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Regard critique · Justice sociale

Primo-arrivants : une politique sous-régionalisée en Wallonie

La Région wallonne est-elle prête à mettre en place un parcours d’intégration structuré comme en Flandre ou comme on en discute à Bruxelles ? Rien n’estmoins sûr…

18-05-2009 Alter Échos n° 272

Tout comme à Bruxelles, en Wallonie, les politiques d’accueil des primo-arrivants varient bien souvent d’une commune à l’autre et d’une sous-région à l’autre. Mais laRégion wallonne est-elle prête à mettre en place un parcours d’intégration structuré comme en Flandre ou comme on en discute à Bruxelles ? Rien n’est moinssûr…

En Région wallonne, c’est le ministre de la Santé, de l’Action sociale et de l’Égalité des chances qui dispose du pouvoir décrétal en matièred’accueil des primo-arrivants (PA). Le décret « relatif aux personnes étrangère et d’origine étrangère» adopté en 1996 a ainsicréé six centres régionaux d’intégration (les CRI), un septième arrivera plus tard, à qui il confie un large champ de mesuresgénéralistes dont aucune ne s’adresse spécifiquement aux primo-arrivants. « La politique menée vis-à-vis des personnes de nationalité oud’origine étrangère s’appuie sur des initiatives régionales et communales, explique le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre leracisme. Ces initiatives diffèrent d’une sous-région à l’autre, d’une ville/commune à l’autre. Le Fonds d’impulsion à la politique desimmigrés (Fipi) financé par la Loterie nationale, complète ce dispositif d’aide aux opérateurs wallons actifs en cette matière. Enfin, àcôté des politiques publiques, il faut relever le rôle important et innovant des initiatives portées par le très riche milieu associatif wallon. Celui-cibénéficie de subventions publiques et philanthropiques mais agit le plus souvent en ordre dispersé, et l’impact de ses actions est difficile à évaluer.»

Outre les moyens dégagés par l’Europe ou l’État fédéral, la politique d’intégration des personnes étrangères ou d’origineétrangère représentait au niveau wallon un budget de 5,4 millions d’euros pour 2008 dont une grande partie est dévolue aux CRI. Ceux-ci sont des asbl mixtes, enpartie publiques, en partie privées, dans lesquels les communes sont très impliquées via le conseil d’administration duquel elles ont souvent la présidence etoù siègent, à côté des représentants d’institution, des échevins. Comme l’indique le décret, la Région wallonneréserve également une petite partie du budget pour des « initiatives locales de développement social ». Il est destiné à des initiatives autour dedifférentes thématiques : médiation sociale et interculturelle, aide aux étrangers dans l’explication de leurs droits et de leurs devoirs, alphabétisation,organisation de formation socioprofessionnelle et projets qui rapprochent allochtones et autochtones.

À chacun sa spécificité

Si les problématiques sont souvent identiques à celles rencontrées à Bruxelles, notamment en termes de coordination, il existe néanmoins desparticularités propres à la Région wallonne. Ainsi, les CRI wallons peuvent être divisés en deux catégories qui recouvrent chacune des approchesdifférentes. « Certains s’appellent centre régional d’intégration, d’autres centre d’action interculturelle, expose Ilke Adam, chercheuse àl’ULB (Germe) et auteure d’un doctorat portant sur les politiques d’intégration des étrangers et des Belges d’origine étrangère des entitésfédérées de la Belgique1. Les centres d’intégration comme celui de Liège, mettent d’avantage l’accent sur l’intégrationsocio-économique et se focalisent moins sur les différences ethniques et culturelles. Ainsi, le centre d’intégration liégeois coordonne souvent des plates-formes dequartier là où l’on retrouve beaucoup d’allochtones. On peut comparer cela à un travail d’éducation. Les centres d’action interculturelle voientles choses davantage avec des lunettes « ethniques » ».

Autres particularités wallonnes : le nombre important de centres d’accueil pour demandeurs d’asile sur le territoire, les problèmes de mobilité dans les zonesrurales, l’absence dans certaines sous-régions de communautés étrangères et d’associations de migrants qui permettent dans les grandes villes une certainesolidarité intra-communautaire.

