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Regard critique · Justice sociale

Carte blanche

Sexualité: «On vit dans un drôle de monde…»

Ces articles ont été écrits par des jeunes lors d’ateliers Scan-R, le dispositif média innovant d’accompagnement à l’expression des 12-30 ans en Fédération Wallonie-Bruxelles.

J’AIMERAIS AIMER

Anonyme, Écaussinnes

On vit dans un drôle de monde dans lequel beaucoup préfèrent voir deux hommes se battre plutôt que voir deux hommes qui s’embrassent. Cette phrase m’interpelle. Oui, j’aime les hommes. Quelle différence? Je ne sais pas.

Pour certains, je ne suis victime que d’une construction sociale, influencée par la propagande dite «LGBT». Pour d’autres, je suis le résultat d’une erreur que la nature aurait commise. Mais quoi qu’ils puissent penser, je suis d’abord et avant tout moi-même.

Mais à quel prix? Celui de la liberté? Dans de nombreux pays, le simple fait d’aimer une personne du même sexe vous envoie à la case prison, voire même dans certains cas à l’élimination du plateau, autrement dit la mort. Comme si j’avais triché en enfreignant les règles fixées par les maîtres du jeu.

Celui de la sûreté? Montrer cette orientation, rien qu’un peu, vous expose à des risques d’agressions, d’insultes et de moqueries. On voit même des groupes homophobes s’attaquer aux prides prônant la fin de l’endoctrinement de leurs enfants, qui, d’après eux, subiraient une influence venant de ces «gens-là».

Celui de l’existence? Pour certains, «ils» devraient se cacher, ne pas le montrer ou encore le «guérir». Pour eux, pour leur idéal et pour leurs envies de monde pur, l’idée que leur enfant «devienne» un jour membre de cette secte wokiste les horrifie.

Alors oui, je refuse. Je refuse de subir cette haine et cette souffrance. Je refuse d’attendre qu’un gouvernement plus qu’incompétent daigne à se bouger un peu. Je refuse que les enfants soient harcelés à cause de ça. Je refuse que l’on ne puisse pas aimer.

«En France, une mère fait boire de la Javel à son fils parce qu’il est gay.»

Vivre sans peur,
Être sans déranger,
Aimer sans avoir honte,
C’est tout ce que l’on vous demande.

Merci.

 

IL N’Y A PAS D’ÂGE POUR SE RENDRE COMPTE DE SA TRANSIDENTITÉ

Andréa, 13 ans, Liège

Je suis transgenre. Je ne me sens pas à l’aise dans le corps dans lequel je suis né. Je m’en suis rendu compte quand j’avais 11 ans. On me dit souvent que je ne suis pas un vrai transgenre car je ne me suis pas toujours senti comme un garçon. Mais il n’y a pas d’âge pour se rendre compte de sa transidentité, et on dit souvent que faire partie de la communauté LGBTQIA+ est un effet de mode ou une phase. On se cherche juste, que ce soit dans le genre, la sexualité ou le romantisme.

En tant que garçon transgenre, ça m’arrive d’aimer les choses féminines. Ça m’arrive de porter des robes ou des jupes, de ne pas mettre de maquillage, même si ça me donne énormément de dysphorie. Mais il n’y a rien de grave à ça. Comme le fait que certaines personnes transgenres ne veuillent pas faire certaines opérations à leurs parties intimes, ou iels ne veulent pas faire de transition, tout simplement. C’est à eux de choisir. C’est leur corps.

Pour finir, j’ai un conseil à donner à toutes les personnes qui font partie de la communauté LGBTQIA+: n’ayez jamais honte de qui vous êtes, de votre questionnement de genre, sexualité ou romantisme. N’ayez pas honte des étapes de transition que vous voulez ou ne voulez pas faire. Soyez juste qui vous êtes.

Et bonne chance à toutes les personnes qui vont faire leur coming out. Ainsi qu’aux personnes qui vont réaliser des étapes de transition (ou pas).

REFUS D’ÊTRE DANS UNE CASE

Anonyme

Je suis bi. Je l’ai su vers l’âge de 15 ans. Personne de mon entourage ne le sait.

Une seule personne est au courant. J’ai bien voulu lui dire car elle est aussi bisexuelle. Donc elle ne m’aurait pas tourné le dos. Je ne préfère pas en parler à ma famille car j’ai peur qu’ils n’acceptent pas mon orientation sexuelle. Puisque je suis une fille adolescente, je me suis posé des questions il n’y a pas longtemps. Par exemple, est-ce que je pourrais tomber amoureuse d’une fille? Je me suis demandé si j’en avais le droit. Quelques questions de ce genre. 

Je me suis rendu compte que la réponse à ma question était oui: je pourrais aimer une fille. Moi, je tombe amoureuse d’une personne, pas d’un sexe ou d’un genre en particulier. Je déteste le fait de devoir donner un nom, je déteste devoir faire partie d’une case. Puisque je peux aimer une fille, est-ce que je dois me considérer comme lesbienne? En fait, je n’en sais rien. Peut-être que je suis bi. En réalité, ça ne m’intéresse pas trop de mettre un mot sur ma sexualité, une case. Ce n’est que mon avis. Mettre dans une case, c’est réduire.

