manque pas d’interpeller, fût-ce par les silences qu’elle provoque parfois, selon les interlocuteurs. Sa réputation de province la pluschère n’est peut-être plus à faire mais il faut souligner qu’au sein de la courbe ascendante générale des prix, une série de variations existentd’une commune à l’autre. Comme lorsque l’on passe de l’Ouest à l’Est, avec des « ‘noyaux’ composés de Waterloo, La Hulpe, Rixensart,Lasne, Ottignies-LLN et Chaumont-Gistoux, où les prix sont supérieurs de 25% à la moyenne provinciale et dépassent le double de la moyenne wallonne » notait en 1998déjà Thierry De Bie de la Maison de l’Urbanisme1. Vue d’en bas de la situation, avec les initiatives qui soutiennent les brabançons les plus mal logés.
Une attractivité qui coûte cher…
Quels critères font jouer ces variations coûteuses du prix locatif (et acquisitif) ? L’attractivité des communes principalement. Autrement dit, mais là encore desnuances sont à noter, « l’avantage d’une bonne situation par rapport à Louvain-la-Neuve et à l’axe Bruxelles-Namur » avançait toujours Thierry De Bie,ainsi que le caractère semi-rural de certaines zones.
Avec, pour effets, non exhaustifs :
> la difficulté croissante pour des jeunes (couples) à bas revenus ou dépendants d’allocations de trouver un logement pour « se lancer », sauf à avoir recoursd’emblée à l’AIS ou au CPAS ;
> l’encouragement et le développement de modes de gestion peu scrupuleux, par certains propriétaires, basés sur l’exploitation de la précarité pourun profit maximum ;
> la migration des moins « résistants » vers des régions où la ségrégation par le portefeuille ne sévit pas partout ; corrélativement se profile unmouvement sensible d’uniformisation sociale et culturelle.
1. Côté pouvoirs publics : rien à signaler ?
Quelles analyses peuvent permettre de saisir l’évolution, en BW, de « l’accès au logement » locatif ? En d’autres mots, comment évaluer « l’exercice du droitau logement » par les citoyens brabançons, revendiqué prioritairement sur le site de la Région wallonie ? « Nous n’avons que des chiffres généraux » annoncel’administration2. Il n’existe pas de données « toutes cuites ». Des chiffres uniquement par commune dont certains ne sauraient être diffusés. Or, les structuresd’aides et d’initiatives publiques se sont multipliées ces dernières années dans le but de mieux cibler les réponses face aux situations des régions etsous-régions (rénovation urbaine, réquisition d’immeubles inoccupés, revitalisation des centres urbains, Zones d’initiatives privilégiées,développement rural, etc.). Une multiplicité de réponses à des situations sociales en évolution constante, tout aussi coincées par la puissance dumarché immobilier.
2. Sur le terrain…
S’il est, selon l’expression consacrée « plus difficile quand on est pauvre d’habiter parmi les riches », quelles tendances se sont affirmées ces dernièresannées ? Photographies en jeune Province…
2.a. Logement d’urgence et de transit
À Nivelles, le Centre « Les Quatre vents »3 accueille les sans-abri et les familles sans toit de toute la Région et de Wallonie. Son responsable, Alain Laire, remarque plusieursévolutions. « En 1997, précise-t-il, on a enregistré 698 demandes d’accueil dont 131 familles, en 2001 elles étaient 301. On a su répondre à 25% dedemandes en 98, pour 17% en 2001 ». Les raisons ? « La spéculation immobilière, des retards de paiement de la part des locataires, beaucoup de crises familiales et des personnes sanslogement sorties d’institutions (prisons, hôpitaux) » ajoute le responsable. Cette aide se prolonge de plus en plus souvent, l’offre de lits diminuant en proportion. « Pour lesfamilles dépendant du minimex, c’est la catastrophe, insiste Alain Laire, parce que les loyers sont trop chers. Pour elles, c’est encore plus difficile de trouver un logement.Quant aux ADIL (Allocations de déménagement, installation et loyer) elles ne fonctionnent qu’après six ou huit mois ». Par ailleurs, les autorités communalesmènent un opération visant à relever la salubrité de kots et « garnis ». Les propriétaires sont tenus d’assainir le bien à mettre en location. « Nosdonnées s’en trouvent perturbées, note sur ce point Isabelle Faracci, responsable au « Guichet social » – service communal nivellois axé sur le logement4, et leslocataires sont dans l’incertitude, suite au délai accordé au propriétaire », achève-t-elle.
