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Regard critique · Justice sociale

Loi sur le crédit : décriée hier, louangée aujourd’hui

Le 19 novembre 2009, l’Observatoire du crédit et de l’endettement consacrait son colloque annuel à la problématique des services financiers offertsaujourd’hui aux consommateurs.

18-01-2010 Alter Échos n° 287

Le 19 novembre 2009, l’Observatoire du crédit et de l’endettement (OCE)1 consacrait son colloque annuel à la problématique des services financiersofferts aujourd’hui aux consommateurs. Une thématique plutôt dans l’actualité, même si les médiateurs et médiatrices de dettes ne se sont pasrendus en masse à cette journée. Petit résumé subjectif pour les absents.

S’interroger sur l’offre de services financiers que le marché propose actuellement était l’objectif affiché par l’OCE pour cette journéed’exposés et de débats qui se voulait réflexive sur nos modes de consommation des produits bancaires. Elle a clairement laissé apparaître un changementflagrant de mentalité des banquiers à l’égard du cadre légal qui organise le secteur du crédit à la consommation. Alors qu’il y a encore de celadeux ou trois ans, on entendait des plaintes répétées dans le chef des prêteurs à propos des excès de réglementation en Belgique, phagocytant, selonleurs dires, toute velléité d’amener le consommateur vers plus de crédit, on entend aujourd’hui des propos nettement plus mesurés, voire satisfaits àl’égard de cette même réglementation. La crise financière est passée par là et a sans doute traumatisé le secteur bancaire et financier, au pointde le voir ainsi chanter les louanges de la réglementation belge en matière de crédit. Un retournement de situation plutôt significatif.

L’enquête de l’Observatoire

En guise de fil conducteur tout au long de cette journée, l’Observatoire a présenté les résultats d’une enquête qu’il a réaliséeauprès de 15 prêteurs et intermédiaires de crédit, ainsi qu’en interrogeant 211 personnes via un questionnaire mis en ligne et dont l’existence aété annoncée aux répondants potentiels via plusieurs canaux. Il ne s’agissait pas d’une enquête quantitative significative, mais l’objectifétait plutôt de faire émerger certaines lignes de force à l’égard de l’offre de crédit, l’accès aux services bancaires etl’utilisation des moyens de paiement. Trois sujets qui ont fait l’objet de discussions en ateliers tout au long de cette journée.

L’enquête menée par l’OCE a ainsi révélé quelques constats intéressants : concernant la publicité pour le crédit, pour lesprêteurs, celle-ci se fait surtout via leur site web, mais aussi via des spots radio, des brochures et des affiches en agences. Les toutes-boîtes sont privilégiés par lesintermédiaires de crédit. Un intérêt marqué pour les caractéristiques techniques des produits est relevé dans le chef des consommateurs. Les banques,elles, recherchent à diffuser le prix de leurs produits, mais aussi un message de notoriété et d’accessibilité. L’enquête a égalementmontré que les consommateurs s’adressent prioritairement à leur banque pour obtenir un crédit, estiment souvent être contraints de choisir une assurance liéeau crédit, contrairement à l’avis des prêteurs qui estiment laisser le choix au client en la matière. Conditionnant l’octroi du crédit, souvent, unecession de rémunération ou une hypothèque, selon le type de produit, est exigée par le banquier, plus rarement une caution.

Enfin, concernant l’octroi actuel de crédit, pas de tendance haussière ou baissière, mais des montants de crédit moins importants, un succès pour lesprêts verts et une clientèle au profil un peu différent, avec plus de personnes précarisées, de jeunes de moins de 35 ans et de personnes âgées.

Des questions autour du crédit

Parmi les sujets de discussion : le dynamisme du marché du crédit et la question du choix pour le consommateur. Selon une enquête de Test-Achats (T-A) citée parAnne-Lise Evrard, il faut noter une grande fidélité (captivité ?) des clients vis-à-vis de leur banque, qui dénote sans doute la difficulté de changer debanque. Pour cette dernière, le marché est assez diversifié, peut-être trop au vu des formules innombrables de crédit. Au contraire, Pascal Lasserre (Associationprofessionnelle des courtiers de crédit) estime le marché pris en otage par quatre grandes banques, avec une protection de leur réseau et une difficulté pour les vraiscourtiers de faire leur travail de conseil. Selon Pierre De Smet Van Damme (assureur crédit Cardif), ce n’est pas tant l’offre de crédit qui pose problème, mais bienla compréhension des produits crédit qui est en cause et la difficulté de comparer les produits et les offres entre eux.

