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Regard critique · Justice sociale

Petite enfance / Jeunesse

Virusland. La crise sanitaire et le sort des jeunes, vus par des jeunes

Pour la 8e édition du projet Bruxitizen, l’Agence Alter a proposé à des élèves de l’Université Saint-Louis de Bruxelles de se pencher sur la crise vue par les jeunes. C’est au travers de quatre ateliers médias (photos, presse écrite, vidéo et radio) que les étudiants ont tenté d’assembler la maquette de cette réalité dure entre octobre 2020 et mai 2021. Tantôt en présentiel, tantôt en distanciel, les élèves sont parvenus à présenter le fruit de leur travail après des mois de labeur dans des conditions pas toujours évidentes.

Olivia Sautreuil

Il en ressort une publication, à découvrir en supplément de ce numéro ou sur altermedialab.be, le laboratoire d’information citoyenne de l’Agence Alter. Alter Échos ouvre ses «pages participatives» du mois à l’une des productions de cette publication, «Une pandémie meurtrière pour l’emploi des jeunes», par Soumaya Bouazza*.

La crise sanitaire qui perdure plonge une partie de la jeunesse belge dans l’incertitude et la précarité. Jobs étudiants en voie de disparition, insertion professionnelle de plus en plus incertaine, pouvoir d’achat en berne, stages annulés ou reportés…: les conséquences économiques et sociales de l’épidémie sont innombrables et appellent à une réaction rapide des gouvernements. Ce qui n’a pas toujours été le cas pour les jeunes.

Frappée de plein fouet par les conséquences de la pandémie, la jeunesse doit faire face. Elle est confrontée à la disparition de toute vie sociale, aux répercussions psychologiques du confinement, à des difficultés financières et une précarité grandissantes. Et ce, notamment en raison de la fermeture de secteurs d’activités comme l’horeca et l’événementiel, grands pourvoyeurs d’emploi pour les jeunes, étudiants ou non.

Quelques chiffres…

Les jeunes, qualifiés de population «fragilisée», sont, selon la Région de Bruxelles-Capitale, les premières victimes sociales de la crise sanitaire. En effet, une hausse importante du chômage est constatée, avec pour catégorie d’âge la plus touchée, les jeunes de moins de 25 ans. Cette réalité économique délétère est particulièrement observable en Région bruxelloise où 9.353 des moins de 25 ans étaient au chômage vers la fin du mois de février 2021, soit une augmentation de 7,6% par rapport à l’an dernier à la même période.

Ces jeunes, nouvellement demandeurs d’emploi, viennent s’ajouter aux autres catégories de chômeurs ayant plus d’expérience. «À Bruxelles, le chômage des jeunes a déjà augmenté par rapport à il y a un an. Et ce n’est que le tout début. Il y a deux phénomènes. D’abord, il n’y a pas assez d’emplois. Ensuite, ces jeunes qui sont sans expérience sont mis en concurrence avec des personnes récemment licenciées, parce qu’il y a malheureusement d’autres licenciements. Il y a des chercheurs et chercheuses d’emploi expérimentés, proches de l’emploi, qui entrent en concurrence directe avec d’autres qui le sont moins», confiait à la RTBF Grégor Chapelle, directeur général d’Actiris.

Selon lui, le chômage des jeunes fraîchement diplômés serait en hausse, atteignant les 41%, pourcentage qui s’expliquerait par le fait que ceux-ci ne réussissent pas à décrocher immédiatement un premier emploi. En février, seulement 3.095 nouvelles offres d’emploi ont été proposées à Actiris, ce qui représenterait une baisse importante de 10,1%, lorsqu’on compare à la même période, l’an dernier.

Et le gouvernement dans tout ça?

Malgré la mise à disposition d’aides financières par les services d’aide sociale des différentes universités et hautes écoles du pays, de nombreux étudiants jobistes se trouvent dans une situation de précarité importante, notamment à la suite de la perte de plus de 90.000 jobs durant cette crise sanitaire. «On a voulu mettre un focus sur l’aide à ce public, avec une enveloppe de 30 millions d’euros via nos CPAS, pour faire en sorte que l’on puisse venir en soutien à ces publics particulièrement précarisés», nous disait le ministre fédéral socialiste de l’Économie et du Travail, Pierre-Yves Dermagne, lors du conseil de sécurité du 12 février 2021.

