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Regard critique · Justice sociale

Santé

Santé mentale : une thérapie par le lien social

Accompagner les seniors dans leur position de sujet, favoriser leur lien à l’autre par la rencontre. Pour atteindre ces objectifs, le service de santé mentale La Gerbe x1x mêle subtilement travail individuel et communautaire. Avec, en toile de fond, une quête de plus de cohésion sociale.

25-01-2013 Alter Échos n° 352

Accompagner les seniors dans leur position de sujet, favoriser leur lien à l’autre par la rencontre. Pour atteindre ces objectifs, le service de santé mentale La Gerbe[x]1[/x] mêle subtilement travail individuel et communautaire. Avec, en toile de fond, une quête de plus de cohésion sociale.

Le Service de santé mentale La Gerbe est composé de différentes structures : lieu d’accueil, centre d’expression et de créativité (CEC), consultations et activités de santé communautaire. Tout cela dans un même espace. « Ce sont des lieux différenciés, mais ouverts les uns sur les autres. Il n’y a pas de circuit obligé. Cela circule entre ces différentes structures, et c’est cela qui fait aussi santé mentale », raconte Charles Burquel (psychiatre et directeur)*[x]2[/x] dans une vidéo réalisée à l’occasion des 40 ans de l’asbl. Et cette circulation dépasse les murs de l’association pour s’étendre au quartier.

 

De l’individuel au communautaire

« On peut dire que ce genre de structure multiple « fait soin » en elle-même », explique le directeur*. Les interférences, les échanges, les inédits ou encore l’informel, tous ces petits « quelque chose » ont ici leur importance.

Chaque structure est une réponse différente aux problématiques de santé mentale. Parfois la consultation psychologique ne fait pas sens, nous explique-t-on. Soit parce qu’il n’y a pas de demande, soit parce que les origines des troubles sont sociales. Le travail thérapeutique est, à ce moment en tout cas, inadéquat. C’est alors que la santé mentale communautaire (voir encadré) se révèle intéressante.

Claudine Vanderbecq vient régulièrement au Café Papotte. Tous les quinze jours, les participants y mitonnent des petits plats qu’ils mangent ensemble. « En fait le Café Papotte, ça m’a aidé à m’ouvrir, explique-t-elle. Je venais ici en thérapie. On m’a expliqué ce que c’était le Café Papotte, je suis venue et je me suis investie pour faire les repas et un petit peu à la fois je me suis sentie plus à l’aise. Ça m’a aidé à m’ouvrir à d’autres projets. C’est ce qui m’a aidé à me sentir mieux »*.

Parmi les autres activités communautaires de La Gerbe : l’Atelier, aujourd’hui devenu un CEC, le projet Mémoire Vivante, et la participation aux fêtes de rue en collaboration avec les associations de quartier. Ces activités sont financées par la Cohésion sociale et par le Contrat de quartier Coteaux-Josaphat.

[e]Santé mentale communautaire : quelques repères[x]3[/x]

La santé mentale communautaire (SMC) est née dans le contexte de bouillonnement socio-politique et militant des années soixante. Elle se situe à l’intersection de trois courants. Un courant sociopolitique de mobilisation citoyenne ; un autre de réforme de la médecine impulsé par le Germ (Groupe de réforme de la médecine) qui prône entre autres plus de participation de la communauté à la santé ; et enfin, un courant de désinstitutionnalisation de la psychiatrie. Ses sous-bassements théoriques reposent notamment sur l’éducation populaire (Paulo Freire), la désinstitutionnalisation, la psychologie sociale, la psychanalyse, la systémique et l’anthropologie.