Concernant l’analyse de la solvabilité des clients, la représentante de la KBC a souligné l’intérêt pour les banques de voir un crédit sedérouler sans encombre et a mis l’accent sur la nécessité d’avoir accès à d’autres données que celles contenues dans le fichier positif dela BNB. Frédéric de Patoul, avocat, s’est lui prononcé contre un élargissement de la centrale des crédits, mais a plutôt plaidé pour la mise enœuvre du fichier des avis de saisie (cf. AE n° 270). Anne-Lise Evrard a pour sa part insisté sur le devoir du prêteur de s’informer sur les capacitésfinancières du candidat emprunteur (revenus et charges), solution que le président de séance Piet Van Baeveghem, secrétaire général de l’UPC (Unionprofessionnelle du crédit) a appuyée, en citant l’adoption d’un code de conduite par l’UPC qui porte notamment sur une analyse complète de la situation duclient crédit.

La question de l’assurance solde restant dû a également retenu l’attention, notamment quant au coût qu’elle représente et que les consommateursappréhendent très mal, au fait que les prêteurs lient certains avantages (notamment en matière de taux) à la souscription d’une telle assurance auprèsde leur propre organisme, mais aussi sur le type de couverture des risques, trop souvent limitée au décès ou l’incapacité, alors que la perte d’emploi est unrisque bien réel aujourd’hui. Quant au suivi des défauts de paiement et à la possibilité de trouver des arrangements entre prêteurs et emprunteurs,l’excès de législation a été soulevé par certains, empêchant des solutions amiables par les opérateurs. Un trop grand formalisme et un suivipurement administratif ont également été dénoncés.

Exclusion bancaire

L’enquête de l’OCE a montré que les banques, si elles affirment ne pas avoir d&rs
quo;exclusive par rapport à certaines catégories de consommateurs, voienttout de même certains publics plus représentés que d’autres, comme les indépendants, les professions libérales, les personnes plus âgées, lesclasses moyennes et/ou les personnes bénéficiant de revenus professionnels plus élevés ou encore les fonctionnaires. Mais cette segmentation ne serait pas due aux tarifspratiqués, à une concurrence trop peu développée ou aux politiques développées à l’égard des consommateurs. La grande majorité desparticuliers interrogés ne s’est jamais vu refuser l’ouverture d’un compte ou l’accès à un autre service de paiement. Les rares personnesconfrontées à ce cas de figure l’ont été parce qu’elles étaient généralement fichées à la Centrale des crédits auxparticuliers. Elles ont néanmoins pu ouvrir un compte dans un autre établissement financier. Une très faible proportion de consommateurs a demandé un service bancaire debase, mais ce service reste méconnu et très peu demandé. Très peu d’informations existe à ce sujet dans les agences bancaires.

Lors de la discussion menée dans un atelier par Bernard Bayot, du Réseau Financement alternatif, la notion d’inclusion financière a été abordéelaquelle, en Belgique, est assez élevée, à tout le moins en ce qui concerne les comptes à vue. L’utilisation du service bancaire est même en régression: 8 000 comptes de ce type, auxquels il faut ajouter les comptes gérés par les CPAS, ce qui correspond à un chiffre de 40 000 personnes, similaire à celui qui étaitavancé lors des discussions à propos du projet de loi relatif au service bancaire de base. On peut relever à l’égard de ce produit un déficitd’information de la part des établissements bancaires. Quant au crédit social, on a surtout parlé de crédit social à la consommation, qui représenteune part très faible de l’ensemble des crédits de ce type. La demande reste faible, l’information insuffisante, ainsi que l’offre. Or la demande pourrait êtrebien supérieure, mais nécessiterait des partenariats, le cas échéant du secteur bancaire traditionnel, mais à condition de prévoir un accompagnementspécifique. L’épargne collective a également été évoquée.

Les conclusions du colloque ont été assumées par Éric De Keuleneer, professeur à la Solvay Business School, lequel a mis l’accent sur une situationglobalement positive grâce à la réglementation belge, mais a aussi relevé= des tarifs peu transparents, une publicité parfois trompeuse et une informationinsuffisante quant aux risques liés à certains produits.

1 Observatoire du crédit et de l’endettement :
– adresse : place Albert 1er, 38 à Marchienne-au-Pont
– tél. : 081 33 12 59
– site : www.observatoire-credit.be

Nathalie Cobbaut

Nathalie Cobbaut

Rédactrice en chef Échos du crédit et de l'endettement

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