Concrètement, seulement 24 des 30 millions d’euros annoncés seront alloués par le gouvernement fédéral aux CPAS pour leur permettre de rendre effectif le plan «Zoom 18/25» dès le 1er avril 2021. Il s’agit d’un plan d’aide qui s’adresse aux jeunes dans le besoin, âgés de 18 à 25 ans, ayant le profil d’étudiants ou non. Octroyées au cas par cas par l’ensemble des CPAS du pays, les sommes pourront être ponctuelles (paiement d’un abonnement internet, d’un loyer, d’une facture…) ou plus structurelles. Les éventuels bénéficiaires de cette aide devront répondre à certaines conditions, telles que ne pas bénéficier d’une éventuelle aide parentale ou ne pas percevoir de revenus considérés comme suffisants. Ces aides permettront de soutenir de nombreux jeunes en détresse économique.

Sur le plan de l’emploi, le gouvernement bruxellois a quant à lui mis en place depuis le 1er janvier 2021 une prime d’aide, «Phoenix.brussels», pour pouvoir relancer l’emploi et permettre l’insertion professionnelle. Les employeurs de divers secteurs privés ou publics pourront ainsi toucher une aide financière mensuelle allant de 500 à 800 euros lors de l’engagement d’un jeune. Le dispositif vise les personnes nouvellement inscrites chez Actiris et/ou celles ayant perdu leur emploi durant la crise sanitaire, et les montants varient selon le profil engagé. Cette aide à l’emploi sera valable uniquement durant l’année 2021, pour des contrats signés entre le 1/1/2021 été le 31/12/2021.

Quid de nos voisins français?

Contrairement à la Belgique, la France s’est concrètement lancée dès le mois d’octobre 2020 dans la mise en place d’aides et d’investissements visant la jeunesse. Lors de son allocution du 26 novembre dernier, le Premier ministre français Jean Castex a annoncé une enveloppe de 50 millions d’euros pour la création de 20.000 jobs étudiants supplémentaires. En plus de cette création de nouveaux emplois, le gouvernement français a doublé le budget de l’aide d’urgence pour les étudiants en situation de précarité, soit un budget de 56 millions d’euros permettant ainsi d’aider 45.000 étudiants en plus dans les mois à venir.

Pour les jeunes déjà présents sur le marché du travail, le gouvernement français s’est engagé à renforcer le plan «1 jeune, 1 solution», décision qui permettra de soutenir les jeunes dans leur insertion professionnelle. Le nombre de bénéficiaires sera revu à la hausse, voire doublé, et quelque 200.000 jeunes pourront ainsi être aidés. Une aide sera aussi mise en place pour les jeunes diplômés, qui permettra d’aider ces derniers à trouver leur premier emploi. Ce dispositif visera à aider chacun d’entre eux via Pôle emploi, avec un soutien financier durant leurs recherches allant jusqu’à 500 euros par mois et par personne.

Malgré les mesures prises, la crise économique due au Covid n’épargnera personne et encore moins la jeunesse, déjà en première ligne, qui voit ses perspectives professionnelles s’éloigner au fil des mois. L’insertion professionnelle s’annonce bien plus compliquée que prévu pour ces premières jeunes victimes sociales de cette crise sans précédent, et ce, malgré les aides de l’État décidées fort tardivement chez nous et sans doute insuffisantes.

* Cet article fait écho à notre dossier d’avril «Covid-19: la sale tronche de l’emploi», consultable sur www.alterechos.be et disponible sur notre boutique en ligne.

En savoir plus

Découvrez l’ensemble des productions réalisées par les étudiants de l’Université Saint-Louis lors du projet Bruxitizen: «Jeunes, inégalités sociales et pandémie» sur le site dédié au journalisme citoyen de l’Agence Alter: altermedialab.be

Agence Alter

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