2b. Limites et perspectives pour l’Agence immobilière sociale comme outil de régulation du marché immobilier
Agréée en mai 1998, l’AIS en en Brabant wallon5 a pour objet de réaliser une médiation dite de marché entre locataires fragilisés etpropriétaires possédant un logement inoccupé. Sur base du rapport 2001, « 46% des locataires des 93 maisons qu’elle gère sont chômeurs, 22¨%minimexés, 22% salariés et 7% soutenus par la mutuelle », explique Nathalie Polaert, responsable. Son public se constitue « de plus en plus de jeunes (minimexés) voulantl’autonomie mais sans expérience de la gestion d’un budget, de jeunes couples avec enfants, également des personnes accompagnées dans le cadre d’une situationde surendettement » complète-t-elle. L’AIS a en outre des limites financières : pour rester à flot, l’Agence doit accepter un minimum de personnes à revenusmoyens » pointe la responsable. « Si la machine pouvait bien fonctionner, une personne irait d’un logement de transit à une maison familiale ou maternelle puis vers l’AIS voire, unlogement social. Mais ça bloque à chaque palier parce qu’à chaque fois, l’offre est inférieure à la demande » conclut Nathalie Polaert. Ainsi, unesérie d’aides supposées provisoires deviennent permanentes.
2.c. Groupe d’action Droit au logement (Genappes) : « Une volonté manifeste de se débarrasser des personnes modestes »
La lutte au quotidien pour le Droit au logement : un combat permanent du GADL6 de Genappes. Avec les propriétaires pour dépasser les préjugés et tenter de négocierune garantie plus douce ou avec les pouvoirs locaux. Son diagnostic ? « Rien n’est prévu pour les revenus modestes. Certains CPAS construisent des logements pour des gens qui ne sont pasleurs clients ! Des logements frappés d’insalubrité sont fermés au lieu d’être restaurés ». Et de fustiger la politique du logement comme autant de »théories inapplicables » qui, pour le GADL, « sont à revoir entièrement. Par exemple, la plupart des aides vont aux propr
iétaires ; quant aux aides à larénovation, les locataires n’en sont pas informés, la RW n’en fait pas la publicité ». Dans le logement social, le Groupe relève des dysfonctionnements commel’impossibilité de faire passer des couples dont les enfants sont partis dans des logements plus petits afin de faire place aux familles nombreuses ». Pessimiste, le GADL conclut : « onsent une volonté manifeste de se débarrasser des revenus modestes ».
3. Des solutions pour « combattre la mécanique d’exclusion systématique dans le logement »
Historiquement, « on a pensé trop longtemps que le BW était riche ; or, l’adaptation immobilière suite à l’augmentation démographique s’est faiteessentiellement par le privé (…), notamment suite au moratoire de la Wallonie sur le logement, entre 1985 et la fin des années nonante », estime Jean-Marie Pacquay du Mouvementouvrier chrétien7. Face à l’effet « NIMBY » (Not In My BackYard, en l’occurrence ici : refus des pouvoirs locaux de construire pour les plus démunis prévoyantdes effets négatifs sur l’environnement) ainsi que pour contrer la pression du marché privé, il argue « qu’une politique vigoureuse doit être menée par laRégion wallonne et la Province sur le problème foncier en changeant les mécanismes de gestion. Et de rappeler que cinq cents millions dorment toujours à la Province pouractiver cette politique ». La volonté politique ? « Elle commence car les tensions sont devenues insupportables dans les CPAS ». Ainsi Jean-Marie Pacquay voit dans les Plans d’ancragescommunaux une « prise de conscience autant qu’une bonne mécanique structurelle, en mettant en place des procédures comme l’emphytéose, mieux à même dedéjouer le phénomène de spéculation », conclut-il.
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La jeune Province victime de sa réputation ?
Début mai, le ministre wallon du logement Michel Daerden était interpellé par le député wallon et bourgmestre sortant d’Ottignies Louvain-la-Neuve, JacquesOtlet sur la situation du logement dans le Brabant wallon.