La SMC est un ensemble de pratiques qui vont de la prévention aux soins et qui mobilisent les personnes autour d’un espace géographique ou autour d’une situation commune. Elles ont un double objectif d’amélioration de la santé mentale et de développement de la citoyenneté. Quelques spécificités de ces pratiques : faire porter les initiatives par les participants, sortir des murs des services de santé mentale, situer l’individu dans son contexte social, une dimension collective proposée comme une alternative à la relation soigné-soignant, une dimension politique (prise de parole, revendication) et d’empowerment. A Bruxelles, la Plate-forme de SMC a été créée en 2009, avec pour objectif de faire reconnaître ses pratiques par le politique.[/e]

A travers les âges et les cultures

Intergénérationnel et interculturel, le projet Mémoire Vivante se veut transversal. Né en 1989 autour des problématiques du vieillissement, on y travaille les situations de dépressions, les pertes et deuils successifs, mais aussi les désirs, les envies. Car la personne âgée a bien un futur devant elle. Elle peut en devenir actrice et a une place à prendre dans le tissu social. Et dès le départ, l’équipe caresse l’idée de créer des échanges entre ancienne et nouvelle générations.

Le projet mêle le préventif et le curatif, l’individuel et le communautaire. Il brasse les publics. Avec ou sans troubles psychiatriques, issus de l’immigration ou d’origine belge, enfants ou personnes âgées, les activités sont ouvertes à tous.

A travers l’axe individuel du projet, les professionnels de La Gerbe proposent aux personnes âgées un accompagnement à domicile. Un accompagnement pratique ou thérapeutique. Qu’en est-il de l’axe communautaire ? « En réseau avec les différentes asbl du quartier, nous travaillons dans ce sens de créer ce lien qui fait souvent défaut », explique Vinciane Della Faille, travailleuse psycho-sociale. Que ce soit à travers l’organisation de cours de gymnastique douce, d’activités artistiques, du recueil de récits de vie, de l’organisation de rencontres entre personnes âgées et enfants (en collaboration avec l’AMO Amos et l’Ecole primaire n° 1 de Schaerbeek) ou encore de tables de conversation.

« Aujourd’hui le visage de la vieillesse dans le quartier a changé, commente Vinciane Della Faille. Par rapport au début du projet, le quartier a connu une immigration importante et diversifiée. Nous nous sommes ouverts à ces nouveaux publics. Dans ce cadre, les tables de conversation sont davantage un prétexte à la rencontre. Il s’agit souvent, avant tout, de réconcilier le public avec le français. Parce qu’ils l’ont parfois vécu comme une agression, par exemple en se faisant engueuler dans une école ou parce que la question de l’obligation de l’apprentissage se pose. » Il ne s’agit pas pour autant d’oublier les seniors « belgo-belges », dont certains vivent parfois cette immigration comme un envahissement. « Ils détiennent une part de l’histoire du quartier, il y a un travail à faire pour réconcilier tout cela ».

Les activités se veulent conviviales, libres d’accès, et s’organisent dans un cadre très souple et en partant des souhaits des participants.

Santé mentale communautaire vs cohésion sociale

« La santé mentale communautaire nourrit la cohésion sociale. Et le fait de retrouver une place en tant qu’acteur de la vie sociale va influer sur la santé mentale. On fait donc les deux, explicite Vinciane Della Faille. Pour nous l’un permet l’autre. La cohésion sociale, on a tout le temps cela en tête, quoi que l’on fasse… »

Mais quelles sont alors les spécificités de la SMC par rapport à d’autres actions de type communautaire ? « De par nos formations [NDLR dans le domaine de la santé mentale], je pense qu’on a une manière très « clinique » d’aborder les choses, avec une écoute de la souffrance et une place particulière accordée au sujet », poursuit la travailleuse psycho-sociale. Un angle spécifique, qui prend tout son sens face aux situations de solitude vécues par nombre de personnes âgées… et moins âgées.

1. La Gerbe
– adresse : rue Thiéfry, 45 à 1030 Schaerbeek
– tél. : 02 216 74 75

2. Les citations suivies d’une astérisque sont issues d’une vidéo réalisée à l’occasion des 40 ans de La Gerbe.
3. Eléments issus d’une présentation de la Santé mentale communautaire à l’occasion de la troisième journée des services de santé mentale organisée par la Fédération des Services de Santé mentale Bruxellois Francophones, le 23 octobre 2012.

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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