Malgré cela, j’ai peur, tout le temps. Peur que ma famille n’accepte pas ma bisexualité. Peur qu’ils m’en veulent ou qu’ils m’abandonnent, me tournent le dos. Peur des moqueries. Je ne pense pas qu’ils seraient d’accord. Je ne pense pas oser rester bisexuelle.

CE CORPS QUI EST MIEN MAIS NE L’EST PAS

Anonyme

Un jour, je changerai mon corps. Je suis née fille, mais je suis et j’ai toujours été un garçon. Je n’aime pas ce corps. Ce n’est pas moi. Quand je me regarde dans un miroir, le corps que je vois n’est pas moi. Je dois porter et voir ce corps tous les jours de ma putain de vie. Je le déteste.

Pour me sentir mieux, j’ai acheté des vêtements de mec et, en plus, je porte un binder pour m’aider à avoir le torse que j’ai toujours rêvé d’avoir. Tous les matins et tous les soirs, j’imagine sur moi le corps de mes rêves, celui qui me donnerait satisfaction en étant torse nu ou en maillot. Pas ce corps qui n’est pas le mien.

Ce corps me rappelle que nous ne pouvons pas toujours avoir le corps que nous voulons. Mais je ne perds pas espoir.

À PARTIR DE QUAND PEUT-ON CONSIDÉRER QU’UN ACTE EST UN VIOL?

Anne-Gaëlle, 16 ans, Tubize

À partir de quel moment peut-on considérer qu’un acte est un viol?

À partir du moment où une personne force une autre à avoir des relations sexuelles ou encore de se faire toucher sans avoir une confirmation de la volonté de l’acte.

Quelques infos intéressantes…

  • 47% des Belges ont déjà vécu un viol
  • 48% des jeunes ont été violées avant leurs 19 ans
  • 23% des jeunes pensent que les femmes aiment être forcées à avoir un rapport sexuel
  • 1/3 des jeunes disent que si on ne dit pas explicitement ‘non’, ce n’est pas un viol
  • 53% des viols sont classés sans suite lors d’une plainte
  • 1/5 des femmes ont déjà été victimes de viol
  • Selon l’âge lors du viol, la peine est augmentée ou diminuée

Quelles sont les répercussions?

Au niveau du mental, il y a le stress post-traumatique (cauchemars, flashbacks, comportements d’évitement, hypervigilance), l’anxiété (peur, nervosité, hypersensibilité), la dépression (mauvaise humeur, auto-évaluation négative, difficulté à ressentir du plaisir sexuel), l’amnésie, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), l’alimentation perturbée.

Physiquement, il peut y avoir des douleurs aiguës, plaies, hématomes, perforations hyménales; et il peut y avoir des IST (infections sexuellement transmissibles) ou même des MST sur le moment même de l’acte. Mais à long terme, il y a des maux de tête, de la fatigue intense, des douleurs chroniques, des troubles digestifs et gynécologiques, des palpitations.

Si je veux vous parler de ce sujet, c’est parce que je l’ai personnellement vécu. Une première fois lorsque j’avais 5 ans et une seconde fois quand j’avais 15 ans.

Je ne me souviens pas tout à fait pour la première fois car c’était il y a longtemps.

Malgré qu’il y ait 11 ans de différence entre maintenant et cet acte, il y a toujours des répercussions mentales. J’ai peur de croiser un homme dans la rue; j’évite le contact physique avec les garçons et même pour réconforter un ami.

Lors du second acte, cela s’est passé quand j’étais en couple. Au début, je pensais qu’avoir des rapports sexuels que je ne souhaitais pas avoir était ma faute car je n’avais pas de libido.

En fait, c’était lui le problème. Il me forçait psychologiquement à faire l’amour (menaces de rupture, de me tromper…). Au fil du temps, ‘me laisser faire’ me pesait sur la conscience. Je perdais confiance en moi; je mentais à mes amis en disant que mon couple était génial et qu’il n’y avait pas de problème; et je me dégoûtais de moi-même car il avait une emprise mentale sur moi.

Je n’ai pas porté plainte car je sais que beaucoup de violeurs n’ont pas été condamnés et qu’il n’y avait pas de preuves concrètes pour prouver l’acte.

Mon enfer a duré un an avant que je ne trouve la force de le quitter.

J’encourage vivement toutes les victimes de viol à aller porter plainte le plus vite possible. Il ne faut pas avoir peur de dénoncer car ce violeur recommencera et fera d’autres victimes.

En savoir plus

Bouches émissaires, Jeunesses ardentes
Ce livre reprend les textes d’une centaine de jeunes que Scan-R a rencontrés durant l’année 2022 lors d’ateliers et du Laboratoire social et médiatique organisé en novembre 2022.
Cet ouvrage reprend les récits de jeunes à propos de quatre thématiques: Écologie, Genre, Migration et Scolarité et est le second recueil édité par Scan-R, après Bouches émissaires, Jeunesses confinées, publié en 2020 qui mettait en avant le vécu des 12-30 ans durant le confinement et la crise sanitaire inédite.
Pour plus d’infos: www.scan-r.be

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