Le Brabant wallon victime de sa réputation ? C’est ce que prétend le député libéral wallon Jacques Otlet, qui, chiffres à l’appui, entenddémontrer que la pression sur les prix fonciers et immobiliers pratiqués dans le Brabant wallon engendre une exclusion sociale et géographique d’une tranche de lapopulation locale : les petits et moyens revenus. Si le revenu moyen des Brabançons wallons est supérieur à la moyenne de la Région de 20%, seuls 21,6% disposeraienteffectivement de revenus bien supérieurs à cette moyenne. « Que doivent donc faire les 79 autres % ? », s’interroge Jacques Otlet. Si une maison moyenne se négocie enWallonie à l’achat à 100.405 euros en moyenne, il faut compter 163.715 euros pour le Brabant wallon. (Guide Fortis). Même la commune la moins chère du Brabant wallon(Hélécine) affiche des prix supérieurs à la moyenne wallonne. Le prix du terrain à bâtir se négocie quant à lui en Brabant wallon en moyenneà 51 euros le m2. La commune la moins chère (Ramillies) reste encore 14% plus chère que la moyenne wallonne. Au niveau de la location, le Brabant wallon n’est guèreplus accessible aux revenus modestes. Le prix moyen d’une maison située au centre de la jeune Province se situe à 1.116 euros, contre une moyenne de 743 en Région wallonne.Pour un appartement en location, il faut compter en moyenne 620 euros ; contre 330 en Région wallonne. Et les inégalités ne s’arrêtent pas…
Brabant wallon, parent pauvre des politiques de logement ?
Jacques Otlet regrette l’absence d’initiatives efficaces des pouvoirs publics régionaux pour faire face à cette situation critique. Non seulement confronté àdes prix supérieurs à la moyenne, le Brabançon wallon serait exclu du système d’aides octroyées par la Région. « La Région a ignoré lasituation difficile de la petite classe moyenne qui a trop de revenus pour le logement social et pas assez pour le locatif ou l’acquisitif privé » résume Jacques Otlet. Lesexemples sont multiples. Ainsi, il existe un prêt destiné exclusivement aux jeunes. Or, le prix maximum autorisé du logement ne peut dépasser les 111.600 euros alors que leprix moyen en Brabant wallon oscille autour des 163.175. Sur les 7.701 demandes de prêts, seules 354 émanent du Brabant wallon… Les aides aux personnes morales ne sont guèreplus favorables que celles destinées au particulier, puisque aucune pondération n’existe dans les montants subsidiés, ne tenant nullement compte du coût du terrain.Ainsi, le coût de construction d’une maison sociale ne peut dépasser les 87.000 euros, la construction d’une maison de type logement moyen les 112.000 euros. Ces conditionsne sont donc pas adaptées à la situation des zones à fortes pressions immobilières.
Ces zones regroupées en ZIP (zones d’initiatives privilégiées) peuvent bénéficier théoriquement d’un accroissement des primes initiales. Enréalité, toutes les zones à fortes pressions immobilières ne bénéficient d’aucun avantage, étant systématiquement exclues de ces zonesdites privilégiées. Autre aberration relevée par le député wallon : le plafond fixe des revenus. Pour pouvoir bénéficier de toute une séried’aides régionales, il faut disposer de revenus inférieurs à un plafond bien délimité, qui ne tient nullement compte de la cherté du marché. « Unprofesseur, un facteur ou encore un fonctionnaire de la Région dispose des mêmes revenus, qu’il réside à Charleroi, Liège ou Wavre. Pourtant, ce dernier devraconsacrer une part beaucoup plus importante de son budget à son logement », explique Jacques Otlet, qui réclame de revoir à la hausse les primes mais également les plafondsde revenus autorisés.
Enfin pour noircir encore le tableau, le député wallon souligne la répartition inégalitaire des logements sociaux et moyens entre les provinces wallonnes, estimant que lesprovinces de Liège et du Hainaut sont largement favorisées si l’on se réfère au poids réel de leur population, au détriment… du Brabant wallon.Il ne reste plus qu’à attendre les réponses du ministre Daerden, annoncées lors de son interpellation.
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1 Maison de l’Urbanisme, rue Belotte, 3 à 1490 Court-Saint-Étienne. Thierry De Bie, in Le logement en Brabant wallon. Panorama des aides et initiatives publiques, Maison del’urbanisme, Centre culturel du Brabant wallon, dossier, p.23, 1998.
2 DGATLP, rue des Brigades d’Irlande, 1 à 5100 Jambes, tél. : 081 33 21 10, site : http://www.mrw.wallonie.be/dgatlp
3 Les Quatre vents asbl, rue des Choraux, 17 à 1400 Nivelles, tél. : 067 21 70 04.
4 Guichet social, rue Baillard, 21 à 1400 Nivelles, tél. : 067 88 22 46.
5
AIS, avenue Einstein (Zoning Nord) à 1300 Wavre, tél. : 010 23 60 87.
6 Groupe d’action Droit au logement, Genappes, tél. : 067 64 54 60.
7 MOC BW, bd Fleur de Lys,25 à 1400 Nivelles, tél. : 067 21 89 91, fax : 067 84 16 04,
Archives
"Brabant wallon : quel accès au logement pour les personnes à revenus modestes ?"
Olivier Bailly
10-06-2002
Alter Échos n° 122
Olivier Bailly
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