Quand le fédéral empoisonne les politiques locales

Les centres d’accueil, on le sait, sont de compétence fédérale, mais sont étroitement imbriqués avec la politique d’intégration régionale etcommunale. Ainsi, si la nouvelle loi fédérale sur l’accueil devait permettre une meilleure information des résidents, l’absence de moyens suffisants dévolusà cette loi et d’un certain nombre d’arrêtés d’exécution, conjuguée au fait que le réseau Fédasil-Croix-Rouge est actuellementsaturé faute de décision en matière de critères clairs de régularisation, rend la situation au niveau des partenaires locaux de ces centres parfoisproblématique. La saturation engorge ces services qui voient se réduire leur disponibilité à l’égard du public primo-arrivant. La Ligue des droits del’homme et le Centre d’action interculturelle de Namur qui avaient programmé, en 2008, la visite de tous les centres ouverts pour réfugiés et demandeurs d’asilede la province de Namur (sept au total) ont tiré des conclusions pour le moins interpellantes : « À la suite de ces visites, nos constats sont d’une part, un manqued’information sur la vie politique, culturelle, sociale et économique du pays d’accueil et d’autre part, le manque de suivi après la régularisation. Desséances de formation et d’information au sein des centres seraient nécessaires pour les résidents. Les centres devraient disposer d’un listing des associationset des services auxquels les résidents peuvent avoir recours après leur sortie.”2

Lors du séminaire autour des primo-arrivants organisé ce 28 avril par le Centre d’action interculturel (CAI) de Namur3, un certain nombre de témoignages ontconfirmé ces constats. “Ainsi, chez Fedasil, explique un travailleur social du Centre d’accueil de Florennes, on ne parle pas d’intégration pour nos résidentsparce qu’on sait qu’environ 80 % d’entre-eux recevront un avis négatif à leur demande d’asile, nous parlons seulement d’intégration dansl’environnement local et nous organisons des activités entre les résidents du centre et les habitants. Nous avons établi des partenariats locaux avec l’AMO, lacommune, le centre culturel mai
s nous n’avons pas le temps de faire de l’information sur la société belge et son organisation, nous confions cela à des organisationsextérieures.”

Autre témoignage, cette infirmière psychiatrique qui travaille également avec des résidents en centre d’accueil : « Je vois arriver un nombre grandissant decas psychiatriques, des gens qui décompensent. Les centres, vu les conditions de vie, l’absence de projet, de perspective, d’intimité et la durée du séjourdéveloppent des paranoïas et de véritables maladies mentales chez les résidents, maladies qui persistent même une fois que ceux-ci ont obtenu les papiers.Résultat, ces personnes vont coûter à la sécurité sociale parce qu’on a raté le moment clé de leur accueil. »

Pas d’unicité de parcours

À côté des centres d’accueil, on retrouve parmi les acteurs de première ligne, les CPAS, à travers l’organisation d’initiatives localesd’accueil (ILA) où résident des demandeurs d’asile et à travers l’accueil post-centre. Ici aussi, les assistants sociaux se plaignent du manque decoordination avec les associations de terrain et du manque d’informations sur les outils existants. Un déficit de coordination qui devrait sans doute être pallié àterme avec l’avancement des plans locaux d’intégration initiés en 2007 et que chaque Cri doit mettre en place avec ses partenaires : tant le monde associatif que les responsablespublics que sont la Région, la Province, mais également les villes et communes concernées.

Mais si certains des participants au séminaire réclament la mise en place d’un parcours d’intégration au niveau wallon, à entendre le panel politiqueréuni ce jour-là, l’avis ne semblait pas partagé. Aucun des quatre partis représentés n’avait en effet de proposition telle que celle avancéeà Bruxelles à savoir la création d’un véritable parcours d’intégration structuré non obligatoire, tout au plus des recommandations par secteur commel’enseignement, l’emploi, la santé, etc.

Benoîte Dessicy, directrice du CAI de Namur, a toutefois amorcé ce qui pourrait être le début d’une proposition : “s’il est indispensable de mieuxfinancer les opérateurs sur le terrain et notamment les services d’interprétariat sociaux, les médiateurs interculturels, il est également indispensable de financerun dispositif multisecteurs qui permettrait l’égalité d’accès sur tout le territoire de la Région wallonne” et la directrice du CAI d’appelerà une coordination sur ce sujet entre Bruxelles et la Wallonie.

1. Dirk de Cock & Ignace Fermont, Bruxelles, Flandre, Wallonie : un monde de différence, in Agenda Interculturel n° 267, novembre 2008.
2. Les centres ouverts pour réfugiés de Namur sous la loupe du CAI et de la Ligue des droits de l’homme, in Osmoses n°50 de janvier-février-mars 2009.
3. CAI Namur :
– adresse : rue Docteur Haibe, 2 à 5002 Saint-Servais (Namur)
– tél. : 081 73 71 76
– site : www.cainamur.be

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